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Congo – Du commerce du sexe au commerce de l’eau

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« MIEUX VAUT VENDRE DE L’EAU QUE VENDRE MON SEXE »


Tel est le leitmotiv d’Eugénie qui passe désormais tout son temps le long des grandes artères de la ville de Brazzaville en train de vendre de l’eau minérale aux passagers avec tous les risques possibles. «  Au lieu de continuer à vendre mon sexe comme avant à longueur des journées, je préfère vendre l’eau(…) je vis grâce aux recettes de cette vente… ».
Malgré les fortes chaleurs que connaît de temps à autre Brazzaville, Eugénie est toujours là en train de crier à tue tête : «  mayi,maza, mayi awa » (ndlr : eau minérale ici)

Par Fresnel BONGOL TSIMBA/MPI

Originaire de Bukavu, précisément de la commune de Ibanda, Eugénie était obligée de la quitter précipitamment pour Brazzaville via Kinshasa : « C’était en 2004, j’avais alors 21 ans, il y avait la guerre là-bas et l’insécurité causées par les troupes de N’kunda. On avait violé ma tante qui me logeait et avec mon oncle on avait tous fuit pour Kinshasa et une tante m’a appelée ici à Brazzaville. »

Reçue par cette tante qui vivait d’ailleurs dans des conditions précaires et qui vivait de la prostitution, Eugénie fut de nouveau contrainte de se lancer dans ce plus vieux métier du monde pour vivre: « Au début j’avais résisté de me prostituer mais la vie commençait à devenir difficile pour moi j’étais contrainte (…) le 1er jour, c’était dur, les hommes m’avaient cueillis comme une mangue, tous voulaient coucher avec moi, ils disaient que j’étais jeune, j’étais fraiche et je brillais. Ça a provoqué la jalousie des autres(…) à la fin j’avais des plaies dans le vagin, j’avais fait une semaine et demi pour me remettre(…) j’avais gagné ce jour là 15.000 frs Cfa soit environ 23 Euros… »

En effet, elles sont nombreuses, pour la plus part originaires de la République Démocratique du Congo, à écumer des lieux comme Nganda Sosso à Moungali, les forêts de la pate d’oie et de l’unité nationale, situées respectivement vers le stade Massamba Débat et le palais des congrès de Brazzaville, de Mabouaka à Bacongo.

Mais comment est-elle passée de prostituée à vendeuse d’eau ?

Avec un petit sourire au coin des lèvres, Eugénie répond : «  c’est un métier difficile et humiliant. En 2007, j’avais souffert de la gonorrhée. C’était dur pour moi, j’avais 24 ans et je commençais à avoir peur de me prostituer de nouveau et du sida, je voulais maintenant fonder une famille(…) une des nôtres est tombée malade, c’était la débandade pour nous, une prise de conscience même(…). Mieux vaut vendre de l’eau que de vendre mon sexe, avec cette eau c’est aussi donner de la vie… . Nous sommes nombreuses à être converties en vendeuses de l’eau ou d’autres produits(…) par jour mes recettes peuvent atteindre 5000 frs environ 8 euros(…) je suis une femme pour donner la vie, je donne maintenant la vie en vendant de l’eau », finit-elle par dire tout en souriant.

Rita en train de vendre quelques articles. Photo F.B.Tsimba/MPI

Rita, originaire de la RDC, avait quitté son Equateur natal lorsque sévissaient les troupes de Jean-Pierre Bemba pour venir à Brazzaville où elle se lança aussi dans la prostitution. Aujourd’hui, elle vend des petits articles au marché Moungali de Brazzaville.

Mais comment est-elle passée de prostituée à vendeuse de rue ? «  J’ai été beaucoup malade, j’avais souffert d’une maladie dont je ne connais pas le nom, (…) je pensais même que c’était le sida, j’avais beaucoup maigri, mais grâce à Dieu ce n’était pas cela(…) Avec l’argent que j’avais (25.000frs Cfa) soit environ 35 euros, j’ai acheté les petits articles là que je vends(…) je vis grâce à ce travail maintenant. Quand j’ai 2 euros j’en suis très fière, j’ai un enfant de 3 ans(…) j’en suis plus qu’heureuse maintenant… »

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