Dans un article paru sur Boulevard Voltaire et intitulé « Migrants : réfugiés à l’est du Rhin, envahisseurs à l’ouest ? », le professeur Henri Clamence livre une analyse pertinente sur la différence de perception de la vague actuelle de colonisation, en France comme en Allemagne.

Pour lui :

« L’expulsion des Allemands d’Europe de l’Est par le communisme entre 1944 et le début des années 1950, qui a concerné plus de douze millions d’Allemands, constitue en effet une blessure encore très vive, bien que secrète, dans la mémoire allemande actuelle. Cette migration massive, principalement depuis la Pologne et la Tchécoslovaquie vers l’Allemagne et l’Autriche, a conduit tous ces expulsés, voire fugitifs, à abandonner tous leurs biens et à repartir de zéro. De nombreux Allemands ont donc un aïeul ayant vécu cette migration et le dénuement absolu. De ce fait, ils manifestent une plus grande empathie envers les migrants d’Afrique et du Proche-Orient actuels, dont le statut (souvent frauduleux) de réfugié de guerre fait résonner leur histoire familiale et nationale. Cette disposition psychologique s’ajoute à la mauvaise conscience européenne qui interdit de gérer rationnellement l’immigration extra-européenne et à leur sentiment de culpabilité spécifique comme nation génocidaire et pays en excellente santé économique. En France, pays désindustrialisé, déficitaire et déjà saturé par les problèmes posés par sa population immigrée, l’origine majoritairement africaine des migrants traversant actuellement la Méditerranée reste en travers de la gorge des Français qui ne considèrent pas la colonisation européenne comme la pire des choses qui soit arrivée à l’Afrique et qui n’ont pas oublié les circonstances de la décolonisation. De nombreux Français ont, dans leur mémoire familiale, l’abandon forcé de territoires français mis en valeur par les colons, et pour les neuf cent mille pieds-noirs rapatriés, les expulsions, la fuite pour échapper aux égorgements et le dénuement à l’arrivée en métropole. Cette arrivée, en France, de populations d’un continent ayant chassé les Français leur paraît insolente et leur fait craindre une invasion aux accents revanchards et animée par des complexes de supériorité associés à l’échec global de leur indépendance. L’hystérie des Indigènes de la République, racialistes, et décolonialistes de toutes origines semble confirmer cette crainte ».

Cette analyse est très intéressante et mérite d’être enrichie. Il est intéressant de voir que ceux qui accusent la France de « mal accueillir » les colons sont ceux qui, en 1962, ont le plus mal accueillis les rapatriés d’Algérie, notamment les staliniens et les cathos de gauche, à commencer par le sinistre cardinal Marty.  Mention spéciale à L’Humanité qui refusait la moindre fraternité aux Pieds-Noirs alors que ce « journal » appelait en 1940 à la fraternisation avec les soldats du Reich… Rappelons également que des milliers de pieds-noirs ont été spoliés du peu de bien qui leurs restaient par la vermine cégétiste. La France recevant mal ses propres compatriotes, il est intéressant de voir que dans les faits, elle accueille mieux les étrangers que ses propres enfants, république oblige. En ce qui concerne l’Allemagne, notons que les réfugiés ne sont pas restés en RDA et ont préféré se mettre sous le parapluie de l’occupant américain, moins criminel que l’occupant soviétique. Ceci explique aussi – sur un autre plan – la difficulté dans les milieux patriotes allemands d’accepter une alliance avec Moscou. Les plaies sont encore vives, d’autant plus qu’en Allemagne – à contrario de la France – elles n’ont jamais été cicatrisées.

Dans une optique mémorielle, il serait intéressant de faire se rencontrer les deux mémoires, la française et l’allemande, pour un enrichissement commun.  Moi qui ait longtemps souffert de ne me sentir chez moi nulle part parce que mes ancêtres venaient de partout, j’ai fait miennes toutes les mémoires de l’Europe et l’exercice est instructif : qui comprend le Vendéen, comprendra l’Irlandais, l’Ukrainien, le Silésien, le Hongrois, le Pied-noir, le Chypriote et le Serbe. Nous fils et filles de Japhet, nous somme tous frères et sœurs, et si – comme dans toutes les familles – il y a des litiges, cela se règle en famille. Surtout dans la situation actuelle. Quand la maison est en feu, le moment est malvenu d’organiser une dispute avec sa sœur pour une histoire de doudou perdu 30 ans plus tôt…  (et ce, même si c’est déchirant pour un enfant de perdre son doudou). Tour à tour dans notre histoire, les peuples d’Europe ont été victimes, ont été bourreaux. La position suicidaire de l’Allemagne au sujet des colons ne sera possible que quand celle-ci aura retrouvée sa mémoire. De même, la position raisonnable de la Pologne ne doit pas dispenser Varsovie de faire une critique introspective de son attitude, parfois à la limite de l’arrogance, vis-à-vis de ses voisins si elle ne veut pas revivre les désagréments connus en 1939…

Hristo XIEP

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