Le Général Gourgaud (1783-1852) a été Premier officier d’ordonnance de Napoléon et a accompli une brillante carrière militaire avant de connaître son chemin de croix à Sainte-Hélène. En disgrâce sous la Restauration, il a été élevé à la Pairie par Louis-Philippe et a participé au retour des Cendres en 1840.
Son Journal a été rédigé à chaud, dans des termes souvent crus, ce dont les premiers éditeurs (en 1899, puis en 1947) avaient privé leurs lecteurs jusqu’à aujourd’hui. En effet, le Général Gourgaud ne cherchait pas à faire œuvre littéraire, mais le plus souvent prenait des notes en vue de futurs mémoires et s’exprimait « en artilleur » (à l’unisson parfois d’ailleurs de Napoléon). Pour la première fois, on entre ici dans les sentiments profonds et sincères d’un acteur du psychodrame de Sainte-Hélène : le quotidien de Napoléon est aussi présents que les états d’âme – dont la jalousie envers Las Cases, resté comme le mémorialiste officiel malgré le fait que son ouvrage ait été lui largement réécrit.
Ce gros volume publié par les éditions Perrin est la première version intégrale du Journal du Général Gourgaud, y compris en ce qu’elle a de gênant. Le texte est fidèlement celui du manuscrit original de Gourgaud conservé aux Archives nationales. Outre des précisions factuelles nouvelles, on connaîtra mieux désormais l’ambiance délétère qui régnait à Longwood, du point de vue d’un homme en profonde détresse psychologique – due au célibat et à l’insularité – qui, après avoir toute sa vie servi l’empereur, fut tellement déçu de se voir progressivement marginalisé qu’il en devint atrabilaire et vindicatif au point de prêter plus tard le flanc au soupçon de trahison.
Dans l’histoire de la captivité de Napoléon, le texte de Gourgaud a un intérêt majeur : le général était en contact avec toutes les catégories sociales de l’île. On y rencontre bien sûr l’empereur, Bertrand, Las Cases, Montholon, le gouverneur Lowe et tous les personnages « habituels » des écrits de Sainte-Hélène. Mais le général nous fait aussi plonger au-dessous de cette ligne d’horizon. Nous rencontrons des domestiques, des quidams de l’île, des militaires anglais subalternes, des prostituées, etc.
Ce journal permet de découvrir comment un certain nombre d’événements vont marquer des points de rupture dans le déroulement de cette captivité. Des partis vont se constituer, se dissoudre, se reconstituer ; des liens vont se créer, se rompre ou évoluer avec certains officiers britanniques et avec les commissaires russe, autrichien et français envoyés par leurs gouvernements ; des voies de correspondance clandestine vont être établies. Tout cela se mêle dans les pages écrites la nuit à la bougie par un Gourgaud furieux de n’être pas le confident de l’idole pour laquelle il a sacrifié sa carrière, sa fortune et, surtout, s’est éloigné de sa famille.
Journal intégral, Général Gourgaud, éditions Perrin, 860 pages, 32 euros
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