Le cardinal Müller, héraut de la tradition ? C’est le nouvel axiome qui bruit dans les palais romains au sein de l’univers conservateur. Et Benoît XVI, le pape émérite, qui fût, et bien trop de monde semble l’oublier facilement, le pourfendeur de la Tradition bi-millénaire de l’Église catholique en tant que théologien écouté du révolutionnaire concile Vatican II, se fait le champion de cette maxime tendancieuse dans la préface du livre « Le Dieu Trine. Foi chrétienne dans l’ère séculière », publié en allemand à l’occasion des 70 ans du prélat germanique et des 40 ans de son ordination sacerdotale.
Cet écrit du pape émérite a aussi la particularité d’émerger dans un climat de forte tension, déclenché par Amoris Laetitia, entre le cardinal et le pape François. Gerhard Ludwig Müller, limogé abruptement de son poste de préfet de la Congrégation de la Doctrine de la foi, tout en protestant de sa fidélité indéfectible au pape actuel, a tenu récemment des propos saisissants faisant mention d’un « risque de schisme » au sein de l’Église conciliaire à cause de l’attitude d’une certaine autorité suprême… Il a également évoqué l’existence d’un mouvement anti-Bergoglio qui voudrait le mettre à sa tête. Dans son texte, il apparaît visiblement que Benoît XVI essaye de tempérer les désaccords entre les deux hommes, peut-être afin d‘éviter des ruptures plus profondes.
« Un prêtre, et certainement un évêque et un cardinal, n’est jamais vraiment à la retraite », écrit Joseph Ratzinger. Le cardinal Müller continuera « à servir publiquement la foi » en qualité de théologien et de prêtre. Benoît XVI profite de l’occasion pour tisser l’éloge du rôle du préfet de la Congrégation pour la Doctrine de la foi, poste que soit lui que le cardinal Müller ont exercé dans le passé récent : « un rôle dans lequel la sagesse n’est pas donnée uniquement par la compétence dans la matière mais aussi dans la reconnaissance des limites de cette connaissance théologique. » Et le prélat septuagénaire, continue Benoît XVI, « a passé ses années à Rome en cherchant à faire cela ». Le pape émérite termine son intervention en s’adressant directement à l’ancien préfet pour la Doctrine de la foi, ami de longue date, dans une formule qui semble vouloir réconcilier le cardinal avec le pape argentin :
« Tu as défendu les pures traditions de la foi, mais dans l’esprit du pape François, tu as cherché à comprendre comment elles peuvent être vécues aujourd’hui. »
En un tour de passe-passe magistral, Gerhard Ludwig Müller devient ainsi un héraut de la Tradition ! Pourtant ce portrait du prélat allemand, brossé par le conservateur Benoît XVI, théologien révolutionnaire au moment du Concile, ne reflète pas la réalité : l’ancien évêque de Ratisbonne est loin d’être un évêque traditionnel à l’instar d’un Mgr Lefebvre. Il est et reste un théologien moderniste et progressiste qui professe des hérésies dont MPI a déjà parlé. Il doit en outre sa carrière ecclésiastique à sa défense sans faille des doctrines de Vatican II et à leur mise en application. Le considérer aujourd’hui, même dans des milieux qui se disent « traditionnels », comme un défenseur de la Tradition revient à « sanctuariser » le concile Vatican II selon l’herméneutique de la continuité, chère à Joseph Ratzinger ; parallèlement cela permet de déformer le sens des mots : dans un mouvement oblique de droite à gauche, devient dorénavant traditionnel, les opposants conciliaires à la révolution bergoglienne ! Et les vrais défenseurs de la Tradition immuable, qui rejettent au nom du principe de non-contradiction les innovations conciliaires, se retrouvent ainsi relégués dans la sphère des extrémistes à pourfendre par l’ensemble de l’Église conciliaire, conservateurs et bergogliens confondus…, Müller et François se donnant la main pour l’occasion…
Francesca de Villasmundo
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