En février-mars 2014, la Russie de Poutine envahissait « en douceur » la région autonome de Crimée après un référendum auprès de la population locale plébiscitant le rattachement de leur région à la Russie. Il justifia son acte par l’enjeu géopolitique, notamment ses accès directs à la mer Noire qui auraient été compromis avec le nouveau pouvoir ukrainien à la suite de la révolution de Maïdan. A cela, les Américains et l’OTAN voulaient se montrer ferme pour la réponse à apporter en soutien du nouveau pouvoir pro occidental dans la crise de la Crimée et du Donbass qui commençait à s’enflammer. S’en suivirent des déclarations de politiques occidentaux qui bombèrent le torse face au taiseux Poutine. Puis, sur la pression de plusieurs pays dont les USA et la France, l’OTAN décida de monter une force pour soutenir le nouveau gouvernement ukrainien « agressé » par la Russie, notamment dans la région contestée pro-russe du Donbass. En terme militaire, pour monter ce corps expéditionnaire, on réalisa ce que l’on appelle dans le jargon otanien « une conférence de génération de force[1]». En une semaine environ, on trouva facilement un général pour commander et son état-major interarmées très bigarré des 28 nations composant l’OTAN en 2014. Pour les soldats, l’OTAN a mis plus de trois semaines à « générer » une force de 5000 hommes avec toutes les peines du monde. S’en est suivi une glorification des médias grand public du monde occidental sur cette réponse ferme face à l’envahisseur « popov ». Et les Américains étaient prêts à envoyer une force de 8500 hommes en complément (tiens, cela ressemble fort à la proposition américaine de janvier 2022 !). Dans la foulée, s’en rien dire, Vladimir Poutine agissait : Il convoqua le ministre de la Défense russe (qui est un militaire) et lui ordonna de faire un exercice grandeur nature en terrain libre (càd en milieu civil ce que n’ont plus l’habitude de faire par exemple les forces françaises, ni les forces des nations européennes) le long de la frontière ukrainienne dans un délai de…48 heures avec au moins 20000 hommes et une centaine d’avions de combat avec tirs réels d’exercice! C’était la stupeur en Occident, on resta impressionné ! Et patatra, on gesticula, on s’apitoya, on s’émouvait et au bout de deux à trois mois, plus rien. Les médias ont oublié l’affaire. La guerre locale a continué sans bruit. Quelques mercenaires yankees sont venus tout au plus « monitorer[2] » les forces loyalistes ukrainiennes avec du matériel occidental tandis que les russes faisaient de même avec les séparatistes.
Comparons avec la situation actuelle. Le cow-boy Biden provoque son homologue russe depuis le début de son mandat : le traite « de tueur », le menace de sanction économique supplémentaire, et la dernière, d‘envoyer 8500 GI’s en Ukraine pour éviter soi-disant l’envahissement du pays par les russes, qui s’en moquent éperdument. Biden a la mémoire courte : Les Américains sont sortis il y a peu d’Afghanistan dans le désordre et sans gloire[3] après plus de vingt ans de conflit inutile puisque les talibans sont revenus au pouvoir. Et Poutine, pour préserver le tampon stratégique de l’Ukraine face à l’OTAN, comme en 2014, demande de nouveau à ses armées de faire un petit exercice en terrain libre avec matériel (pas sur ordinateur au chaud comme souvent dans les nations dites civilisées bien souvent avec uniquement leurs états-majors) le long de la frontière avec 20000 hommes et un centaine d’avion, bien réels ceux-là. Il est assez hilarant de voir la similitude des deux périodes. Le joueur d’échec du Kremlin doit bien se gausser en train de chasser l’élan en Sibérie. Par ailleurs, le cow-boy Biden n’a pas anticipé certains points :
- Historiquement, l’Ukraine n’est pas une région facile à tenir après l’avoir envahie ;
- L’armée russe a fait énormément de progrès, tant en matériel, en organisation et en entraînement par rapport à 2008 où ils ont eu du mal à envahir l’Ossétie du Sud, puis la Géorgie ; Et, s’il le faut, la Russie mettra le paquet (elle le peut) pour ne pas se laisser faire ;
- L’Ukraine est proche logistiquement de la Russie, plus simple à ravitailler par route et par mer ; L’oncle Sam doit franchir un océan et bien 2000 kilomètres sur terre avant d’arriver sur le possible front ou tout amener par air dans les pays limitrophes insérés dans l’OTAN (très cher) ;
- La Russie joue à domicile, connaît le terrain et la météo, notamment en hiver.
In fine, comme d’habitude, les Occidentaux vont gesticuler et Poutine gardera son visage de marbre, même si cette situation l’agace depuis le temps. Les nations de l’OTAN auraient tout un tas de contraintes principalement logistiques, de langue et de connaissance du terrain avant de pouvoir combattre des « locaux » habitués aux rudes conditions de cette région. Seule une provocation insidieuse et indirecte de L’OTAN ou de l’Ukraine pourrait provoquer une réponse militaire de Moscou si la ligne rouge est franchie. Je recommande pour cela d’écouter l’émission « Russie, Ukraine, OTAN : l’Europe en danger ? » du samedi politique de TV Libertés du 29 janvier 2022 avec l’interview par Elise Blaise de Madame Caroline Galactéros, géo politologue avertie. Les dindons de la farce seront les européens eux-mêmes, car quand on parle de l’Ukraine, de la peur du Russe à nos portes (elles sont encore loin), on ne parle plus de leurs problèmes intérieurs, de la pression insidieuse sur les salaires, les retraites, les frais de succession, et j’en passe. Les gouvernants « démoncratiques » peuvent plus facilement les tondre sans bruit aux ordres des mondialistes alors qu’ils ont les yeux rivés sur leur smartphone.
Anatole Castagne
[1] force generation conference en anglais
[2] Monitorer : guider l’entraînement, voire plus, guider au combat parfois
[3] Environ 850 milliards de dollars engloutis, 2465 morts et plus de 20000 blessés. (sources : iCasualties.org et Associated Press)
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