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Complainte de « Damoiselle Chrétienté » face au péril musulman en 1471 – Bérenger de l’Hôpital, poème en langue d’Oc, traduit.

Ce n’est certes pas à l’école républicaine que ce poème sera enseigné. Il témoigne trop de la constance historique des exactions de l’islam contre la Chrétienté. En un instantané de 1471, cette complainte déchirante de « Damoiselle Chrétienté » a été écrite 19 ans après la prise sanguinaire de la capitale du défunt empire romain d’Orient: Constantinople. Dés les tout débuts du XVe siècle  les sarrasins s’étendent dans les Balkans et prennent à l’Est, notamment, Trébizonde, Négrepont (Actuelle Eubée, île grecque), tandis  qu’ils multiplient les razzias sur toutes les côtes Méditerranéennes, dans les îles grecques, harcèlent Chypre et Rhodes détenue par les chevaliers du même nom, et menacent l’ensemble de la chrétienté. Ce sont les mêmes accents de terreur que ceux des chrétiens d’aujourd’hui face à la submersion musulmane. 

Cette complainte de « Damoiselle Chrétienté » s’élève en langue d’Oc. Elle a été traduite au XIXe siècle par l’abbé Marc-Antoine Bayle, professeur d’éloquence sacrée à la faculté de théologie d’Aix. 

Plainte de la chrétienté contre le Grand Turc, Béranger de l’Hôpital.

Il n’y a pas longtemps, dans Jérusalem

Je vis pleurer la plus belle du monde,

Elle se lamentait si fort qu’on l’entendait de Bethléem

Se lacérant et déchirant ses vêtements.

Moi, avec une grande douleur je lui dis: Damoiselle

Hélas qu’avez-vous que vous lamentez si haut ?

Ha, mon enfant, dit-elle gracieusement,

Pauvre moi, je suis Chrétienté la chétive

Et qui que ce soit au monde ne me vient au secours,

Tant m’a fait grand mal la gente sarrazine!

 

Je soulais avoir la grande et la petite Judée

en grande partie sous ma seigneurie

Et je soulais être la plus grande de ce monde,

Je tenais presque toute la Perse, la Médie, la Syrie,

J’étais le seul gouvernement d’Alexandrie

Et de la toute forte et belle Constantinople.

Bohêmes et Grecs me tenaient pour leur joyau.

Grande reine du fidèle Négrepont,

J’étais impératrice de Trébizonde,

 Maintenant tient tout cela le Turc que Dieu confonde.

 

J’ai perdu quatre patriarcats,

Jérusalem ma plus belle guirlande;

Et la grande muraille d’Antioche, les mauvais

me l’ont fait abandonner et tout son territoire.

Je n’ai plus Alexandrie la grande,

la gent sarrazine me l’a prise;

Plus encore, très rigoureusement,

De ça vingt ans ils m’ont pris Constantinople,

Ils ont pillé horriblement les temples et les autels

Et mis à mort presque tout mon peuple.

 

J’ai tout perdu excepté l’Etat du pape

Et celui-ci n’a pas toute sa clôture,

Car le Grand turc en juillet l’an passé,

A pris Négrepont [Eubée] d’une manière très dure

Et comme un tyran ennemi de la nature

il a fait fouler par ses chevaux les femmes enceintes.

Il a fait étrangler et meurtrir les enfants

Horriblement entre les bras de leurs mères.

Jeunes et vieux ils les a tous fait mourir

Et tuer les petits enfants devant le père.

 

Et il est venu au mois de mars passé,

Vers les Vénitiens pour détruire leur île,

Menant tant de navires qu’ils font bruire les mers,

Et ces chiens de Turcs trois ou quatre cent mille;

Et il a assiégé Raguse [actuelle Dubrovnik] la belle ville,

Lui donnant grands assauts de jour et de nuit.;

Jetant dedans feux grégeois flamboyant

Et battant fort la place avec toute sorte d’engins.

Certes si en peu de temps les pauvres n’ont pas de secours

De chrétiens morts il y aura une grande trace.

 

Ah, quelle pitié doux Jésus-Christ,

Sans aucun secours on me bat et me frappe.

Je perds tout mon sens et ma raison;

Le Turc cruel arrache tous mes joyaux

Et il a juré qu’il détruira mon pape

Avec de grands tourments et tous les cardinaux,

Qu’il brisera les temples, les églises, les autels,

Tuant tant de gens qu’on n’en saura la somme,

Il fera arracher la Croix et manger ses chevaux

Sur l’autel de Saint-Pierre de Rome.

 

Ah, saint père, perdrai-je mon pays ?

Défaillira-t-elle ta mère et ta souveraine ?

Les chiens et les sarrazins me meurtriront-ils ?

Me déchirant avec une si honteuse rudesse ,

Ah! rois chrétiens une telle princesse doit-elle mourir ?

Laisserez-vous violer mes jeunes-filles ,

Renier Dieu et lacérer mon corps

si rudement par la fausse gent payenne?

Doit-il aujourd’hui mon pauvre cœur finir ?

Et défaillir la sainte foi chrétienne ?

 

Réveille-toi Charles de grand renom 

Qui a conquis l’Europe à ma loi,

Lève-toi sus, Godefroi de Bouillon

Qui outre-mer amena grande armée.

Et a tenu soixante ans subjuguée

Jérusalem honorant la sainte croix!

Et toi Louis [XII], arme-toi mon doux fils

Fais au Grand Turc une forte et mortelle guerre,

Aide-moi, comme saint Louis le preux,

me défendant et par mer et par terre.

 

Criant très haut, elle faisait d’autres grandes plaintes,

Rompait ses cheveux et menait grande douleur.

Battant son corps elle faisait des cris fort étranges,

Et appelait tous les saints et les saintes.

Beaucoup de gens pleuraient avec elle

Mais aucun d’eux ne savait donner réconfort.

De ça et de là elle fuyait la mort

Faisant des regards d’une façon épouvantable,

Alors moi je me mis dans le port

Et retournai dans la cité de Toulouse.

 

Envoi

 

Très douce fleur de très doux encouragements,

Prie ton fils, qui pour nous souffrit la mort,

Qu’il porte secours à la gente douloureuse;

Car s’il n’a pas souvenir de nous, malheureux,

La chrétienté pleine d’angoisse finira bientôt.

Bérenger de l’Hôpital, 1471

(Poème intégral, extrait du livre paru en 1878, de Marc-Antoine Bayle: « Poésies choisies des troubadours » du Xe au XVe siècle, Anthologie provençale, P. 47)

Photo: les massacres de Scio (Chios) par les Ottomans en 1823. Peinture d’Eugène Delacroix. 

L’expansion musulmane ottomane entamée au XIIIe siècle allait se poursuivre jusqu’au XVIIe siècle, freinée (mais non stoppée) en Europe, durant cette période, par des croisades: victoire de Lépante 1571 et de Vienne 1683 . L’expansion de la Russie vers le Sud à partir du XVIIe siècle, allait faire régresser l’expansion de l’islam turc en Europe, jusqu’à la chute de l’empire ottoman fin XIXe début XXe. A partir de la deuxième moitié du XXe siècle, l’Islam reprend son expansion en Europe de l’Ouest avec la complicité des élites européennes: politiques puis religieuses.

 

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