Cachés dans les zones rurales comme dans les grandes villes, les huit millions de Catholiques chinois sont  illégaux aux yeux des autorités. Chaque dimanche, ils se rencontrent dans des églises provisoires, des appartements. Ils vivent la foi des premiers siècles de l’Eglise, à l’époque des catacombes. Ces fidèles ont héroïquement refusé d’adhérer à l’Association Patriotique Catholique Chinoise (CCPA), organe officiel pro-communiste. Après des décennies de persécutions, ils gardent obstinément les yeux tournés vers la Rome éternelle. Mais Rome a changé.  Depuis Vatican II, Rome ne condamne pas plus le communisme que l’hérésie protestante, elle s’adapte… Le risque est grand de décevoir ces catholiques d’extrême-orient qui ont tout sacrifié pour mériter leur ciel.

Le Vatican, comme à son habitude, cherche de meilleures relations avec la Chine communiste. Cela préoccupe les fidèles chinois qui subissent les persécutions communistes depuis si longtemps. «Il n’y a aucun moyen de créer une Eglise catholique indépendante en Chine parce que le communisme est à l’inverse des principes catholiques », déclare Pei, un prêtre qui a passé quatre ans dans un camp de travail. « Le gouvernement chinois doit changer. S’il ne change pas, le Pape ne doit pas faire d’accord avec lui. »

Le cardinal Joseph Zen, un ancien évêque de Hong Kong, est également ouvertement critique de l’attitude du Vatican envers Pékin. « Un mauvais accord – comme celui qui imposerait à l’Église clandestine de se soumettre au gouvernement communiste – ferait que nos huit millions de catholiques se sentiraient trahis par le Saint-Siège », a-t-il déclaré.

Le Pape François souhaite remédier à une rupture qui remonte à 1949, lorsque les communistes ont pris le pouvoir en Chine, expulsant les missionnaires catholiques étrangers et réprimant les activités religieuses. Depuis, la République Populaire de Chine a toujours refusé de soumettre l’Eglise catholique locale à l’autorité du Vatican. Le Vatican, de son côté, a d’abord refusé de reconnaître la Chine communiste. Mais ce refus s’affaiblit après des années de concessions vaticanes. Depuis son entrée en fonction en mars 2013, le Pape François soutient franchement le rapprochement.

Un projet d’accord sur la nomination des évêques en Chine est déjà sur la table. Le Vatican dit vouloir empêcher Pékin de nommer de nouveaux évêques qui n’ont pas été reconnus par le pape. Sur les 110 évêques de Chine, 70 sont reconnus par les deux parties; 30 le sont uniquement par le Vatican; et huit seulement par les autorités chinoises. Rome espère obtenir la reconnaissance par Pékin des trente évêques approuvés par Rome. La question est de savoir quelle sera la contrepartie exigée par Pékin.

Si le Vatican faiblit, le gouvernement communiste resserre son étau chaque jour. Le clergé clandestin catholique subit une pression quotidienne pour défroquer et se soumettre à la CCPA. «  La police est venue chez moi, il y a deux ans, et m’a demandé de m’inscrire à la CCPA », a déclaré un prêtre catholique chinois de 86 ans qui dirige une petite église clandestine à l’intérieur de son appartement, à Shanghai. Le prêtre, qui a passé trois décennies dans un camp de travail pour avoir refusé d’abandonner sa foi, a dit à la police : « J’ai sacrifié plus de 30 ans de ma vie pour ma foi, pensez-vous que je vais adhérer à votre CCPA ?  » Ce vieux prêtre est sous surveillance étroite. Les autorités refusent de lui délivrer un passeport pour qu’il puisse partir en pèlerinage à l’étranger. Les prêtres et les fidèles de Chine subissent partout ce genre de brimades. En Septembre dernier, la police chinoise a kidnappé le prêtre Shao Zhumin pour l’empêcher de diriger le diocèse du Zhejiang après la mort de l’évêque. À Shanghaï, c’est l’évêque auxiliaire Ma Daqin qui est en résidence surveillée depuis quatre ans après qu’il ait démissionné de la CCPA le jour de son ordination clandestine. Le séminaire de Shanghai, où réside Ma, abritait autrefois une centaine d’étudiants catholiques; Mais son activité est maintenant presque à l’arrêt, avec seulement six séminaristes qui y étudient encore.

Les églises protestantes profitent du manque de zèle missionnaire de Vatican II et prennent de plus en plus la place de l’Eglise catholique en Chine.

Pour les Catholiques de Chine, il y a clairement le risque d’une rupture avec Rome. En octobre dernier, le  Père  Dong Guanhua a déclaré qu’il avait été ordonné évêque de Zhengding, à 300 km au sud-ouest de Pékin, en 2005. Il a dit qu’il était devenu évêque sans le mandat des autorités chinoises ou du Vatican. Sans vouloir préciser les circonstances de son ordination, Monseigneur Dong, affirme n’être jamais allé au séminaire mais avoir continué à enseigner la Bible même pendant la Révolution culturelle, quand beaucoup de clercs avaient été emprisonnés ou avaient défroqués. « L’Église résistante de Chine sera anéantie si je ne le fais pas », a déclaré Monseigneur Dong, avec des accents qui rappellent d’autres événements de résistance, en France en 1970.

Les Catholiques de Chine, après avoir tant souffert pour la foi, pourraient être déçus du climat de trahison générale qui règne aujourd’hui à Rome.

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