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« Bons baisers de Moscou … »

Les relations franco-russes ont été particulièrement imprégnées dans l’histoire, de fascination et de rejet, d’espoir et de déception, de confiance et de défiance, d’engagements et de trahisons.

Quelques moments majeurs peuvent l’illustrer :

Un passé :

La première rencontre, étonnante, fut au Onzième siècle, celle d’une princesse Anne d’origine Viking. Le roi de France Henri Ier, cherchant épouse, envoya sur réputation une délégation demander en d’interminables voyages, sa main, à son père Iaroslav le Sage grand-prince du Rus’ de Kiev, origine de la Russie. Elle fut reine estimée et même, brièvement, régente de France, jusqu’à ce qu’elle épouse le compte de Valois déjà marié, et soit, avec lui, excommuniée.

Ensuite, plus rien ou presque, jusqu’à la visite en 1717 de Pierre le Grand, admirant Versailles. L’amour russe pour la culture française ne s’est plus éteint. Le dix-huitième siècle fut celui des admirations : celle de Catherine La Grande pour Montesquieu et, réciproque et pleine d’illusions déçues, de Voltaire et Diderot pour elle. Ces affections ne touchèrent pas alors la politique royale française. Nous ne fûmes, en ces temps, alliés ou ennemis de la Russie qu’au gré de coalitions, sans contentieux directs.

Puis ce fut notre révolution, avec l’accueil de grands émigrés à Saint-Pétersbourg et sa transformation napoléonienne qui atteignit son apogée lors de l’alliance avec le Tsar Alexandre. Les deux empereurs, devenaient maîtres de l’Europe. Le commerce anglais brisa ce rêve en brisant le blocus. Cette trahison amena le désastre de la campagne de Russie et la seule participation russe à une présence d’occupation en France.

Le Second Empire vengea plus tard le Premier, lors de la sanglante guerre de Crimée, en s’alliant à son tour à l’Angleterre, pour sauver, peu chrétiennement et déjà sans intérêt direct, notre vieil allié turc, en empêchant la Russie de refaire à terme d’Istanbul, Constantinople.

L’alliance franco-russe de 1892 tira la France, avec moult effusions, d’un isolement organisé par Bismarck. L’Angleterre s’entendit ensuite avec cette alliance, face à la croissance allemande, ce qui fut l’une des causes profondes de la Guerre de 1914. Si l’offensive russe sauva alors indirectement l’armée française, l’écroulement du régime tsariste en 1917 fut vécu comme un lâchage. En revanche, lorsque le général Janin livra en 1920 l’amiral Koltchak aux bolcheviks, trahison portant un coup fatal aux armées blanches, les conséquences furent peut-être encore plus lourdes.

La longue période soviétique, engendra d’abord l’importante arrivée, en quantité et en qualité, d’exilés, et le non-remboursement de nos prêts. Elle divisa aussi les français entre admirateurs du rêve communiste, et ennemis de ce cauchemar, nos intellectuels changeant parfois d’avis au gré de leurs voyages. Même l’impensable traité germano-soviétique qui, on ne l’a guère souligné, contribua sans doute beaucoup à notre défaite de 1940, ne mit pas durablement fin à cette opposition, du fait du rôle joué par la Russie dans la victoire finale, et par la place prise, en un second temps, par les communistes dans la résistance française. Plus tard, la politique gaullienne joua quelque peu à se rapprocher de l’URSS pour « de Brest à Vladivostok » contrer l’hégémonie des USA.

Distance :

A la lumière de ce qui précède, et avant d’évoquer l’épisode actuel, une condition majeure de notre rapport à la Russie nous semble s’imposer. C’est, contrairement à nos plus redoutables voisins qui furent ennemis inévitables par désaccords territoriaux, celle dune distance qui n’est pas seulement géographique. Si, pour Lao Tseu, la distance est « l’âme du beau », on dit aussi avec Aristote « loin des yeux, loin du cœur ». Elle engendre, en effet, par ignorance et préjugés, les projections et les illusions les plus trompeuses. Cela d’autant plus que, dans le vaste espace qui nous sépare, ne s’étend pas un désert ou, comme pour les USA, un océan. D’autres intérêts s’y interposent, brouillant nos relations.

Cette distance n’arrêta pas Anne de Kiev aux temps héroïques où il était le plus difficile de la franchir, mais nous mîmes des centaines d’années à l’imiter, le plus souvent sans nous déplacer.

La « crise » actuelle :

La « crise » actuelle retrouve l’essentiel de ce qui précède : ficelé dans ses liens avec la « communauté européenne » et l’OTAN, sous domination des machinations états-uniennes accompagnées de chantages inavoués, notre gouvernement soutient des intérêts qui nous sont, au mieux, étrangers, et au pire, contraires. Il exploite auprès de la part de l’opinion française la moins bien informée, des représentations idéologiques simplistes méprisant les faits et l’histoire, dont nous avons rappelé ici au passage, quelques aspects.

Les amours franco-russes, depuis si longtemps malheureuses, vaincront-elles un jour les forces obscures qui les contrarient ?

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