Mgr Marcel Lefebvre et le TRP Eugène de Villeurbanne

Lire la Déclaration doctrinale du 21 novembre 1974

MPI a le plaisir de vous inviter à la lecture du texte sur le 50ème anniversaire de la « Déclaration du 21 novembre 1974 », publié ce jour, par les Capucins de stricte observance de Morgon signé du RP Laurent, Gardien du couvent Saint-Bonaventure de Pontchardon et Directeur du Tiers-Ordre de Saint François d’Assise.

Vous pourrez lire aussi le texte, publié aussi ce jour, du communiqué du Supérieur général et de ses Assistants de la Fraternité Sacerdotale Saint-Pie X à l’occasion du cinquantième anniversaire de la déclaration du 21 novembre 1974.

Message des Capucins de Morgon – 1974 – 2024 : 50 ans

Après les quelque huit années du pontificat « conservateur » de Benoît XVI, les égarements inouïs de l’actuel successeur de Pierre ont fait émerger une nouvelle catégorie de fidèles : les « sédévacantistes conciliaires ». Ils ont un langage parfois plus sévère que le nôtre à l’encontre de la personne du pape François, mais en même temps ne remettent pas en cause le concile Vatican II et honorent Jean-Paul II comme un saint. Ils ne réalisent pas que Fiducia supplicans ou Amoris laetitia sont le fruit naturel de l’arbre conciliaire.

Face à une telle confusion des idées, la lumineuse Déclaration rédigée par Mgr Lefebvre le 21 novembre 1974 est d’une criante actualité 1. Elle aura cinquante ans cet automne mais n’a pas vieilli. Aussi vaut-il la peine de nous y attarder et de montrer comment elle trace notre route et nous préserve des écueils.

Tout d’abord, disons un mot sur le contexte de cette Déclaration. En raison de l’hostilité croissante de l’épiscopat français envers l’œuvre de Mgr Lefebvre, Rome envoie deux visiteurs au séminaire d’Écône. Ceux-ci tiennent des propos ahurissants, remettent en cause la Résurrection de Notre-Seigneur, prônent le mariage des prêtres. Justement indigné, le prélat se rend à Rome. On lui fait grief de ne pas adopter les réformes conciliaires ? Il en donne la raison, par un texte qu’il rédige d’une traite et qui énonce clairement sa position.

On nous reproche de « ne pas suivre le pape». Là n’est pas le fond du problème. Nous ne sommes pas comme les Byzantins, qui ont manifesté une rivalité croissante envers Rome, du IVe au XIe siècle, jusqu’à la consommation du schisme. Au contraire, nous affirmons que seul le pape possède l’autorité suprême dans l’Église, et que c’est de lui que viendra la solution de la crise présente. Mais nous nous heurtons à un fait : le pape dit aujourd’hui ce qui était condamné par tous ses prédécesseurs. Il y a deux Rome : « La Rome catholique, gardienne de la foi catholique et des traditions nécessaires au maintien de cette foi » et « la Rome de tendance néo-moderniste et néo-protestante qui s’est manifestée dans le concile Vatican II et après le Concile dans toutes les réformes qui en sont issues ».

Que faire face à un tel dilemme ? « Si une certaine contradiction se manifeste [dans les paroles du Saint-Père], alors nous choisissons ce qui a toujours été enseigné et nous faisons la sourde oreille aux nouveautés destructrices de l’Église ». « Sans aucune rébellion, aucune amertume, aucun ressentiment, nous poursuivons notre œuvre de formation sacerdotale sous l’étoile du magistère de toujours ».

Cette attitude équilibrée, fruit du « bon sens catholique », permet d’éviter deux excès. D’abord se présente la tentation de baisser les bras. On nous demande de reconnaître le Concile. On se dit qu’on ne peut pas indéfiniment refuser. La tentation est plus forte pendant un pontificat comme celui de Benoît XVI : ses larges ouvertures en faveur de la Messe traditionnelle ont pu donner l’illusion qu’il était possible de conserver la Tradition tout en étant reconnus par la hiérarchie. Ceux qui en ont fait l’amère expérience se sont vu imposer une allégeance au Concile car, comme le dit très justement Monsieur l’abbé Pagliarani, Supérieur général de la FSSPX, « il est impossible d’aller de l’avant sans l’union des volontés. Vous ne pouvez pas mettre ensemble deux entités dont les volontés vont en deux sens opposés 2 ». Il était fatal que Rome impose sa volonté. Contre ce premier écueil, la ligne de conduite est dans cette phrase de la Déclaration : « La seule attitude de fidélité à l’Église et à la doctrine catholique, pour notre salut, est le refus catégorique d’acception de la Réforme ». Alors « on garde la liberté inconditionnelle de professer la foi intégralement, et on prend les moyens proportionnés en laissant la Providence gérer les conséquences ; c’est le choix qu’a fait la Fraternité Saint-Pie X avec Mgr Lefebvre 3».

Le second écueil consiste à considérer que les pontifes conciliaires ne sont pas papes. La tentation est plus forte lorsque l’Église a un ultra-progressiste à sa tête. Aussi n’est-il pas rare d’entendre parmi nous certains remettre en cause sa légitimité. Qu’il ne se comporte pas en bon Pasteur, c’est une chose, disons même, c’est un fait, une évidence criante. Mais qu’il ait pour autant perdu son pontificat, c’est une question autrement plus complexe, que nous n’avons pas l’autorité de trancher 4. Pensons à l’époque du Grand Schisme d’Occident (1378- 1415), où deux puis trois prétendants se disputaient le Siège de Pierre. Il fallut attendre cinq siècles pour que Pie XII tranchât enfin la question, en affirmant que le Pontife légitime était celui qui résidait à Rome. Cette question pendante n’a pas empêché l’Église de vivre et d’accomplir sa mission durant ces cinq cents ans. Plus encore, durant le schisme lui-même, sainte Colette fit profession religieuse dans les mains de l’antipape Benoît XIII, ce qui fut le point de départ d’une admirable réforme bénie de Dieu 5.

* L’attitude de Mgr Lefebvre a toujours été de considérer les papes conciliaires comme Vicaires de Jésus-Christ, laissant à l’autorité compétente le soin de trancher un jour le litige, si tant est que cela soit utile. Au fond, ce qui compte, c’est de garder la Tradition. Combien de temps cette situation durera-t-elle ? « Il ne nous appartient pas de connaître les temps et les moments fixés par le Père dans sa puissance» ; tout ce que notre divin Maître nous demande, c’est « d’être ses témoins 6 », là où la Providence nous a placés.

A cette « place» qui nous est assignée, si humble soit-elle 7, nous pourrons faire tout le bien que Dieu attend de nous, à condition que nous gardions fidèlement la Règle que nous avons promise, que nous vivions de son esprit.

Ce que Mgr Lefebvre a été pour l’Église, le Père Eugène le fut pour notre Ordre. Il nous a appris à nous en tenir, nous aussi, à ce qui nous a été transmis, à cette Règle qui a sanctifié des générations de tertiaires ; à faire la sourde oreille aux nouveautés destructrices de l’œuvre de saint François, tout cela sans amertume ni rébellion. A cette condition, dans la joie et la simplicité, nous continuerons à répondre aux attentes de l’Église sur l’Ordre franciscain.

Que notre Séraphique Père vous accorde cette grâce, en ce huitième centenaire de sa stigmatisation, et qu’il vous bénisse !

Fr. Laurent

 Extrait de la Lettre Tertiaire Franciscaine n°304 

Frère Antoine de Fleurance

Source : CUSTODIE DES FRÈRES MINEURS CAPUCINS D’OBSERVANCE TRADITIONNELLE

__________________________________________________

1 –  On en trouvera le texte intégral en annexe, ainsi que dans le Manuel du Tertiaire, p. 455.
2 –  « Garder la Tradition et la transmettre », conférence donnée le 15 janvier 2022, au Congrès théologique du Courrier de Rome, in Nouvelles de chrétienté n° 193, p. 7. Toute cette excellente conférence est à lire.
3 –  M. l’abbé Pagliarani; ibid.
4 –  Entre Jean-Paul II et François, il n’y a qu’une différence de degré : ce sont deux phases d’un même processus révolutionnaire initié à Vatican II. Saint Paul affirme que la corruption morale du paganisme fut le châtiment de son idolâtrie (Rm 1, 24-32). Ainsi, l’on peut dire: Fiducia supplicans, châtiment d’Assise. Pour ceux qui ont gardé un certain bon sens moral – par exemple le monde dit « orthodoxe» – les dernières avancées de la subversion conciliaire sont considérées à juste titre comme une honte et une ignominie.
5 –  Bien-sûr, elle a agi dans l’ignorance invincible. Plus tard, lorsqu’il fut évident que Benoît XIII faisait fausse route, elle se détacha de lui pour suivre Martin Y, l’élu du concile de Constance, qui mit fin au schisme. Notons aussi que la foi de Benoît XIIJ n’était pas en cause, aussi n’y avait-il pas péril de la perdre à le suivre. li y a eu des saints canonisés dans chaque «obédience». Nous citons cet exemple simplement pour inviter à la prudence à ne pas trancher de façon précipitée des questions qui nous dépassent.
6 –  Act I, 7-8.
7 –  « Afin d’imiter la profonde humilité de Notre-Seigneur crucifié […] comme aussi pour remplir les intentions de notre Père, qui nous a appelés Frères Mineurs, afin de vous apprendre, non seulement à nous estimer inférieurs à tous les hommes, mais encore à rechercher la dernière place dans l’Église militante … » (Constitutions des Frères Mineurs Capucins, n° 6).

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