En matière d’eugénisme, la science-fiction a rejoint la réalité. Et des scientifiques ont mis au point, dans le domaine de la procréation, un programme de sélection génétique qui dépasse de loin les projets des chercheurs nazis.
Cela fait quelques décennies que quelques savants cherchent à remplacer Dieu. D’autant que cette folie de l’orgueil peut s’avérer très lucrative. Au top des cliniques américaines qui proposent leurs services en matière de sélection génétique, la facture peut grimper jusqu’à quelques centaines de milliers de dollars pour espérer mettre au monde un enfant “parfait” et même “exceptionnel”. A ce tarif, la clientèle – qui vient du monde entier – est composée de stars du show-business, de vedettes sportives et de riches héritiers.
Imaginez la capacité de donner aux parents le pouvoir de visualiser et choisir les caractéristiques génétiques de leurs futurs enfants.
Dans le plus grand secret, la science moderne a mis au point cette capacité de bannir les gènes qui nous tuent, qui nous rendent sensibles au cancer, aux maladies cardiaques, à la dépression, la toxicomanie et l’obésité, et de sélectionner ceux qui peuvent nous rendre plus sains, plus forts, plus intelligents.
L’objectif est d’analyser plus d’un millier de facteurs génétiques, liés non seulement à la santé de l’enfant, mais aussi à des améliorations génétiques qui influencent la taille, l’intelligence, les cheveux, la peau, la couleur des yeux, la capacité athlétique…
Ces tests ont été initialement conçus pour aider ceux qui souffrent d’infertilité. Mais des gens parfaitement capables d’avoir des bébés de façon naturelle préfèrent désormais opter pour la Fécondation In Vitro (FIV) et payer une importante somme d’argent en échange d’un plus grand contrôle génétique de leur progéniture. Bernard Dickens, un expert en bioéthique de l’Université de Toronto, souligne que cette technologie est partie « de la quête de l’enfant parfait. »
«Les parents veulent toujours choisir ce qu’ils pensent être le mieux pour leurs enfants», explique le Dr Jeffrey Steinberg, fondateur des Fertility Institutes établis à Los Angeles, New York, Las Vegas ainsi qu’au Mexique, à Guadalajara, où il se rend à partir de sa base à Los Angeles toutes les six semaines, et même en Inde.
Il propose la FIV avec des embryons testés selon une longue liste de conditions, et affirme que ses clients viennent de partout dans le monde, dont 10 à 15 couples par mois à partir du Canada – «Dix fois plus qu’il y a cinq ans, et la majorité d’entre eux sont fertiles ».
Dans un premier temps, les scientifiques se drapaient dans de nobles objectifs d’éradication de maladies héréditaires qui peuvent tuer un enfant avant la maternelle ou entraîner des déficiences invalidantes, telles que la dystrophie musculaire, la maladie de Tay-Sachs ou la fibrose kystique.
La demande n’a cessé d’augmenter, visant à détecter une large gamme de maladies: les cancers du côlon, l’albinisme, les maladies cardiaques, des malformations faciales. Natera, un laboratoire de dépistage basé en Californie, lancé par le milliardaire du Web Matt Rabinowitz, a même ajouté à la liste le psoriasis. « Pratiquement tout gène qui est identifié peut être inclus dans un test », a déclaré Matt Rabinowitz lors d’une conférence à Toronto.
A l’inverse des enfants parfaits, les scientifiques eugénistes sont aussi amenés à satisfaire des demandes de couples handicapés qui veulent avoir des enfants partageant leur handicap, en sélectionnant les facteurs qui vont assurer la surdité ou le nanisme de l’enfant.
Le Dr Steinberg est confronté à tous les désirs de ses clients. «Nous recevons des demandes de toutes sortes. Nous avons eu une pop star demandant si ses capacités vocales peuvent être transmises à ses enfants. Et des sportifs demandant des caractéristiques physiques athlétiques. »
Dès 2009, le Dr Steinberg avait rencontré des scientifiques qui avaient identifié les gènes qui influencent la couleur des yeux, des cheveux et de la peau. Il était certain que cela plairait à ses clients. Aujourd’hui, les demandes les plus fréquentes concernent l’intelligence et la taille de l’enfant.
Les clients qui peuvent se payer les cliniques les plus coûteuses, payent les analyses d’un laboratoire qui teste sur chaque embryon jusqu’à 1.500 facteurs. En intervenant sur l’ADN de l’embryon, la clinique supprime les gènes non désirés et en introduit d’autres.
Le Dr Handyside tient à relativiser. « Il y a plus de huit millions de combinaisons génétiques possibles,» dit-il. Et l’embryon sélectionné pourrait finir par une fausse couche ou développer une mutation dans l’utérus. Au mieux, dit-il, « l’instantané génétique fournira une photo floue de chacun de vos futurs enfants. » Selon lui, prétendre vendre la sélection génétique pour mettre au monde un Mozart blond et athlétique serait donc une arnaque.
Mais, paradoxalement, décrire le pouvoir limité des gènes renforce l’argument selon lequel il est alors inoffensif de les sélectionner.
En vérité, malgré tous ses progrès, la science sait encore trop peu sur la façon dont les gènes fonctionnent. Certains gènes ont plus d’un effet – les gènes impliqués dans l’anémie falciforme, par exemple, jouent également un rôle dans la protection contre le paludisme. Dès lors, les gènes jugés indésirables pourraient revenir nous hanter plus tôt qu’on ne le pense.
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