La lettre, ouverte aux nouveaux signataires
Son titre est en latin : « Correctio filialis de haeresibus propagatis » (littéralement : « Une correction filiale concernant la propagation d’hérésies »). Elle affirme que le pape, par son Exhortation apostolique Amoris laetitia ainsi que par d’autres paroles, actions et omissions en rapport avec celle-ci, a effectivement soutenu sept propositions hérétiques par rapport au mariage, à la vie morale et à la réception des sacrements, et qu’il a été à l’origine de la diffusion de ces opinions hérétiques au sein de l’Eglise catholique.
Ces sept hérésies ont été exprimées par les signataires en latin, langue officielle de l’Eglise.
Ce dont on peut se réjouir
La Correctio Filialis est un coup de tonnerre dans le monde catholique : pour la première fois depuis la crise déclenchée par le concile Vatican II, l’orthodoxie du pape est remise en question, non plus par la Fraternité Saint Pie X, mais par une base beaucoup élargie. Auparavant les Dubia des 4 cardinaux avaient également pointé les affirmations du pape François contraires avec le dogme catholique.
L’intérêt de ce texte, outre ses signataires, est le ton qu’il emploie : enfin on parle d’hérésie, le texte en dénombre même sept tout en disant qu’il n’entend pas être exhaustif ! Enfin le rapprochement est fait avec le protestantisme, protestantisme qui a tant pénétré l’ensemble de la doctrine conciliaire. Un texte respectueux certes, mais sans langue de bois : on peut parler d’une vraie correction fraternelle.
Ce que l’on peut regretter
Le texte de 17 pages, s’il a des références nombreuses au Magistère catholique, contient huit références au concile Vatican II (1) dont trois à Lumen Gentium, l’un des textes les plus nocifs de ce concile.
Or le concile est à l’origine de la crise actuelle de l’Eglise, chose que cette Correctio Filialis refuse de pointer. Ce texte est donc tout à fait dans l’herméneutique de la réforme de Benoit XVI qui prétendait in fine vouloir trouver une herméneutique qui ferait de la révolution conciliaire le développement du Magistère catholique.
Vouloir contrer les hérésies contenues dans Amoris laetitia du pape François, texte qui s’appuie largement sur le concile Vatican II par cette Correctio Filialis qui elle aussi s’appuie en partie sur des références au Concile Vatican II, c’est vouloir injecter le poison en même temps que l’antidote, ou injecter l’antidote avec une seringue infectée.
La signature de Mgr Fellay
La présence de cette signature étonne. D’une part parce que cela fait bien longtemps que Mgr Fellay se refusait de mettre en cause de façon directe le pape, préoccupé dans son silence à obtenir la prélature personnelle, mais aussi parce que cette signature est intervenue dans un deuxième temps, une fois que le cardinal Muller puis le cardinal Luis Ladaria Ferrer, nouveau préfet de la Congrégation pour la doctrine de la foi, lui aient signifié que prélature il n’y aurait qu’avec une reconnaissance totale du concile Vatican II. La porte romaine s’est refermée, et le chapitre électif de 2018 approche.
Elément plus gênant, cette signature est apposée en bas d’un texte globalement bon, mais dont une partie des références, comme nous l’avons vu, est le concile Vatican II. Ce qui revient à avaliser cette approche d’herméneutique de la réforme qui donne une valeur magistérielle au concile, alors que c’est bien ce concile qui est la source empoisonnée d’Amoris laetitia. Cette signature montre un peu plus combien la voix spécifique de la Fraternité Saint Pie X s’est tue, pour s’aligner sur les seules critiques émanant des mouvements dits conservateurs de l’Eglise, au risque d’assumer des arguments regrettables.
Conclusion
Le Concile n’est pas juste un événement qu’il faut dépasser, ce n’est pas un faux pas qu’il faut relativiser, ce n’est pas un texte ambigu qu’il faut réinterpréter. Le concile Vatican II a été une révolution complète qui n’a rien épargné. Et Amoris Laetitia en est l’enfant naturel.
« Delenda est Carthago » : Rome avait compris qu’elle ne survivrait pas sous les mêmes cieux que Carthage. La Tradition ne peut pas survivre sous les mêmes auspices que l’Eglise conciliaire. Delendum est Concilium !
Christian Lassale
(1) Chose également étonnante, ces références ne sont pas publiée dans la version française, comme s’il avait fallu éviter que ces références ne soient trop visibles…
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