« alors nous devrons affronter cette situation : il y a en effet, dans la Tradition de l’Église, la possibilité de corriger le Pontife romain. C’est très rare, il est vrai. Mais s’il n’y avait pas de réponses aux demandes sur les points controversés, alors je dirai que se poserait la question d’assumer un acte formel de correction d’une erreur grave. »
C’est le défi qui, à la veille du Consistoire, le cardinal américain Raymond Leo Burke, patron de l’Ordre Souverain de Malte, lance au pape François, auquel, ensemble avec trois autres cardinaux « conservateurs », Walter Brandmueller, Carlo Caffarra et Joachim Meisner, il a soumis récemment dans une lettre rendue publique, cinq dubia sur l’interprétation et l’application d’Amoris Laetitia. Ils demandent des clarifications sur la question très controversée de la communion aux divorcés-remariés et sur la valeur des normes morales en rapport avec la vie chrétienne.
« Sur l’interprétation d’Amoris Laetitia, il y a beaucoup de confusion parmi les évêques « avoue le cardinal Burke dans une interview au journaliste Edward Pentin du National Catholic Register.
« Partout où je vais je vois de la confusion. Les prêtres sont divisés les uns d’avec les autres, les prêtres sont contre les évêques, les évêques sont divisés entre eux. Il y a une terrible division dans l’Église, qui n’est pas la voie de l’Église. C’est pourquoi nous devons rétablir ces questions morales fondamentales, qui nous unissent. »
Les cinq dubia des quatre cardinaux regardent en particulier la chapitre VIII d’Amoris Laetitia parce que explique Raymond Burke
« c’est la source de toute cette confusion. Même les directives diocésaines sont confuses et erronées. Nous avons une série de différentes directives : dans un diocèse par exemple, on autorise les prêtres dans le confessionnal à décider par eux-mêmes, s’ils le retiennent nécessaire, de consentir à une personne qui vit dans une union adultère et continue à le faire, l’accès aux sacrements, tandis que dans un autre diocèse, en accord avec la pratique constante de l’Église, un prêtre concédera une telle permission seulement à celui qui a le ferme propos de se corriger et de vivre chastement à l’intérieur d’un mariage, c’est-à-dire comme frère et sœur, et de recevoir les sacrements uniquement dans un lieu où il n’y aurait pas de scandale. »
Cette confusion doit, selon le signataire la lettre, être « sérieusement affrontée. »
Ensuite il y a les demandes des dubia, autre que celle relative à la communion aux « divorcés-remariés », qui traitent de la définition de « mal intrinsèque », de l’état de péché et de la notion correcte de conscience.
Pour le cardinal Burke, en outre,
« si nous disons que, dans certains cas, une personne qui vit dans une union matrimoniale irrégulière peut recevoir la Sainte Communion alors l’une des deux choses doit être vraie : ou bien le mariage n’est pas vraiment indissoluble (comme par exemple dans une sorte de « théorie de l’illumination » du cardinal Kasper, lequel soutient que le mariage est un idéal auquel, soyons réalistes, nous ne pouvons pas contraindre les gens, et dans ce cas nous aurons perdu le sens de la grâce du sacrement qui permet aux conjoints de vivre leur engagement matrimonial) ou alors la Sainte communion n’est pas la communion au Corps et au Sang du Christ. Naturellement aucune de ces hypothèses n’est possible. Elles sont en contradiction avec les enseignements constants de l’Église depuis le début et, en conséquence, ne peuvent être vraies. »
Il est visible, à travers cet entretien, que le cardinal Burke et ses confrères ont le soucis de protéger la doctrine traditionnelle du sacrement de mariage et d’en défendre son indissolubilité tout en rappelant que recevoir la Sainte communion c’est recevoir, sous les apparences du pain et du vin, réellement le Corps et le Sang du Christ. (Encore faut-il, et nous nous devons de le préciser, que la messe soit valide, ce qui aujourd’hui, vu les graves scandales favorisés par le Nouvel Ordo Missae de Paul VI et l’impiété manifeste de bien des prêtres, est loin d’être toujours le cas.) Cette bataille en l’honneur du mariage est tout à leur honneur.
Cependant ce combat contre la dénaturation de la doctrine matrimoniale ne s’attaque qu’aux conséquences et non aux causes. Et c’est pourquoi, il risque malheureusement d’être stérile. Amoris Laetitia est le fruit vénéneux des doctrines empoisonnées qui ont vu le jour, ou sont sorties de l’ombre des officines interdites où elles se développaient, au Concile Vatican II. La loi de gradualité contenue dans l’Exhortation post-synodale pour accréditer la possibilité donnée à certains catholiques d’accéder aux sacrements malgré leur vie adultère, le discernement pastoral préconisé dans Amoris Laetitia, laissé à la conscience du prêtre et non plus soumis à la loi immuable de l’Église, le subjectivisme par rapport au péché et à la grâce sacramentelle, sont des notions et des attitudes qui ont été mis à l’honneur durant le dernier concile. Ils font partie des fondements de l’enseignement conciliaire.
C’est donc aux causes que ces quatre cardinaux, sincèrement épouvantés par la révolution doctrinale de François, doivent également s’attaquer s’ils veulent œuvrer avec succès à la restauration pleine et intégrale de la doctrine chrétienne du mariage au sein du monde catholique.
Et les causes, elles sont contenues dans le révolutionnaire concile Vatican II et le relativisme doctrinal et pratique qu’il a accrédité dans tous les domaines.
Autrement, la fameuse phrase de Bossuet pourrait, bien tristement, venir couronner leurs efforts : « Dieu se rit des hommes qui déplorent les effets dont ils chérissent les causes. »
Francesca de Villasmundo
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