Le coup d’État était réel fut géré intelligemment par le tsar, si bien qu’il revint en moins de 24 heures sans verser une goutte de sang
Pour le blog d’analyses géo-politique italien, Piccole Note, le narratif d’un faux coups d’Etat est erroné :
« Le coup d’État était réel, peut-on lire dans l’article intitulé Le coup d’État manqué renforce Poutine, comme cela s’est produit pour Erdogan et Maduro…, et fut géré intelligemment par le tsar, si bien qu’il revint en moins de 24 heures sans verser une goutte de sang (quelques escarmouches, quelques victimes, mais actions plus qu’isolées). On peut imaginer si cela se produisait en Amérique : une armée rebelle prend le contrôle d’une ville importante et marche sur la capitale. L’aviation décimerait l’armée en marche et l’armée prendrait d’assaut la ville. Des dizaines de milliers de morts, le spectacle d’une lutte fratricide que Poutine n’a pas voulu livrer à ses ennemis. »
Piccole Note souligne :
« Les médias américains ont rapporté que les services de renseignement américains connaissaient les intentions de Prigozhin depuis des jours. Bien évidemment, il n’est pas nécessaire d’être un génie pour comprendre que Prigojine s’est rapproché de l’Occident (voir les déclarations de Scott Ritter, un ancien analyste de la CIA, sur le fait qu’il avait été « enrôlé »). Il est tout aussi évident qu’ils nient tout contact avec le rebelle.
« Et il est tout aussi évident que Poutine était conscient de ce qu’il préparait. À notre petite échelle, nous avions révélé le manque de fiabilité de Prigozhin dès le 12 juin dernier, avec une note issue d’indices précédents. Les Russes ont des outils plus efficaces que les nôtres pour passer au crible… »
Comme en 1917
La question qui se pose : pourquoi l’ont-ils laissé agir ?
« Le fait, continue Piccole Note, est que le coup était beaucoup plus complexe, ne pouvait certainement pas se baser uniquement sur les 25 000 hommes armés employés par l’ancien cuisinier. Poutine l’a également dit lorsqu’il a évoqué la révolution d’Octobre dans son discours à la nation.
« En 1917, Lénine atteignit la Russie avec une poignée de militants, mais beaucoup de personnes et de puissants attendaient l’étincelle qui allumerait le feu dévorant qui réduirait en cendres l’empire tsariste. Le problème n’était donc pas les quatre mercenaires sous les ordres de Prigozhin, mais combien dans l’Empire partageaient le plan. »
Si l’on analyse la rébellion, Piccole Note avait fait remarquer précédemment :
« Qu’elle aurait dû se déclencher en même temps que la percée des lignes défensives russes en Ukraine. Les critiques du commandement militaire russe avancées par Prigojine depuis un certain temps auraient ainsi eu une consistance difficilement évitable et sa marche sur Moscou un autre élan. Mais la percée du front n’est pas venue. Dans le même temps, la date du 1er juillet, jour où les milices mercenaires auraient dû signer un contrat avec la Défense qui les plaçait sous son contrôle, planait sur le sort de l’ancien chef, pion clé du putsch.
« Prigozhin avait déjà déclaré qu’il ne signerait pas, une position qui, après le 1er juillet, aurait pris les connotations d’une rébellion ouverte contre le tsar, qui avait donné l’ordre. Cela n’aurait pas pu être toléré : l’ex-cuisinier pouvait se retrouver aux fers. »
Alors, lit-on dans cet article éclairant, « Prigozhin et ses sponsors ont décidé de ne plus attendre la percée et de commencer le soulèvement avant la date fatidique.
Mais Poutine savait parfaitement que le problème était le soutien interne. Ainsi, tandis que Wagner faisait ses pas, le Kremlin se mit à bouger dans le secret.
« Et, le matin critique, les dirigeants russes les plus autorisés (politiques et institutionnels) ont été appelés à dire de quel côté ils se trouvaient. Ainsi les déclarations publiques de soutien au président se succèdent, d’autres auront été faites sous une forme plus privée. Le travail que les appareils fidèles au tsar ont effectué à cette époque restera un mystère, mais il est clair qu’il a été couronné de succès.
« On sait aussi qu’entre-temps, des négociations sont en cours avec Prigozhin, dans le but de le convaincre de ne pas verser le sang et de lui faire prendre conscience de ce qui se passait en secret.
« Cela explique l’absence de combat de la colonne sur son chemin vers Moscou : en rase campagne, c’était une cible parfaite pour les jets russes, qui l’auraient facilement mise en déroute. Mais cela ne servait pas.
« Au lieu de cela, il fallait isoler Prigozhin et lui faire comprendre la situation. Une fois laissé seul, il ne restait plus qu’à assurer à l’ancien cuisinier et à ses conspirateurs que la reddition garantirait sa vie, afin d’éviter tout contrecoup. L’exil en Biélorussie a donc été convenu pour Prigozhin. Sa milice reviendra cependant au front, mais sous le contrôle de l’armée. »
Ceux qui en Occident avaient misé sur la variable Prigozhin pour gagner la guerre contre la Russie ont échoué
Piccole Note conclut justement :
« Ceux qui avaient misé sur la variable Prigozhin pour gagner la guerre contre la Russie ont échoué. Et, comme cela s’est produit en 2016 en Turquie pour Erdogan et comme cela s’est produit en 2019 au Venezuela pour Maduro, l’échec du coup d’État a renforcé Poutine.
« Une fois le coup de théâtre raté, l’Occident se retrouve avec les options précédentes : poursuivre la guerre sanglante en Ukraine ou rechercher un compromis. »
Francesca de Villasmundo
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