Eglise de Laas, bientôt transformée en "escape game" ?
Eglise de Laas, bientôt transformée en « escape game » ?

Jacques Pédehontaà, le maire de Làas, dans le Béarn, est connu pour sa folie des grandeurs. Il aime d’ailleurs parler de son “Laàs Vegas”. On comprend mieux à quoi il se réfère pour transformer les lieux de culte catholique du village de 140 habitants.

La magnifique chapelle du XIème siècle du village a été transformée en cabaret digne du Moulin Rouge. On nous dira une fois de plus qu’il s’agit d’une chapelle « désacralisée ». Mais ici encore, il suffit de voir de quelle façon les propriétaires de ce cabaret se délectent d’annoncer que c’est « dans une ancienne chapelle » qu’ils tiennent leurs spectacles “sexys et chics”, selon sa dirigeante Myriam Delcroix, pour comprendre la malice de l’opération.

Le maire projette maintenant d’ouvrir un “escape game” dans l’église du village. Des projets critiqués par les habitants en colère, qui dénoncent l’opacité sur les dossiers. Le maire est également vice-président du conseil départemental et règne en maître sur Laas depuis quarante ans, avec des idées excentriques. En janvier 2015, par le biais d’une association déposée au journal officiel, il avait autoproclamé Laas principauté avec deux postes de douane pour accéder à son village et l’invention d’un passeport, dont Jacques Pédehontaà est très fier.

Sous couvert de “valorisation culturelle”, le chantier pour transformer la chapelle en cabaret a reçu une subvention de 120 000 euros de la région.

Dans Valeurs Actuelles, on trouve ces détails supplémentaires :

« Le “Seigneur” de Làas a également bétonné une grande prairie pour y installer un parking. Quant à la fosse sceptique de l’établissement, elle a été percée dans le cimetière. Une “profanation” pour de nombreux habitants, d’autant plus décriée que deux généraux napoléoniens ont été exhumés de la crypte pour mener à bien l’opération. La mairie s’était pourtant engagée, lors de l’achat de la chapelle à la famille Latrille de Lorencez, en 1918, à entretenir le caveau. »

Des villageois mécontents ont créé l’association Bien vivre à Làas, opposés à l’installation du cabaret dans la chapelle. « Nous avons organisé une sorte de référendum au village. La plupart étaient contre ce projet » explique Line Biensan. Aidée par son époux, un des rares conseillers municipaux qui ose tempérer la folie des grandeurs de l’édile, elle collecte scrupuleusement les preuves, monte des dossiers, et prépare les procès.

« Les représailles ne se sont pas fait attendre. Le couple d’artisans, qui louait son atelier à la municipalité, a subitement vu son loyer doubler l’année dernière. « Rien ne justifiait cela », déplore la soixantenaire. Rien, ni même la loi. Piégé, l’atelier Fleur d’ébène a fermé boutique. »

Par contre, pour les besoins du cabaret, le maire Jacques Pédehontaà a attribué un local à sa gérante, Myriam Delcroix, destiné à l’espace restaurant. Un local qui est en réalité la salle communale, dont les habitants sont désormais privés.

« Le loyer payé pour la chapelle et le parking est de 600 euros », s’indigne Line Biensan, lasse de cette mascarade.

Cette chapelle avait été sauvée par les guides de France et nombreux bénévoles qui se sont succédé pendant une vingtaine d’années pour la rénover. Tristesse de voir tant d’efforts pour en faire un cabaret.

Pour son cabaret, Myriam Delcroix a choisi le nom de Fourmi Rouge. C’est ainsi que les villageois appelaient les petits scouts, à cause de leurs casques et de leur manière de travailler. Un “hommage” mal reçu par les concernés. « On nous avait promis que la chapelle serait destinée à accueillir des expositions, et une exposition photo de ce grand chantier » confie Caroline Willem, une ancienne “fourmi rouge”, aujourd’hui mère de famille. A la stupeur a succédé un sentiment de trahison. « Jamais il n’a été question d’un cabaret. En tant que cheftaine, je n’aurais pas emmené mes guides là-bas si j’avais su », confie-t-elle.

L’inauguration du cabaret a eu lieu en grande pompe le 11 mars dernier en présence des trois sénateurs du département.  « Que venaient faire ces sénateurs dans un cabaret, en plein débat sur la réforme des retraites ? »

Ceci dit, l’affaire vire au fiasco : sur les dix premières représentations, six ont été annulées, faute de spectateurs.

Un échec cuisant pour cet investissement important, qui semble injustifié. Le village dispose depuis longtemps d’un restaurant dont l’excellente réputation régionale n’est plus à bâtir. « Même en hiver, il faut réserver en avance ! » indique un habitant.

Mais l’histoire ne s’arrête pas là. Satisfait de son œuvre, le maire s’attaque désormais à l’ église du village. Celle-là même dans laquelle sont célébrés les sacrements et les messes, certes occasionnelles, et dans laquelle il a prévu d’installer un « escape-Church », un jeu de piste payant. Et pour cela, la “nouvelle église” doit subir des transformations. Déjà, les murs à la chaux d’origine ont été grattés, les sols détruits, les murs percés, et les fonds baptismaux démolis. Là aussi, l’ajout de deux extensions défigurent le bâtiment. Les bancs d’église, eux, sont en vente sur Leboncoin.

Le ras-le-bol des villageois est acté. On accuse le maire de faire de Làas son « terrain de jeu ». Car le “prince” élu « sans aucun honneur, avant dernier de liste » selon Line Biensan, n’habite pas sa “Principauté”. Face à l’ampleur du désastre, le maire aurait, dit-on, cessé de communiquer sur ces marottes qui devaient faire sa gloire.

A tel point que Jacques Pédehontaà reste sourd aux sollicitations des habitants et de quelques membres du conseil municipal, qui exigent des comptes. « Où sont les contrats ? », « Y a-t-il eu appel d’offres ? », « Quels critères ont été retenus pour la sélection ? », « Quels sont les bénéfices attendus ? »

La convocation au conseil municipal de février dernier était sertie de l’en tête « principauté de Làas ».

La mention d’une association à but lucratif n’a pourtant pas sa place sur les documents officiels, rappelle Jean-Pierre Biensan, conseiller municipal et membre de l’association. Le document promet un « point d’étape » sur les deux chantiers. Les villageois attendent des réponses.

C’est un particulier qui exploitera l’église réaménagée.

Philippe Lapouyade a présenté son projet pour l’église lors du point d’étape auquel ont assisté Jean-Pierre Biensan et Pierre Faure, président de Bien vivre à Làas. Selon leur rapport, il ne paiera pas de loyer, tout juste cèdera-t-il 10% de son chiffre d’affaires à la commune. Celui-ci est estimé par l’exploitant entre 30 000 et 60 000 euros, soit 6 000 euros de recettes pour la commune dans le meilleur des cas, pour un investissement estimé à 700 000 euros par l’investisseur.

Le propriétaire du jeu, Philippe Lapouyade, empochera pour sa part les 54 000 euros restants, le tout sans aucune dépense, ni création d’emploi. C’est en effet le personnel du château de Làas qui y sera affecté. Transformé en musée, le château devient propriété de l’Etat en 1980. C’est donc le conseil départemental qui en assure la gestion, et qui confie son exploitation à Philippe Lapouyade en 2017.

Des zones d’ombres demeurent. Les contrats ne sont toujours pas rendus publics. Aucun document mentionnant le parking du cabaret n’a été dévoilé à ce jour. Quant aux prestataires: « par qui ont-ils été choisis ? On ne sait pas, en tout cas pas par le conseil municipal », peste Pierre Faure. « Des amis du maire », déduit, laconique, l’un d’eux. Contacté par Valeurs actuelles, Jacques Pédehontaà est visiblement mal à l’aise. Il cherche à gagner du temps et affirme ne pas pouvoir répondre « avant deux ou trois mois », au terme de ces nouveaux projets. L’ouverture de “l’escape-church” est, elle, prévue pour juin. Lui qui était si fier de présenter sa dernière excentricité à la presse se montre soudain bien prudent.

L’opacité que maintient le maire autour de ces dossiers lui a déjà valu une condamnation par le tribunal administratif le 9 janvier dernier. Condamné à 1500 euros d’amende, l’édile a été sommé de présenter les documents demandés par l’association. Une petite victoire de courte durée, puisque aucun des documents concernant le second projet n’a été présenté lors du budget 2022-2023. Le maire n’aurait pas donné le moindre compte rendu des 14 derniers conseils, dont il ne communique même pas la date aux habitants, selon Line Biensan.

Pourtant, les sommes engagées sont conséquentes. 840 000 euros ont été investis par l’Etat et la Région sur l’ensemble des deux projets, dont le coût total est estimé à 1,5 millions d’euros. Les chiffres du budget annuel de la commune révèlent un emprunt de 600 000 euros, alors que restent 234 000 euros à rembourser du prêt précédent. Des sommes considérables, pour la commune de 140 âmes. Car déjà en 2021, la commune était endettée de 327 630 euros, plus du triple de la moyenne nationale des communes de cette taille, qui plafonne à 80 969 euros.

L’association Bien vivre à Làas espère trouver des irrégularités de financements afin de retarder encore l’avancée des chantiers. « Nous avons deux avocats, cela nous demande beaucoup de temps et d’argent. Mais nous sommes déterminés » conclut Line Biensan.

« Une église est un lieu sacré : je ne veux choquer personne », déclare ces jours-ci Philippe Lapouyade, missionné par la municipalité pour créer des animations dans l’église. Mais ce projet n’est pas prêt de convaincre les habitants du village.

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