Basculement gouvernemental en Pologne

Le parti polonais Droit et Justice, pro-vie et pro-famille, a perdu sa majorité gouvernementale. Au cours des huit dernières années, la Pologne a eu le gouvernement le plus conservateur d’Europe, dirigé par le parti Droit et Justice. Dimanche, des élections législatives ont eu lieu dans ce pays et, bien qu’il ait reçu plus de voix que tout autre parti, Droit et Justice ne dispose plus du nombre de sièges requis pour former une majorité parlementaire. Une coalition libérale rassemblant plusieurs partis forme le nouveau gouvernement qui tentera d’imposer une révolution au sein de ce pays catholique. Mais cette révolution pourrait être entravée par de multiples facteurs.

À l’automne 2015, le chômage en Pologne atteignait près de 10 %. Des millions de Polonais ont quitté le pays pour l’Ouest, tandis que le gouvernement sortant de l’époque, dirigé par le parti libéral Plateforme civique, était devenu largement impopulaire après une série de scandales de corruption embarrassants.

Huit ans plus tard, grâce au travail du parti Droit et Justice, le chômage en Pologne ne s’élève plus qu’ à 5,5 %, le deuxième taux le plus bas de l’Union européenne, tandis que des centaines de milliers de migrants polonais sont revenus au pays.

Hélas, lorsqu’un parti est au pouvoir pendant huit ans, une grande partie de l’électorat devient inévitablement blasée et succombe aux promesses de changement, oubliant les péchés passés de ceux qui vont reprendre les commandes.

Lors des élections de dimanche, les Polonais ont maintenu Droit et Justice en première position avec le score très honorable de 35,38%, soit 4,68 % de plus que le deuxième parti, la Coalition civique (Plateforme civique et une poignée de partis dont peu de gens connaissent les noms). Mais avec 194 sièges sur 460 à la chambre basse du Parlement, Droit et de la Justice n’était plus en mesure de gouverner, ni seule, ni dans le cadre d’une éventuelle coalition avec la Confédération Liberté et Indépendance, une coalition composée de libertaires, de monarchistes, de catholiques traditionalistes et de nationalistes qui ont obtenu 7,16 % des suffrages et 18 députés.

Nouveau gouvernement d’opportunistes

Le nouveau gouvernement polonais sera presque formé par la Plateforme civique (157 députés), la Troisième Voie (une coalition du Parti populaire polonais, traditionnellement agraire), Pologne 2050, un parti sans idéologie fondé par Szymon Hołownia, ancien catholique libéral. journaliste et animateur d’émissions de télé-crochets (il a rassemblé 65 députés), et la Nouvelle Gauche (26 députés), alliance de fonctionnaires vieillissants de l’ancien régime communiste et de jeunes hipsters.

La Plateforme Civique est un caméléon idéologique dont les positions changent radicalement en fonction des tendances sociales. C’est le cas de son leader, Donald Tusk : dans les années 1980, le jeune Tusk s’est inspiré de penseurs économiques néolibéraux comme Friedrich Hayek et Milton Friedman, mais lorsque son parti était au pouvoir, il a augmenté la TVA jusqu’à l’un des taux les plus élevés d’Europe. De même, en tant que jeune homme politique libéral du début des années 1990, Tusk était connu pour son anticléricalisme farouche. Pourtant, pendant la campagne présidentielle de 2005, dans un pays encore très catholique, Tusk a médiatisé son mariage religieux avec la femme avec laquelle il était en union civile depuis un quart de siècle.

L’avortement, un enjeu évident

En octobre 2020, des manifestations en faveur de la légalisation de l’avortement ont été organisées à grande échelle par les amis de Tusk, largement financées par des capitaux étrangers, et ont pris d’assaut les rues polonaises. Dans certains cas, les manifestants ont vandalisé des églises et perturbé des messes catholiques.

Lors des élections de cette année, Tusk a déclaré que les candidats qui ne soutiennent pas l’avortement sur demande au cours du premier trimestre de la grossesse n’étaient pas autorisés à se présenter sur la liste de la Plateforme civique.

Pour mémoire, les médias occidentaux citent souvent de manière sélective des sondages douteux provenant de sources telles que le site Web de gauche Oko.press, au parti pris évident, qui prétend que presque tous les Polonais soutiennent l’avortement sur demande. Pourtant, d’autres enquêtes ignorées dans la presse anglophone, comme un récent sondage du quotidien Dziennik Gazeta Prawna et de la radio RMF FM , indiquent que les Polonais souhaitent majoritairement le retour au statu quo d’avant octobre 2020 ; seulement 30 % pensent que l’avortement devrait être légal sur demande.

Mondialisme et propagande LGBT

Compte tenu du vide créé par le quasi-effondrement de la gauche postcommuniste polonaise, qui a perdu le pouvoir en 2005 dans un contexte de chômage de 20 % et d’embarrassants scandales de corruption certains membres du parti au pouvoir étaient liés à la mafia), il était inévitable que la Plateforme civique finirait par adopter le programme social progressiste, d’autant plus qu’il est très lucratif et généreusement financé par les grandes entreprises, les gouvernements occidentaux et les organismes supranationaux comme l’UE et l’ONU. En plus d’adopter un programme anti-vie, les dirigeants de la Plateforme civique sont de plus en plus visibles lors des défilés des fiertés LGBT.

Une nouvelle coalition déjà bientôt divisée ?

Désormais, la Plateforme Civique formera le prochain gouvernement polonais. Il y a cependant plusieurs raisons permettant de penser que leurs tentatives de révolution échoueront.

Premièrement, le plus grand partenaire potentiel de coalition de la Plateforme civique sera la Troisième Voie, qui a obtenu plus du double des voix de la Nouvelle Gauche. Même si l’idéologie de la branche Pologne 2050 de la Troisième Voie est floue, son partenaire, le Parti populaire polonais, est traditionnellement le parti des électeurs ruraux. Quarante pour cent des Polonais vivent à la campagne, et la Pologne rurale est beaucoup plus catholique et conservatrice que les grandes métropoles comme Varsovie ou Gdansk. Sur la question de l’avortement, la Troisième Voie postule un retour à la loi de 1993, qui interdit l’avortement sur demande.

Parmi les élus de Troisième Voie, beaucoup ont des liens avec l’Église. Parmi eux, Ireneusz Raś, élu de Cracovie. Expulsé de la Plateforme civique pour son opposition à l’avortement, Raś est un fervent catholique ; son frère est un prêtre qui était autrefois secrétaire du cardinal Stanisław Dziwisz, archevêque émérite de Cracovie. (Raś a cependant été expulsé des Chevaliers de Colomb pour avoir omis de voter pour interdire l’avortement en toutes circonstances lorsque la Plateforme civique était au pouvoir).

Deuxièmement, pour les deux années à venir, le président polonais sera toujours Andrzej Duda, issu du parti Droit et Justice et fervent catholique pro-vie. Alors que dans la plupart des pays européens, le chef de l’État n’occupe qu’une fonction protocolaire, le système politique polonais est basé sur le modèle français et le président dispose donc d’un droit de veto. Pour passer outre le veto du président, une majorité qualifiée parlementaire de 276 voix est nécessaire ; il manque donc plus de 30 voix à la nouvelle coalition gouvernementale pour imposer ses vues.

De même, pour introduire l’avortement sur demande, le gouvernement devrait amender la Constitution polonaise ; pour cela, il faut les deux tiers des députés, soit 307. Impossible, donc.

L’un des aspects les plus controversés de la gouvernance de Droit et Justice était sa réforme judiciaire. Les trois partis qui composeront la nouvelle coalition avaint accusé Droit et Justice d’avoir nommé illégalement plusieurs juges à la Cour constitutionnelle. Il est donc possible que le nouveau gouvernement tente d’en remplacer certains.

Mais l’arrêt d’octobre 2020 n’est pas le seul à déclarer l’avortement sur demande inconstitutionnel. Lorsque la gauche postcommuniste a dirigé la Pologne pour la première fois entre 1993 et ​​1997, elle a tenté à deux reprises de légaliser l’avortement sans aucune restriction. Sa première tentative s’est heurtée au veto du président de l’époque, Lech Walesa. Après que Wałęsa ait été remplacé par le post-communiste Aleksander Kwaśniewski et que le gouvernement de gauche ait tenté une fois de plus de légaliser l’avortement, un groupe de députés et de sénateurs conservateurs ont demandé à la Cour constitutionnelle de réviser la nouvelle loi. Elle l’a déclaré inconstitutionnelle. Il convient de noter que le professeur Andrzej Zoll, alors président du tribunal, a vivement critiqué les réformes judiciaires de Droit et Justice.

En 2015, la Cour constitutionnelle, alors dirigée par le professeur Andrzej Rzepliński, qui critiquait également durement la refonte judiciaire de Droit et Justice et qui soutenait presque explicitement la Plateforme civique, a néanmoins déclaré que les médecins ont le droit constitutionnel de s’abstenir de pratiquer des avortements si leur conscience s’y oppose.

De même, l’article 18 de la Constitution polonaise stipule : « Le mariage compris comme l’union d’un homme et d’une femme, la maternité et la parentalité sont protégés et défendus par la République de Pologne. » Ainsi, les éventuelles tentatives de la Plateforme civique visant à redéfinir le mariage seront probablement à nouveau contrecarrées par la Constitution.

Enfin, même si les médias polonais de gauche libérale sont euphoriques depuis deux jours, la majorité gouvernementale de la Plateforme civique est faible. Même s’il lui est plus facile de former une coalition gouvernementale que Droit et Justice, elle a techniquement perdu les élections face à ce dernier parti. Pendant ce temps, plus de 40 % des électeurs polonais ont voté soit pour Droit et Justice soit pour la Confédération, deux partis résolument pro-vie. En fait, le soutien à Droit et Justice n’est que de 2,2 % inférieur à celui de 2015, lorsque le parti a entamé sa majorité parlementaire pour deux mandats. Les tentatives de violation des droits de l’enfant à naître se heurteront à une opposition sociale majeure ; il est possible que d’éventuelles manifestations pro-vie éclipsent les manifestations pro-avortement de 2020.

Les récentes élections polonaises peuvent, à première vue, apparaître comme un revers pour le mouvement pro-vie et pro-famille. Mais les résultats des élections prouvent que les défenseurs de la tradition, de la vie et de la moralité restent une force majeure dans la société polonaise.

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