Bataclan, histoire d'une salle, par Daniel Habrekorn, chez Robert Laffont

Il y a quelques jours, Maître Jean Sannier, avocat de l’une des victimes de l’attaque terroriste au Bataclan, révélait des informations démontrant que ce soir-là, 26 gendarmes qui surveillaient le domicile de Manuel Valls à quelques minutes de là sont accourus armés de Famas, ont fait irruption au Bataclan, en ont extrait un otage, puis ont reçu l’ordre de… sortir du Bataclan et cesser d’intervenir. Et le GIGN a reçu le même ordre de ne pas intervenir. Ce rebondissement est une bonne occasion de nous intéresser au Bataclan lui-même qui fait l’objet d’un livre surprenant signé Daniel Habrekorn.

Daniel Habrekorn, poète, essayiste, animateur d’un libre journal sur Radio Courtoisie, est très étroitement lié à l’histoire du Bataclan : son grand-père a dirigé cette salle de spectacle, son père y est né et Daniel Habrekorn y a lui-même longtemps vécu. Il est donc un témoin privilégié de l’histoire du Bataclan dont il connaît les moindres détails, contrairement à quantité de journalistes qui ont opportunément traité ce sujet avec de fréquentes erreurs. L’histoire familiale de Daniel Habrekorn et celle du Bataclan se confondant, il était particulièrement bien placé pour exhumer une riche et impressionnante documentation, souvent inédite, qui fait de cet album un objet assez exceptionnel retraçant également la vie parisienne durant plus d’un siècle.

Palais chinois en quartier haussmannien

Construit comme une sorte de palais chinois, en 1865, dans le cadre du deuxième réseau des gigantesques travaux d’Haussmann, Ba-Ta-Clan était initialement la propriété d’une SARL intitulée Grand Café Chinois Théâtre. Pourquoi Ba-Ta-Clan ? Il s’agissait du titre d’une opérette d’Offenbach, une chinoiserie musicale en un acte créée en 1855. Un nom parfaitement adapté à une salle de spectacle installée dans un bâtiment dont l’architecture était d’inspiration chinoise et qui reste aujourd’hui le dernier vestige parisien de cette mode exotique. La salle de spectacle avait dès l’origine été prévue pour pouvoir accueillir 1 500 places assises avec un café et des billards. C’est à la même époque que sont construites à Paris d’importantes salles telles que l’opéra Garnier, le nouveau Théâtre Lyrique (aujourd’hui théâtre de la Ville), le Châtelet, le Vaudeville, les Folies-Marigny, et beaucoup d’autres, sans compter les cafés-concerts, faisant de Paris la première ville du monde en terme de salles de spectacle à la fin du XIXe siècle. Ce qui caractérise le café-concert est que l’entrée est libre, qu’on paye une consommation (à l’époque cerise à l’eau-de-vie, mazagran ou bière), qu’on y fume et que le spectacle, le soir, y est permanent.

Victor Hugo, Buffalo Bill, Léon Daudet, le cardinal Lustiger et Jean-Jacques Goldman ont pour point commun le Bataclan

Le lecteur découvrira avec surprise les innombrables usages successifs du Bataclan : barytons, cantatrices, géants et nains en sont les premières vedettes. Le 5 octobre 1870, c’est une réunion politique qui s’y tient, en présence notamment de Victor Hugo et de Jules Ferry. Pendant le siège de Paris, d’octobre 1870 à février 1871, une partie des lieux est transformée en infirmerie tandis que le théâtre donne des spectacles au profit des blessés de guerre et qu’on y chante des chants patriotiques. Un champion du monde américain de lutte vient ensuite s’y produire. Puis le chanteur Paulus, aujourd’hui complètement oublié mais à l’époque véritable gloire nationale puis internationale, y est la vedette chaque soir. En 1893, c’est Buffalo Bill qui est engagé deux semaines à Ba-Ta-Clan pour un spectacle de tir à la carabine.

C’est à partir de 1905 que Gaston Habrekorn, grand-père de l’auteur de cet album, reprend le Ba-Ta-Clan (il en devient le propriétaire en 1908) et met en place un programme ambitieux : pièces littéraires, pièces amusantes, grands spectacles, grandes revues, attractions internationales, opéra-comique, opérettes, matinées populaires et matinées enfantines. En1912, c’est Colette qui se produit sur la scène du Ba-Ta-Clan. En 1917, on y retrouve Mistinguett et Maurice Chevalier. Dans un tout autre genre, le 16 mars 1926, ce sont 3 500 patriotes qui se réunissent au Ba-Ta-Clan pour écouter Léon Daudet à l’appel de l’Action française.

Vu l’essor du septième art, le Ba-Ta-Clan se réoriente pendant plusieurs années en salle de cinéma, tout en continuant des activités de Music-Hall. Dès 1969 s’y tient un premier concert rock. En 1973, parmi les nombreux groupes qui s’y produisent, il faut citer le groupe britannique Genesis avec Peter Gabriel. En 1977 se succèdent au Bataclan The Clash, l’un des plus célèbres groupes punks du moment. En 1979, après The Police, c’est The Cure qui se produit sur les planches du Bataclan. En 1984, le Bataclan devient le rendez-vous d’une nouvelle génération d’humoristes qui s’affrontent dans des « Matchs d’improvisation ». En 1989, Maxime Le Forestier, Tri Yan ou encore Jean-Jacques Goldman font partie de ceux qui occupent la scène du Bataclan. En 1991, la façade et la toiture du Bataclan sont inscrits à l’inventaire des Monuments historiques. Les célébrités continuent de s’y bousculer. Citons, dans des styles très variés, Juliette Gréco, Noir Désir, Prince, David Guetta, Robert Charlebois, Johnny Cash, Dany Boon, Guy Marchand, Jamel Debbouze, Jean-Marie Bigard, Julien Clerc, Dick Rivers, Zazie, Bashung, etc.

En 2003, une après-midi de « conversation essentielle » rassemble sur scène Finkielkraut, le cardinal Lustiger, Michaël Lonsdale et quelques autres débatteurs d’un jour. En plus d’un siècle, le florilège est on ne peut plus éclectique !

Conclusion politiquement incorrecte

L’ouvrage se termine naturellement par un chapitre sur l’attentat du 13 novembre 2015. Daniel Habrekorn y donne son avis, politiquement incorrect, sur le sujet. Cela vaut le détour. Notons que le soir de l’attentat, alors qu’il connaît les lieux comme sa poche et peut livrer des informations essentielles pour la stratégie de pénétration dans le Bataclan, personne ne songera à lui demander quoi que ce soit sur les plans des lieux. Il y est aussi question des fausses victimes, un phénomène sordide. Ainsi que de la tentative du rappeur Médine de venir se produire au Bataclan, ce qui provoqua un tollé.

Bref, cet album extrêmement complet sur l’histoire du Bataclan intéressera des lecteurs aussi différents que les personnalités qui y sont montées sur scène.

Bataclan : histoire d’une salle, Daniel Habrekorn, éditions Robert Laffont, 329 pages, 45 euros

A commander en ligne sur le site de l’éditeur

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