Site icon medias-presse.info

Contre la drogue, « Envoyer l’armée », le Mexique l’a fait…

Quand le niveau d’insécurité dans les rues atteint un seuil critique, une équipe politique peut être tentée d’avoir recours à l’armée pour pacifier un quartier, une ville, une région. Le Mexique, grand fournisseur de drogue pour son puissant et riche voisin du nord, est déchiré par les violences causées par les organisations criminelles qui s’occupent de ce terrible trafic. Les sommes en jeu sont, au Mexique comme dans tous les pays producteurs de drogues, colossales. L’argent corrompt tout l’Etat, et surtout les fonctionnaires de police. L’armée, à l’abri de ses casernes,  semble moins perméable à la corruption de la rue. C’est pourquoi on lui a demandé, il y a dix ans, de procéder à des opérations de police pour éradiquer la violence dans les rues. Dix ans après, c’est l’heure du bilan…

Le 11 décembre 2006, le président mexicain Felipe Calderon faisait déployer 5 000 hommes dans son état natal de Michoacan. L’armée était appelée pour rétablir l’ordre et lutter contre les organisations criminelles de la drogue.
Mais les assassinats passèrent de 10 253 en 2007 à 22 852 en 2011. Une grande partie de  cette effusion de sang est venue des affrontements ultra-violents entre les gangs de drogue. Ces cartels de la drogue ont terrorisé la population en laissant les corps décapités de leurs rivaux sur les bords de routes ou les accrochant sur des ponts, tandis que les charniers ont été régulièrement trouvés dans la campagne. Les civils ont également payé un lourd tribut au commerce international de la drogue. En 2010 par exemple, 72 migrants latino-américains avaient été massacrés par le cartel de la drogue Zetas dans l’État de Tamaulipas, au nord-est, après avoir refusé d’être recrutés par la bande.
La police, elle, a été régulièrement accusée de collusion avec les criminels alors que des soldats et des commandos de marine ont été accusés de torture, d’exécutions extrajudiciaires et d’abus sexuels.
Le gouvernement a bien capturé des fugitifs majeurs, tels que le redoutable chef du cartel de drogue de Sinaloa, Joaquin « El Chapo » Guzman. Mais l’affaiblissement des grands cartels de la drogue  a simplement conduit à l’émergence de bandes plus petites qui cherchent à diversifier leurs affaires par des enlèvements et des extorsions. «La guerre est devenue beaucoup plus complexe. « , reconnaît Raul Benitez Manaut, un expert en sécurité à l’Université nationale autonome du Mexique.

Le chiffre a chuté dans les deux premières années de la présidence de Pena Nieto, pour seulement remonter en 2015. Bien que le nombre de meurtres reste inférieur aux pires années de la présidence de Calderon, il y a eu déjà 17 063 homicides dans les 10 premiers mois de 2016, dépassant déjà le total de 17 034 en 2015.

Le président Enrique Pena Nieto a hérité de cet engagement militaire à son entrée en fonction en décembre 2012. Il promet aujourd’hui la paix à ses concitoyens.

Mais l’armée reste en première ligne sur le terrain. Le ministre de la Défense, Salvador Cienfuegos, reconnaît que les troupes n’ont pas vocation a faire appliquer la loi dans la rue. «Nous n’avons pas demandé à être ici. Nous n’aimons pas ce travail. Nous n’avons pas été formés à la chasse aux criminels. Nous faisons des choses qui ne correspondent pas à notre formation parce qu’il n’y a personne d’autre pour les faire », a déclaré le ministre en ajoutant qu’il voterait à deux mains le retour des troupes dans les casernes.

Le président Pena Nieto admet que les forces armées font des tâches qui «ne leur correspondent pas au sens strict». Mais il affirme qu’elles sont «déterminées à continuer» à surveiller les rues.

Le gouvernement a créé une nouvelle force de police fédérale et neutralisé plusieurs chefs de la drogue, dont le dernier vient est Jésus Beltran Guzman, fils d’un des fondateurs du cartel de Beltrán Leyva et neveu d’El Chapo.
Mais Javier Oliva, un expert mexicain de la sécurité à la London School of Economics, a déclaré qu’il n’y a pas de stratégie du gouvernement méxicain et que les forces de l’ordre ont toujours un train de retard.

La consommation de drogues aux États-Unis n’a pas cessé et la légalisation de la marijuana dans plusieurs États américains a poussé les cartels de la drogue à intensifier leur production d’héroïne tandis que les drogues synthétiques prolifèrent.

Le gouvernement n’est pas sorti indemne de cette guerre et la corruption touche de nombreux services. En 2014, 43 étudiants ont été enlevés par des policiers corrompus dans l’État de Guerrero, producteur de pavot à opium. Les autorités ont d’abord déclaré que les policiers avaient remis les étudiants au cartel de Guerreros Unidos, qui les avait tués, mais des experts indépendants ont remis en question cette conclusion. Le scandale éclabousse l’Etat et créé une défiance généralisée de la population envers les forces de sécurité. Ces 43 jeunes étudiants tués sont devenus un symbole des quelques 28 000 personnes qui ont disparu au Mexique au cours de la dernière décennie.

«Les histoires sont terribles. Nous ne savons plus où l’État commence et le crime se termine « , a déclaré Javier Sicilia, un poète devenu militant qui a fondé le Mouvement pour la paix et la justice après que son fils ait été assassiné en 2011. Sicilia, qui a dirigé des caravanes de la paix à travers le Mexique et les États-Unis, a perdu confiance dans le gouvernement méxicain. « Nous voulons qu’ils dégagent », dit-il. « Il n’y a plus rien à demander à l’État. Il doit être changé, refondu. »

source : http://cultura.elpais.com/cultura/2016/11/29/actualidad/1480387703_877977.html

Cet article vous a plu ? MPI est une association à but non lucratif qui offre un service de réinformation gratuit et qui ne subsiste que par la générosité de ses lecteurs. Merci de votre soutien !

Quitter la version mobile