Jérôme Coulombel a travaillé pendant vingt-sept ans au sein de la grande distribution, devenant le 1er janvier 2003 directeur du département contentieux de Carrefour pour la France. Les choses vont commencer à se dégrader à partir de 2012, à l’arrivée d’un énième P.-D.G., Georges Plassat. Au cours des années qui suivent, Jérôme Coulombel va alerter sur ses découvertes, la direction où, selon lui, le chantage et l’extorsion de fonds auprès des fournisseurs y sont pratiqués avec une habileté consommée et le trafic d’influences auprès des juges, passé sous silence. Quant au traitement des dossiers à risques, le sous-provisionnement devient un sport d’écriture comptable afin d’améliorer les résultats du groupe. Carrefour lui proposera 800 000 euros pour acheter son silence.
Il refuse. Et en septembre 2017, la direction porte plainte contre lui pour tentative d’extorsion de fonds, chantage et vol de documents. Il choisit donc de tout révéler. Les dossiers les plus sensibles qui lui incombaient étaient ceux relatifs aux franchisés Carrefour. Franchisés qui, pour la plupart, étaient en réalité dans une détresse sociale et professionnelle insoupçonnée. Il allait bientôt ouvrir la boîte de Pandore !
Après son départ du groupe en février 2018, il commence à être contacté par plusieurs franchisés qui l’ont sollicité pour les aider à créer et animer une association afin de structurer les doléances de chacun malgré la terreur des représailles qu’ils pourraient subir. Ce sera la création en 2020 de l’Association des Franchisés de Carrefour.
Avec ce livre, Jérôme Coulombel veut démontrer quelles sont les différentes victimes de Carrefour : les franchisés (vaches à l’ait de l’enseigne), les fournisseurs, les salariés et les consommateurs.
L’auteur commence par rappeler l’empirisme marchand dans lequel Carrefour sera le pionnier du concept d’hypermarché. Il dénonce ensuite un mensonge évident. Carrefour se targue d’être le premier employeur français avec 115 000 salariés à bord de ce rutilant paquebot de la distribution alimentaire. Mais le groupe Carrefour omet de préciser que sur 5 900 points de vente Carrefour, 4 800 sont en franchise. L’immense majorité des salariés du groupe le sont en réalité par les franchisés Carrefour. Or, Jérôme Coulombel démontre comment ces franchisés sont souvent placés dans des situations catastrophiques par le groupe Carrefour. La liste est longue des abus en tous genres : vices de forme qui sont légion, manquements aux règles contractuelles sans fin, injonctions frôlant l’illégalité, accompagnées de brimades, d’humiliations, voire de menaces. Or, en cas de litiges sérieux, ce qui attend le franchisé, qu’il soit locataire ou propriétaire, c’est, sur base des différents contrats qu’il a signés, un règlement par un tribunal arbitral, c’est-à-dire privé, avec autant de procédures arbitrales que de contrats signés qui coûtent chacun au franchisé environ 100 000 euros !
Des fournisseurs ruinés
Jérôme Coulombel livre également des exemples de situations dramatiques pour les fournisseurs. En 2021, le patron de la société Nature & Bio signe un contrat avec Carrefour pour une commande de 40 tonnes de tomates cerises. Le produit se vend bien. En 2022, la société Nature & Bio propose de passer à 90 tonnes, mais Carrefour en réclame 350 tonnes ! Nature & Bio abandonne provisoirement ses autres contrats, augmente ses emprunts afin de doubler ses équipes de saisonniers et acheter tout ce qu’il peut en semence. Quand les 350 tonnes sont prêtes fin 2022, Carrefour se ravise et n’en veut plus que… 23 tonnes ! Avec un chèque de 120 000 euros en lieu et place de celui de 1,75 million promis. Nature & Bio se retrouve avec une dette bancaire de 700 000 euros et un stock de tomates cerises de 327 tonnes à détruire. La société est ruinée. L’affaire court toujours devant les tribunaux. L’avocat de Carrefour est allé jusqu’à prétendre qu’il s’agit d’une « erreur de plume » malgré la convention de partenariat signée en bonne et due forme avec les volumes prévisionnels bien précisés pour être répartis dans tous leurs magasins.
Les consommateurs trompés
Jérôme Coulombel cite aussi une étude sur l’engagement du distributeur Carrefour à bloquer les prix de 139 produits dits anti-inflation du 31 décembre 2022 au 7 mai 2023. Certes, leurs tarifs ont même reculé de 0,2 % en moyenne par rapport à février. Mais ils avaient auparavant subi une forte inflation et sont en hausse… de 10,2 % sur un an.
Comme indiqué sur la couverture de ce livre, après l’avoir lu, vous ne ferez plus vos courses comme avant…
Carrefour : la grande arnaque, Jérôme Coulombel, éditions du Rocher, 268 pages, 18,90 euros
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