Le « Grand remplacement » en marche ?

Dans la toute petite ville de Hamtramck (Michigan), le conseil municipal qui s’apprête à prêter serment est exclusivement composé de musulmans. Une première aux États-Unis, rapporte CNN. C’est ce que rapportent nos confrères de Valeurs Actuelles dans un article du 21 décembre dont vous proposons la lecture édifiante…

Il y a encore quelques années, raconte CNN, personne n’aurait pu imaginer qu’un tel destin frappe Hamtramck. La ville, majoritairement peuplée d’immigrants polonais et de leurs descendants, était même surnommée la « petite Varsovie ». Durant l’intégralité de son histoire, tous ses maires étaient d’origine polonaise. Une statue du cardinal Karol Wojtila – avant que celui-ci ne devienne le pape Jean-Paul II – trône même en plein centre-ville. Le prince de l’Église s’était rendu sur place en 1966, lors d’un déplacement aux États-Unis, attiré par la réputation de cette petite enclave polonaise en plein Michigan.

Dans les prochaines années, il y a fort à parier que la petite ville de Hamtramck (Michigan) devienne l’objet d’intenses discussions politiques. La ville, d’une superficie de 5 km2 et peuplée par quelque 22 000 personnes, est en passe de devenir la toute première ville totalement dirigée par des musulmans. Le 2 janvier prochain, le nouveau maire, Amer Ghalib, prendra ses fonctions à la tête d’un conseil municipal désormais intégralement composé de musulmans. Un phénomène inédit et historique aux États-Unis, qui risque de cristalliser les débats sur l’immigration. Belle histoire fruit du creuset américain pour certains, chronique du grand remplacement pour d’autres, le phénomène fascine tout autant qu’il divise.

Mais en quelques années, la ville a bien changé. À partir des années 90, une intense immigration musulmane, majoritairement originaire du Yémen et du Bangladesh, s’est installée à Hamtramck. Dans une si petite ville, les choses sont allées vite : désormais, la population musulmane est majoritaire. Les Polo-Américains, eux, ont préféré quitter la ville.

Désormais, ils ne représentent plus que 6,8 % de la population locale. « Tout cela est surtout dû aux gens qui sont partis plutôt qu’à ceux qui sont restés », estime Amanda Jaczkowski. D’origine polonaise, sa famille a fréquenté la même église catholique durant près d’un siècle. Pourtant, en 2012, la quadragénaire s’est convertie à l’islam, et porte désormais le voile. Elle figure au rang des nouveaux élus qui composeront, dès le mois de janvier, le nouveau conseil municipal, et en est d’ailleurs l’unique membre né avec la nationalité américaine.

La population de Hamtramck a donc changé et, fort logiquement, a fini par se choisir un conseil municipal à son image. Parmi les habitants d’origine qui sont restés, la plupart s’en accommodent bien. Certes, rapporte CNN, la première mosquée et ses haut-parleurs, diffusant quotidiennement l’appel à la prière, a fait débat dès sa construction, dans les années 90. Certains locaux, du bout des lèvres, émettent quelques reproches à l’encontre des nouveaux arrivants : « Je nettoie tous les jours [devant chez moi], mais ils jettent tout par terre », grince Mara Popovska.

Coiffeuse de son métier, cette dernière n’est pourtant aucunement gênée par l’événement. « Je pense que ça va être bien », explique-t-elle à CNN. Comme beaucoup d’habitants, elle salue le sursaut économique provoqué par l’arrivée massive des Yéménites, qui ont ouvert de très nombreux commerces plus ou moins communautaires. Sur Main Street, la principale artère de Hamtramck, les restaurants traditionnels yéménites ou bangladais ont pris le dessus sur la cuisine polonaise, même si de bonnes adresses demeurent encore. Le mari de Mara Popovska, en revanche, ne partage pas son avis. Lui serait partant pour quitter la ville dès que possible.

Malgré cette relative acceptation, tout n’est effectivement pas encore facile pour la population de Hamtramck, et de nombreux habitants s’inquiètent. Amer Ghalib a dû donner de nombreux gages : il a notamment promis qu’il n’était pas question de fermer les bars ou d’obliger les femmes à se couvrir les cheveux, et que la nouvelle équipe municipale était déterminée à faire respecter la constitution américaine – qui prévoit notamment la séparation de l’Église et de l’État.

Le choc des cultures
Tout va bien dans le meilleur des mondes, donc ? Pas exactement. Malgré toutes les bonnes intentions affichées par le nouveau maire, qui a récemment fait la rencontre de Joe Biden, des interrogations demeurent. À commencer par celle-ci : pourquoi diable, lors de la soirée célébrant la victoire électorale d’Amer Ghalib, aucune des six femmes yéménites qui composent son conseil n’étaient présentes ? « Le résultat a été annoncé tard dans la nuit, vers 22 heures », se justifie difficilement le futur édile, assumant que « dans le cadre de la culture [yéménite], les femmes sortent très rarement la nuit ». Et même quand elles le font, admet-il, « il y a toujours une certaine ségrégation lors des événements » publics.

Amanda Jaczkowski, l’élue d’origine polonaise convertie à l’islam, ne s’inquiète pas. « Les femmes yéménites n’ont pas besoin d’être sauvées », a-t-elle affirmé à CNN, expliquant qu’elle avait elle-même proposé aux concernées de rejoindre la soirée, mais que toutes avaient refusé. Autre pomme de discorde : la défense des droits LGBT. L’été dernier, avant que le conseil ne passe entièrement aux mains des musulmans, la question de l’affichage du drapeau LGBT sur les bâtiments publics avait soulevé la controverse à Hamtramck. Aujourd’hui, Amer Ghalib l’assume : majorité musulmane oblige parmi la population, il serait impossible d’être en faveur d’un tel affichage et d’espérer gagner l’élection ensuite.

Nul doute que, dans la foulée de la prise effective du pouvoir par la majorité d’Amer Ghalib, la question fera partie des débats qui animeront la vie politique de Hamtramck. Pour l’heure, l’édile nouvellement élu préfère éluder : « Je ne suis ni pour ni contre. Je suis pour le droit de chacun de pratiquer ce qu’il veut. Mais ils ne devraient pas en faire une question gouvernementale. » Lynn Blasey, candidate favorable au drapeau LGBT et battue lors des élections, ne désespère pas. Fidèle à ses convictions progressistes, elle entend « travailler main dans la main avec » le nouveau conseil municipal.

L’avenir dira si une telle collaboration peut fonctionner. En attendant, reconnaît Amer Ghalib, les projecteurs nationaux qui vont s’abattre sur la ville risquent de compliquer sa tâche. Surtout à l’approche des mid-terms, prévues pour novembre 2022, au cours desquelles les républicains escomptent reprendre la majorité au Congrès.

Source : Valeurs Actuelles du 21 décembre 2021

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