Une semaine après la signature de l’accord Minsk2, concernant un cessez-le-feu en Ukraine, il est possible de faire un bilan de la situation.

Historique

Naturellement, il est toujours difficile de savoir si les choses auraient pu se passer autrement. En particulier, on peut se demander si l’éclatement de l’Ukraine aurait pu être évité. Il semble maintenant pratiquement impossible que l’Ukraine puisse retrouver ses frontières de 2013. L’Ukraine devenue indépendante à partir de 1989 a vécu.

Si on s’intéresse à la Crimée, il n’est pas certain que ses habitants avaient initialement l’intention de faire sécession et de demander le rattachement à la Russie. Certes, la Crimée est fondamentalement russe. Mais, on peut noter que des Criméens avaient manifesté à Kiev contre Maidan en février 2014, ce qui veut dire qu’ils se sentaient concernés par l’évolution politique en Ukraine.

Le basculement de la Crimée vers la sécession date sans doute du 20 février 2014. Ce jour-là, huit bus remplis de plusieurs centaines de Criméens qui rentraient de Kiev sont tombés à Korsun dans un guet-apens, tendus par des militants ukrainiens bien organisés. Les passagers ont été sauvagement aggressés, certains tués, égorgés, fusillés à bout portant. Plusieurs personnes en gardent des séquelles et à ce jour, huit personnes sont toujours portées disparues. Une vidéo témoigne de ces évènements. Cela a sans doute fait basculer l’opinion en Crimée vers un référendum de rattachement à la Russie, qui s’est tenu trois semaines plus tard le 16 mars 2014.

Quant au Donbass et au sud-est de l’Ukraine plus généralement, il faut noter que c’était la partie la plus riche d’un pays par ailleurs très pauvre. Le niveau de vie en Ukraine avant la guerre était le tiers de la Roumanie, qui n’est certainement pas ce qui se fait de mieux en Europe… En outre, le Donbass contribuait au budget de l’Ukraine à hauteur de 89%, c’est-à-dire était quasiment la seule source. Le déclenchement d’une guerre contre le Donbass apparaît d’entrée de jeu comme une absurdité totale du point de vue de l’Ukraine. Ravager la partie de l’Ukraine la plus riche n’était clairement pas dans l’intérêt de l’Ukraine elle-même.

Par ailleurs, il faut noter que l’agression militaire de l’armée ukrainienne sur les provinces russophones est le point culminant d’une lente montée des antagonismes et des brimades contre les russophones. Outre le refus de reconnaître la légitimité de la langue russe, les manuels d’histoire étaient quasiment ouvertement anti-russes, ce qui est ni plus ni moins qu’une insulte délibérée.

Actuellement, il est difficile de dire jusqu’où la vague séparatiste va s’étendre vers l’ouest. En ce qui concerne les régions de Donetsk et Lugansk, la séparation d’avec l’Ukraine est achevée de facto et il est très douteux que les autorités qui se dégagent progressivement à l’est aient le moindre désir de rester à l’intérieur de l’Ukraine, sauf à imaginer une fédéralisation très poussée.

La bataille de Debaltsevo

Après l’échec ukrainien lors de la bataille pour l’aéroport de Donetsk, on vient d’assister à un véritable désastre militaire à Debaltsevo.

Petro Porochenko s’est emmuré de façon véritablement absurde dans le déni de la réalité, à savoir que la moitié des troupes combattantes de l’Ukraine étaient encerclées à Debaltsevo, mais il persistait à ne pas le reconnaître. Passons sur la mascarade publicitaire autour d’un prétendu retrait planifié et organisé. Concrètement, ces derniers jours, environ 6 à 8 000 soldats, parmi lesquels peut-être des étrangers, ont subi une défaite en bonne et due forme. Certaines sources parlent d’environ 3 500 morts, soit environ la moitié des troupes encerclées. Comme d’habitude, les médias officiels, majoritairement atlantistes et donc partials jusqu’à l’absurde, annoncent des chiffres ridiculement bas. Quelques centaines de soldats ont accepté de se rendre. D’autres seraient dispersées dans la zone encerclée. Les forces séparatistes ne cherchent même pas vraiment à les combattre, mais attendent que le froid et la faim les amènent à la reddition pure et simple. Le résultat est qu’environ la moitié des forces ukrainiennes réellement aptes à combattre est maintenant perdue. C’est tout à fait stupéfiant mais le fait est que la moitié de l’armée ukrainienne n’existe plus.

Par ailleurs, dans cette guerre absurde, on assiste même à des scènes inimaginables où les forces séparatistes protègent des soldats ukrainiens qui se constituent prisonniers contre des tirs de jusqu’auboutistes. Il est clair que la fable de l’agression russe contre l’Ukraine est complètement à côté de la réalité.

Concrètement, la défaite ukrainienne à Debaltsevo est non seulement un désastre, mais la débandade générale aboutit à fournir aux séparatistes une véritable montagne de munitions, de véhicules militaires, de tanks, de rations, de médicaments, etc. Entre 25 et 50% des réserves de l’armée ukrainienne seraient ainsi tombés entre les mains des séparatistes en quelques jours. Une aubaine extraordinaire qui évidemment leur fournit les moyens de continuer le combat grâce aux prises de guerre. En vendant tout ou partie de cette montagne de matériels, le Donbass peut presque auto-financer sa reconstruction.

En outre, du matériel sophistiqué fourni par les USA et l’OTAN, comme des radars anti-mortier, a changé de mains. Cela devrait faire réfléchir les va-t-en-guerre qui veulent livrer plus de matériel aux Ukrainiens.

Une défaite pour le camp de la guerre et les USA

Comme on pouvait facilement s’en douter, il apparaît d’après divers interrogatoires d’officiers ukrainiens prisonniers que les USA et l’OTAN aident l’armée ukrainienne, non seulement en fournissant du matériel de guerre, sans doute aussi par le biais de mercenaires, mais aussi sous la forme de conseillers militaires. Au train où vont les choses et à la vitesse où l’armée ukrainienne se désintègre, les USA devront bientôt faire cette guerre eux-mêmes.

La défaite de Debaltsevo jette en fait une lumière crue sur les compétences des USA et de ses conseillers militaires. Bien que la guerre civile ukrainienne ne soit pas ouvertement une guerre entre la Russie et les USA, il est bien évident qu’en deuxième rideau les Russes et les Américains se livrent une guerre par personnes interposées. Curieusement, les Américains ont provoqué une guerre contre la Russie qu’ils sont en train de perdre. La défaite de Debaltsevo montre que la Russie a su mettre en oeuvre une stratégie de combat que les USA n’ont pas été capables de deviner ni de contrer. Apparemment, c’est la grande précision de l’artillerie séparatiste qui permet aux troupes d’assaut de s’approcher au ras des cibles à conquérir.

Maintenant que le problème de la poche de Debaltsevo est quasiment réglé, il faut s’attendre à une avancée vers l’ouest des forces armées séparatistes.

Par ailleurs, on peut s’interroger sur le bienfondé pour le FMI ou l’Union Européenne de donner des milliards à un pays à la dérive, qui va utiliser cet argent pour faire une guerre qui le détruit. En outre, quelle communauté de destin avons-nous, Français, avec des cinglés néo-nazis bellicistes et génocidaires en Ukraine ? Il faudrait peut-être commencer à se poser la question.

Fortunin Revengé

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