MPI - 39 - 02 -

[La parade officielle du 11 janvier dans une rue déserte]

L’institut de sondage Ipsos a réalisé une enquête les 21 et 22 janvier 2015, dans le sillage des manifestations du 11 janvier, en réaction aux attentats islamo-terroristes ayant eu lieu quelques jours auparavant. Sur sa page d’accueil, Ipsos délivre ce monument de propagande :

 » A la suite des attentats, les prises de paroles des responsables de l’Islam en France condamnant ces attaques ont globalement convaincu une majorité de Français (60 %). A ce titre, ces derniers sont plus nombreux qu’il y a un an à considérer que la religion musulmane telle qu’elle est pratiquée en France est compatible avec les valeurs de la République (47 % contre 37 % en janvier 2014), même si 51 % pensent l’inverse (63 % il y a un an). Enfin, à la suite de la très importante mobilisation des 10 et 11 janvier dernier, plus de 8 Français sur 10 (81%) estiment être plus unis qu’ils ne le pensaient auparavant. »

On ne sait pas très bien en fait pour quel mot d’ordre les gens ont manifesté le 11 janvier. La suite de l’article fournira quelques éclairages sur ceux qui n’ont pas manifesté.

Le mot d’ordre de la liberté d’expression n’est qu’une mauvaise plaisanterie, puisque les attentats islamo-terroristes servent de prétexte à un musellement renforcé et à la perspective d’un internet censuré. Voir par exemple le discours de Jean-Baptiste Désir à l’ONU ou le discours schizophrène de François Hollande qui affirme simultanément une chose et son contraire : « nous sommes la France, celle de la Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen qui a proclamé à la face du monde : nul ne peut être inquiété pour ses opinions, même religieuses, et la libre communication des pensées et des opinions est un des droits les plus précieux de l’homme » et aussi « A partir de ces principes – sécurité, transmission, régulation du numérique – ». Par régulation du numérique, il faut comprendre censure et sanction : « Nous devons agir au niveau européen, et même international, pour qu’un cadre juridique puisse être défini, et que les plateformes Internet qui gèrent les réseaux sociaux soient mises devant leurs responsabilités, et que des sanctions soient prononcées en cas de manquement. » Derrière les euphémismes et les contortions lexicales, c’est ni plus ni moins qu’une dictature de la pensée unique qui se met en place officiellement. On peut aussi relever le bobard des actes islamophobes qui seraient en recrudescence : « Les actes antimusulmans se sont également multipliés ces dernières semaines. » Nous l’avons déjà dénoncé . Incidemment, pas un mot dans le discours de François Hollande sur les milliers de prêtres catholiques tués par les Nazis dans les camps de la mort.

L’autre mot d’ordre de l’unité nationale aura duré ce que durent les fleurs en hiver. En réalité, la France est profondément divisée et l’ensemble des réactions le montre. Et l’Islam et les musulmans sont l’axe autour duquel s’organise la division en deux camps.

Ainsi la page 8 du sondage montre qu’environ 1 Français sur 2 considère que la France est en guerre et on peut noter que le pourcentage est sensiblement le même dans tous les partis (hormis l’UDI qui se démarque avec 70% au lieu de la moyenne à 53). Mais, la page 9 montre que les sympathisants FN sont 42% à voir l’Islam en général comme l’ennemi, et pas seulement le terrorisme djihadiste, alors que tous les autres partis (y compris l’UMP) oscillent entre 4 et 17%. Ici, on commence à toucher une différence sensible entre les sympathisants FN et les autres électeurs.

La page 12 concerne la perception de l’Islam en tant que prétendue religion pacifique dont le terrorisme djihadiste serait une perversion. Seulement 39% des sympathisants FN et 53% des sympathisants UMP gobent le bobard de l’Islam bisounours, alors que les autres sensibilités oscillent entre 70 et et 83%. Dans une certaine mesure, on peut dire que la différence entre la « droite » et la « gauche » en 2015 se détermine par le degré d’islamo-allergie. La page 14 montre aussi que seulement 29% des sympathisants FN ont été convaincus par les condamnations médiatiques des attentats islamo-terroristes par les représentants de « l’Islam en France » [sic]. La moyenne est à 60% et la gauche est à 79%. Autre point en page 18, seulement 12% des sympathisants FN et 39% des sympathisants UMP pensent que l’Islam est compatible avec les valeurs de la société française.

Enfin, page 39, concernant l’absence de participation de Marine Le Pen à la manifestation parisienne, on observe une cassure très nette entre les sympathisants FN qui approuvent à 67%, alors que toutes les autres sensibilités, y compris l’UMP, désapprouvent avec des pourcentages inversés du même ordre de grandeur, entre 71 et 81%.

Et cela fournit une transition avec une autre étude, le Focus n°121 de l’IFOP, intitulé Marche républicaine « pour Charlie »: des disparités de mobilisation lourdes de sens.

L’étude de l’IFOP note que, suivant les villes, il y a des écarts colossaux dans le taux de participation (pour 100 habitants) aux manifestations du 11 janvier. Ainsi : Grenoble ou Rodez 71%,  Annecy 40%, Chambéry 35%, Reims ou Marseille 14%, Boulogne-sur-Mer  12%, Dunkerque 7 %, Le Havre 3%, Hénin-Beaumont 2%. La moyenne en province serait autour de 28%, on voit que l’écart autour de la moyenne est considérable, variant de presque 0 sur 10 habitants à 7 sur 10. La question est donc : de quoi ces variations sont-elles l’indice ?

L’IFOP fournit page 4 la réponse : « Le taux de mobilisation est de fait très indexé sur le score de Marine Le Pen au premier tour de la présidentielle [de 2012].» 

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[Plus on vote FN, moins on est Charlie]

L’IFOP note a contrario qu’il n’y a pas de corrélation avec le vote en faveur de Nicolas Sarkozy et observe de façon assez vague (page 6) que les musulmans ne se sont pas sentis concernés par les manifestations du 11 janvier.

« La  mobilisation « pour  Charlie » n’allait pas forcément de soi dans une partie de la population de confession musulmane. Sans aller jusqu’à approuver les attentats [ouf…], de nombreux musulmans, jeunes et moins jeunes, ont déclaré aux journalistes qu’ils avaient été blessés par les caricatures du prophète publiées  dans Charlie  Hebdo. D’autres ont évoqué leur incompréhension face au fait que  Dieudonné soit condamné pour ses  propos et pas Charlie Hebdo pour ses dessins. D’autres enfin ne se sont pas vraiment sentis concernés par cet appel à la mobilisation. Certains observateurs ont mis en avant cette posture distanciée d’une partie de la population musulmane pour expliquer le relativement faible nombre de manifestants à Marseille (115 000 manifestants comptabilisés entre le  samedi et le dimanche pour une population de 850 000 personnes soit un ratio de 14%, très inférieur à la moyenne nationale. »

Concernant Marseille, on peut écouter un entretien récent de Stéphane Ravier :

[Stéphane Ravier en Gironde le 24 janvier 2015]

A noter que l’élection du député de Sochaux-Montbéliard, remplaçant Pierre Moscovici, aura lieu bientôt (les 1er et 8 février) dans une circonscription où la participation a été de 8%. De bonne augure pour le FN ? A suivre.

Accéder à l’étude de l’Ipsos

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