Deux décrets datés du 22 février 2020, élaborés par la Congrégation pour la Doctrine de la Foi, ont ainsi été rendus public le 25 mars dernier, dans une indifférence presque totale, les esprits étant majoritairement occupés par le coronavirus. Pourtant, ils sont particulièrement importants pour la mouvance à « sensibilité traditionnelle », et par effet de perméabilité entre les deux sphères également pour la Tradition catholique, car ils mettent en acte la messe « piepaul », déjà en puissance dans le Motu Proprio Summorum Pontificum de 2007 du pape Benoît XVI. Ainsi que l’a écrit fort justement le site officiel du Vatican, Vatican News, ces décrets sont « une démarche dans la continuité de Summorum Pontificum » qui précisait que la « forme extraordinaire » et la « forme ordinaire » du rite romain « sont en effet deux mises en œuvre de l’unique rite romain ».
Ces deux décrets introduisent des innovations dans le missel de 1962 utilisé pour « la forme extraordinaire du rite romain ». Le premier, intitulé Quo magis, prévoit « des nouvelles préfaces », et le second, appelé Cum sanctissima, facilité les célébrations liturgiques en l’honneur des nouveaux « saints » conciliaires, dont certains, tel le pape Paul VI combattirent violemment, et c’est l’ironie de l’histoire, la messe tridentine…
Dans l’introduction relative au décret Cum sanctissima on peut lire ce qui suit :
« Avec le décret Cum sanctissima du 22 février 2020, la Congrégation pour la Doctrine de la Foi, qui, depuis janvier 2019, s’occupe des matières précédemment attribuées à la Commission pontificale « Ecclesia Dei », a achevé le travail entrepris depuis plusieurs années par cette Commission pour répondre à la demande du Pape Benoît XVI de faciliter la célébration, dans la forme extraordinaire du Rite Romain, des saints les plus récemment canonisés[2]. En effet, le sanctoral de la forme extraordinaire étant déterminé par les livres liturgiques en vigueur en 1962, les saints canonisés par la suite en étaient exclus. »
Concernant le décret Quo magis, il est spécifié, entre autres, dans la note de présentation que « quatre des textes nouvellement approuvés, les préfaces de Angelis, de Sancto Ioanne Baptista, de Martyribus et de Nuptiis, ont été pris dans le Missel de la forme ordinaire ».
Le 25 mars 2020, jour de la promulgation de ces nouveaux décrets conciliaires, était aussi le jour anniversaire du rappel à Dieu de Mgr Lefebvre en 1991, l’évêque qui durant la dernière partie de sa vie combattit pour la sauvegarde de la Tradition catholique et de la messe de toujours. Il est bon alors de se remémorer qu’il refusa toujours de célébrer selon le Novus Ordo Missae de Paul VI, qu’il considérait illégitime et un « rite bâtard ». Dans une Lettre ouverte au pape Jean-Paul II, Mgr Marcel Lefebvre et Mgr Antonio de Castro-Mayer dénonçaient la « conception protestante de la messe » qui est celle de la messe nouvelle de Paul VI :
« La désacralisation de la messe, sa laïcisation entraînent la laïcisation du sacerdoce, à la manière protestante. La réforme liturgique de style protestant est l’une des plus grandes erreurs de l’Eglise conciliaire… »
Pareillement, celui qui fut surnommé « l’évêque de fer » souligna souvent la diamétrale opposition entre la messe de toujours et la nouvelle messe qui ne peuvent donc constituer « un unique rite romain » :
« La messe est le drapeau de la foi catholique… [Elle] terrasse toutes les erreurs du protestantisme, de l’islam, du judaïsme, du modernisme, du laïcisme matérialiste, socialiste et communiste. Aucune erreur ne peut subsister face à notre sainte messe catholique. La messe est anti-oecuménique, au sens où s’entend l’oecuménisme depuis le concile : union de toutes les religions dans un syncrétisme de prière sans dogmes, de moralité aux lois imprécises, s’accordant sur des slogans équivoques : droits de l’homme – dignité humaine – liberté religieuse. La messe nouvelle par contre est bien le drapeau de ce faux oecuménisme, qui représente l’anéantissement de la religion catholique et du sacerdoce catholique. » (in Lettre aux amis et bienfaiteurs, février 1982.)
Ne nous y trompons donc pas : par ces deux nouveaux décrets, bien dans la ligne ambiguë et équivoque de la révolution conciliaire, le Vatican poursuit son œuvre « syncrétiste » visant au pluralisme religieux, doctrinal, œcuménique au sein de la mouvance à « sensibilité traditionnelle », les communautés Ecclesia Dei : mélanger l’Ancien et le Nouveau rite, relier Tradition et modernisme, supprimer les frontières entre la doctrine traditionnelle et l’enseignement libéral conciliaire, nier la rupture entre l’avant-Vatican II et l’après-Concile. La fameuse messe « piepaul », à l’étude depuis longtemps dans les palais apostoliques, mélange de Tradition et de progressisme, fleuron de ce « syncrétisme tradi-conciliaire », voit ainsi tout doucement le jour, à petits pas, pas subtils et subversifs pour mieux faire avaler par les tenants du « rite extraordinaire » tout le Concile et ses réformes mortifères.
Francesca de Villasmundo
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