Prague est le nœud de l’Europe, et un cliché de géopolitique déclare que « qui tient Prague, tient l’Europe ». Bien que les « experts » tiennent à dire le contraire, nous sommes dans une situation de « guerre froide » entre l’OTAN et la Russie, la tension dépassant même celles connues majoritairement entre 1946 et 1989, les Etats-Unis s’accommodant très bien de l’URSS tant qu’elle était dirigée par les cousins.
Depuis quelques temps, la Suède, la Lituanie, la Bulgarie et la République Tchèque ont multiplié les campagnes contre une « propagande russe » jugée déstabilisante pour le pays. Dans son rapport annuel du 1er septembre 2016, le BIS (Bezpečnostní informační služba, soit Service d’information de sécurité), déclare notamment que :
« les services de renseignement russes mènent une guerre de l’information en République tchèque, avec la mise en place d’un réseau de groupes de marionnettes et d’agents de propagande susceptibles d’être utilisés pour déstabiliser le pays (…) Des agents russes ont cherché à attiser les tensions sociales et politiques dans le pays en s’appuyant sur des relais médiatiques et en soutenant les groupes populistes et extrémistes. En outre, ils tentent aussi d’influencer les médias tchèques sur leur traitement des conflits dans l’est de l’Ukraine et en Syrie. Le dispositif créé pour la réalisation de ces objectifs ne disparaîtra pas avec la fin de ces deux conflits et pourrait être « utilisé pour déstabiliser ou manipuler la société tchèque à tout moment si la Russie le décide (…) Un grand nombre d’officiers de renseignement russes travaillent sous couverture à l’ambassade de Russie à Prague, laquelle compte 140 personnels, soit deux fois plus que celle des États-Unis ».
Ce rapport est en droite ligne de celui du 25 septembre 2008 où le BIS déclarait alors qu’il était question d’installer dans le pays des éléments du bouclier antimissile de l’OTAN : « L’objectif (des services russes) est, dans un contexte plus large, de créer, entre autres, l’impression qu’on assiste en Europe à une réhabilitation du nazisme et à une négation du rôle de l’URSS dans la défaite du nazisme, et ce sous le patronage de l’Union européenne et de Otan ». Sur ce point, le BIS a tout à fait raison et en matière de désinformation, Moscou vaut bien Washington.
En octobre, pour faire face aux échéances électorales d’octobre 2017, le ministre de l’Intérieur Milan Chovanec a annoncé la création d’un centre spécialisé dans la lutte contre le terrorisme, les menaces hybrides et la propagande, selon les « recommandations » de l’Union Européenne d’avril 2016, dénonçant « le recours accru à des stratégies et à des opérations hybrides par des acteurs étatiques et non étatiques dans le voisinage immédiat et plus éloigné de l’UE. » Ce centre sera opérationnel dans 2 jours (le 1er janvier) avec une vingtaine de spécialistes dont la mission sera de faire la chasse aux fausses informations et de démonter, le cas échéant, les théories « complotistes ». Or, l’art des propagandistes n’est pas tant de donner de fausses nouvelles mais de de les présenter à leur sauce ou d’en donner une interprétation qui va dans leur sens. C’est d’ailleurs le talent de la presse mainstream. Les pires dénonciateurs des complotistes russes sont des complotistes américains. Et vice et versa… Le nombre de ces prétendus « sites conspirationistes » est estimé à une quarantaine, selon le secrétaire d’État tchèque aux affaires européennes Tomás Prouza qui déclara au quotidien britannique de gauche The Guardian le 28 décembre que les dites sites avaient pour but de donner « des images négatives de l’Union européenne et de l’Otan afin de mieux « décourager les gens de participer aux processus démocratiques. L’objectif principal de la propagande russe en République tchèque est de semer le doute dans l’esprit des gens quant au fait que la démocratie est le meilleur système pour organiser un pays ». Comme ont dit dans la troisième mouture de Star Wars, c’est la revanche des sites…
Terminons par le plus cocasse : ne doutant de rien, nos amis tchèques le centre sera accessible… sur le site du ministère de l’Intérieur ! Comme à la belle époque de l’URSS !!! Mais ce n’est pas tout : qui plus est, ce centre sera installé dans un bâtiment utilisé, pendant la période soviétique, pour les interrogatoires de la police secrète tchécoslovaque, la sinistre StB (Státní Bezpečnos, Sécurité d’Etat), qui était notamment chargée dans l’ex-bloc communiste de manipuler les groupuscules terroristes néo-nazis en Occident, assassinant le 17 mai 1957 Henriette Trémeaud, épouse du préfet du Bas-Rhin. Les coupables n’ont jamais été inquiétés quoi qu’identifiés, assassiner une femme de haut-fonctionnaire pour le compte de Moscou ayant été jugé moins grave que d’avoir été comptable dans un système pénitentiaire pour celui de Berlin…
Hristo XIEP
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