Tout le monde a entendu parler via les médias dominants de cette histoire de bébé israélien tué dans un four par des sadiques du Hamas. Sur un plateau de télévision, on a vu Eric Naulleau fondre en larme à l’annonce de cette nouvelle. Oui mais, voilà, après vérification, l’histoire a tout d’un récit de propagande totalement inventé pour légitimer les envolées bellicistes de certains milieux israéliens et de leurs alliés occidentaux désireux d’écraser les habitants de Gaza.
En 1990, c’était les bébés en couveuses au Koweït tués par les soldats de Saddam Hussein
Cette histoire n’est pas sans rappeler le montage de propagande des faux bébés assassinés au Koweït en août 1990. Pour faire accepter la guerre du Golfe, les services de propagande américains avaient inventé un massacre de nouveau-nés dans la maternité de l’hôpital de Koweït City. Une fausse infirmière épouvantait l’opinion publique en décrivant des soldats irakiens arrivés en armes et arrachant des bébés des couveuses pour les laisser mourir sur le sol froid. Ce « témoignage » était présenté devant les représentants du Comité des droits de l’homme du Congrès des Etats-Unis par une certaine Nayirah dont on apprendra plus tard que derrière ce pseudonyme se cachait la fille de l’ambassadeur du Koweït aux Etats-Unis, aux redoutables talents de comédienne. Le scénario a parfaitement fonctionné, facilitant l’intervention militaire américaine en Irak en janvier 1991. Le montage orchestré par la CIA et le Pentagone, en collaboration avec le Koweït, avait fait de Saddam Hussein le mal absolu, légitimant auprès du grand public l’invasion militaire de son pays par les soldats américains, gendarmes du monde.
Même Libération l’avoue
Pour en revenir au cas plus récent du bébé israélien cuit au four par des sadiques du Hamas, la rubrique CheckNews de Libération a fini par avouer un stratagème identique.
Tout débute par un tweet de Dovid Efune, journaliste américain, qui affirme dans un post vu plus de 10 millions de fois qu’un bébé « a été retrouvé dans un four, cuit à mort par les terroristes du Hamas ». La source citée est Eli Beer, fondateur et dirigeant de United Hatzalah of Israel, une organisation de secours d’urgence.
En 1990, avec l’affaire des faux bébés tués au Koweït par des soldats irakiens, c’est le très respecté New York Times qui avait immédiatement donné du retentissement à cette manipulation. Cette fois, c’est un chroniqueur du New York Post, John Podhortez, qui va jouer un rôle important en diffusant un message vu plusieurs millions de fois dans lequel il écrit : « Ils ont cuit un bébé. Dans un four. ILS ONT FAIT CUIRE UN BÉBÉ DANS UN FOUR. ILS ONT FAIT CUIRE UN BÉBÉ DANS UN FOUR. Osez parler de cessez-le-feu encore une fois. »
Libération signale que l’annonce a ensuite été reprise et « complétée » par un faux compte très suivi se présentant comme émanant du Mossad, le service de renseignement israélien.
Dans un post vu 4,5 millions de fois, le compte reprend le récit en y ajoutant d’autres éléments sordides, comme le viol supposée de la mère pendant la mise à mort de son enfant, et l’affirmation selon laquelle les exactions auraient été enregistrées par leurs auteurs : « Tout a été enregistré. Le Hamas a tout enregistré sur les chaînes Telegram. Beaucoup l’ont vu, l’ont sauvegardé et beaucoup de choses sont déjà disponibles. Le 7 octobre, des nazis du Hamas sont entrés dans une maison. Ils sortent leurs armes, tuent le père et mettent le bébé au four. Puis, au moins trois fois, ils ont violé la mère l’une après l’autre pendant qu’ils la filmaient et que le bébé brûlait. Il y aura cessez-le-feu lorsque le Hamas aura disparu. »
En France, Raphaël Enthoven va aussitôt relayer cette propagande sur les réseaux sociaux, avant d’effacer ses messages.
Revenons au « témoignage » d’Eli Beer le samedi 28 octobre à Las Vegas. S’exprimant devant la Republican Jewish Coalition, il affirme avoir été témoin de scènes atroces, mais ne dit pas un mot de comment il aurait pu voir cela et en sortir vivant : « J’ai vu de mes propres yeux une femme enceinte de quatre mois, elle était dans un petit kibboutz. Ils sont entrés chez elle, devant ses enfants, ils lui ont ouvert le ventre, ont sorti le bébé et ont poignardé le tout petit bébé devant elle, puis lui ont tiré dessus devant sa famille. Et puis ils ont tué le reste des enfants. J’ai vu des petits enfants qui se faisaient décapiter, on ne savait pas quelle tête appartenait à quel enfant. […] Nous avons vu un petit bébé dans un four. Ils ont mis, ces bébés dans un four et ont allumé le four. Nous avons retrouvé l’enfant quelques heures plus tard. »
Auparavant, Eli Beer s’était entretenu avec Joe Biden lors de la visite du président américain en Israël. Il avait expliqué au Jerusalem Post son intention d’obtenir le soutien des dirigeants américains : « Nous assistons aujourd’hui aux tentatives de la machine de propagande du Hamas de nier et de minimiser l’ampleur de ces massacres afin d’améliorer sa position internationale pendant la guerre, et il est de notre devoir, en tant que témoins de ces actes barbares, d’obtenir un soutien inébranlable des décideurs américains pour Israël. J’ai raconté certaines de ces histoires au président, et maintenant je vais les raconter aux membres de la direction républicaine. Cette question n’est pas une question politique, c’est une question humaine, »
Or aucun autre témoignage, aucun indice de preuve ne fait mention de l’histoire rapportée par Eli Beer d’un bébé trouvé dans un four.
Libération écrit :
Plusieurs journalistes israéliens ont tenté de vérifier cette affirmation. Sans succès. Dans un post sur X (anciennement Twitter), le compte de fact-checking israélien FakeReporter la met en doute, s’appuyant notamment sur le travail de vérification d’un autre journaliste israélien affirmant que des responsables de Tsahal, de l’organisation de secours Zaka ou de Shura (la base militaire où sont identifiés les corps des victimes du 7 octobre) lui ont déclaré ne pas avoir entendu parler d’une telle histoire.
Le journaliste du Haaretz Chaim Levinson a également affirmé sur X n’avoir trouvé aucun fondement à ce récit, lequel serait basé, selon lui, sur les seuls propos d’un volontaire de l’organisation d’Eli Beer. Contacté par CheckNews, Yossi Landau, responsable de l’organisation Zaka dans le sud d’Israël, qui est intervenue dans les lieux des massacres, et qui a largement témoigné des atrocités commises, nous a déclaré de manière très affirmative que cette histoire n’était « pas vraie ».
Dans ses déclarations ultérieures à la Jewish Telegraphic Agency, Libération note qu’Eli Beer apparaît moins affirmatif que dans le récit livré à Las Vegas, affirmant que de nombreux points demeurent inconnus : « les terroristes du Hamas ont-ils mis le bébé dans le four, puis l’ont-ils tué alors qu’ils allumaient le four ? Les parents du bébé ont-ils caché l’enfant dans le four pour le protéger des attaquants ? Quand le bébé a-t-il été tué ? »
Jeudi 2 novembre, TF1info a ajouté dans son article consacré au sujet le nouveau témoignage de Mendy Habib, secouriste et chef d’équipe pour l’organisation ZAKA, expliquant n’avoir n’a pas eu connaissance d’une telle exaction : « Il y a presque 600 volontaires qui étaient sur place. Mon équipe comptait 30 personnes à peu près. Et on n’a pas entendu parler d’une chose pareille. Il y avait tellement de choses qui étaient horribles et affreuses et inhumaines que je n’ai pas entendu parler d’une chose comme ça. Je pense que ce n’est même pas la peine d’en rajouter. » TF1info explique aussi avoir contacté Tsahal qui n’a pas confirmé le récit.
Cet article vous a plu ? MPI est une association à but non lucratif qui offre un service de réinformation gratuit et qui ne subsiste que par la générosité de ses lecteurs. Merci de votre soutien !
Commentaires