Le Mouvement Tradition Québec publie une très intéressante étude sur les origines de Planned Parenthood.
Aux origines de Planned Parenthood
Ces juives qui n’aimaient pas les fœtus
L’organisme de contrôle des naissances Planned Parenthood, au moment même où sont écrites ces lignes, est le principal responsable d’un des plus grands scandales de l’ère moderne.
Une industrie de mort qui fait disparaitre des millions de vies humaines sur terre chaque année. Des centaines d’avortoirs, ou plutôt abattoirs, où les bébés sont démembrés vivants et vendus aux pharmaceutiques… Un marché noir d’organes de fœtus…
Vous l’aurez deviné, les pionnières de la propagande encourageant la contraception et l’avortement en Occident et les fondatrices des premières cliniques (plus tard des succursales de Planned Parenthood) sont loin d’être catholiques. Le sujet peut être épineux, mais nous avons, encore une fois, la chance de pouvoir puiser directement aux sources.
La chroniqueuse Rebecca Davis, « spécialiste du mariage et de la sexualité chez les religions » du Département d’Histoire de l’Université de Yale, a publié une recherche très complète sur le site web de la Jewish Women’s Archives intitulée: American Birth Control Movement.
Le texte que nous avons traduit pour vous, de sources juives, explique comment un réseau de militantes juives féministes immigrées d’Europe ont organisé la propagande pro-contrôle des naissances et les premières cliniques d’avortement dans l’Amérique des années 1900 à 1945.
Bonne lecture.
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Le mouvement américain pro-contrôle des naissances
Des femmes juives issues d’un éventail de milieux sociaux et économiques ont trouvé une cause politique commune au sein du mouvement de contrôle des naissances en Amérique et ont profondément affecté ses succès au début du XXe siècle.
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Margaret Sanger |
Des femmes juives radicales et socialistes ont distribué de l’information sur le contrôle des naissances, au mépris des lois anti-obscénité. Les femmes de la classe moyenne ont établi, pour celles de la classe ouvrière, des cliniques et ont fait pression pour renverser les lois anti-obscénité fédérales et étatiques connues comme les lois Comstock, qui restreignaient la publication, la distribution, et même la discussion autour du matériel de propagande que le gouvernement jugeait obscène. Les femmes professionnelles se sont affiliées au mouvement en tant que gynécologues et travailleuses sociales; et les femmes pauvres ont cherché avec enthousiasme les services peu coûteux des cliniques de contrôle des naissances.
Cet article retrace l’activisme de base et l’organisation des femmes juives dans le mouvement de contrôle des naissances américain au cours de ses années de formation, de 1900 à 1945.
Les femmes juives en Europe et aux États-Unis se sont révélées être particulièrement engagées à réduire leurs taux de fécondité bien avant le début du mouvement américain de contrôle des naissances au début du XXe siècle. En utilisant les méthodes de contraception disponibles et en procédant à des avortements à des taux qui dépassaient de loin les autres groupes religieux ou ethniques, les juifs d’Europe centrale et de l’Ouest ont atteint une baisse rapide des taux de fécondité vers la fin du XIXe siècle et finirent bientôt par contrôler leur fertilité plus efficacement que les non-juifs. L’arrivée aux États-Unis des Juifs d’Europe de l’Est, dont les taux de fécondité allaient encore diminuer, a suscité un intérêt considérable parmi les réformateurs des soins de santé. Bien que les familles juives d’Europe orientale fussent généralement assez grandes à leur arrivée aux États-Unis et dans la première génération, les études des taux de fécondité selon l’appartenance ethnique ou religieuse dans les années 1930 ont démontré que les Juifs américains, y compris ceux de première ou de deuxième génération, recherchaient avidement les services du contrôle des naissances afin de limiter leur taux de fécondité relativement élevé.
L’engagement des femmes juives dans la cause de contrôle des naissances a eu des conséquences dramatiques: bien que les Juifs de New York aient eu le plus grand nombre d’enfants par mariage parmi tous les groupes d’immigrants en 1915, les taux de fécondité juifs étaient comparables à la moyenne nationale au début des années 1930.
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Emma Goldman |
Les femmes juives militantes furent parmi les premières aux États unis à mettre la nécessité du choix en matière de reproduction des femmes à l’attention du public. Des radicales comme Emma Goldman et Rose Pastor Stokes ont donné des conférences sur l’importance de la contraception et ont protesté contre les lois Comstock et contre les lois anti-obscénité en général. Née en Russie dans une famille juive traditionnelle, Emma Goldman est devenue l’une des chefs radicales les plus controversées de l’Amérique et l’une des premières défenderesses de la contraception. En 1900, quatorze ans avant la fondation de la première clinique de contrôle des naissances de Margaret Sanger, elle a commencé à inclure l’importance de la contraception parmi ses sujets de conférences. Affiliée à Margaret Sanger (1879-1966) via les cercles socialistes, Goldman a défendu la distribution que Sanger faisait de sa propagande de contrôle des naissances et a commencé une tournée nationale de conférences en 1914 sur l’importance de la contraception légale.
Goldman a estimé qu’il était particulièrement important pour elle de faire la leçon sur le contrôle des naissances dans ses « réunions yiddish », « parce que les femmes de l’ East Side sont celles qui ont le plus besoin de ces informations. »
Comme la plupart des militants radicaux contemporains, Goldman a soutenu une thèse eugéniste pro-contrôle des naissances: moins d’enfants, en meilleure santé créeraient une race humaine plus saine.
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Rose Pastor Stokes |
Avec Ben Reitman (1880-1942), son camarade et amant, elle a publié une brochure de quatre pages, « Pourquoi et comment les pauvres ne devraient pas avoir beaucoup d’enfants», qui comprenait des informations sur les préservatifs, diaphragmes, suppositoires et douches. Goldman a risqué d’être arrêtée à plusieurs reprises en vertu des lois anti-obscénité, et elle a finalement rompu son alliance avec Sanger qui ne soutenait pas les tactiques radicales de l’anarchiste.
Rose Pastor Stokes a commencé son implication pour la cause du contrôle des naissances en distribuant des tracts sur les avantages de la contraception lors d’une manifestation contre l’arrestation de Goldman. Stokes avait passé de la pauvreté, en tant qu’immigrante d’Europe de l’Est travaillant dans une usine de cigares de Cleveland, à journaliste new-yorkaise qui a fait la première page elle-même quand elle a épousé le millionnaire socialiste JG Phelps Stokes. En 1915, Pastor Stokes est devenu la secrétaire des finances de la National Birth Control League (NBCL), un organisme voué à la légalisation de la publication et distribution de propagande pro-contrôle des naissances en abrogeant les lois anti-obscénité. Pastor Stokes ne s’est pas limité à cette approche législative et bientôt elle a rejoint une variété d’organismes de contrôle des naissances.
Les femmes immigrantes juives et leurs enfants de la première génération se sont informés sur le contrôle des naissances via la presse juive. Plusieurs des brochures de Sanger sur le contrôle de naissance ont été traduites en yiddish et en polonais, mais elle n’a pas été la seule source d’informations sur le contrôle des naissances pour les juifs immigrés aux États-Unis. Ben-Zion Liber a écrit et publié le magazine Unser Gesund, «Notre santé » qui avait déjà quatre mille abonnés à sa première année de publication ; « Un mensuel juif pour éclaircir les questions de santé ». Il publiait, entre autres, des nouvelles du mouvement pro-contrôle des naissances et des batailles législatives et judiciaires de Sanger. Un numéro comprenait «La vérité sur la sexualité», une brochure illustrée. Son livre sur la sexualité, Dos geshlekhts lebn, a été édité 4 fois en 1914, 1918, 1919 et 1927.
La chronique hebdomadaire « la page des femmes » dans le Jewish Daily Forward, publiait un forum sur l’éducation et le débat autour du contrôle des naissances. Le Forward avait un tirage quotidien de deux cents milles en 1919, ce qui en faisait le premier journal en yiddish au monde et « la voix d’une culture yiddish gauchiste de la classe ouvrière dynamique. » La « chronique conseil » offrait des conseils aux mères et aux épouses qui, souvent, écrivaient à propos de leurs angoisses ou de leurs dilemmes liés au sexe et à la taille de leur famille. Les chroniqueurs insistaient sur le fait que la limitation de la taille d’une famille permettrait d’améliorer la «qualité de vie pour les mères» et aiderait à créer la famille socialiste idéale.
Les organismes de femmes juives de la classe moyenne offraient de nombreuses opportunités de militer pour la cause du contrôle des naissances et pour aider les femmes moins nanties à avoir accès aux contraceptifs, aux avortements et à divers types de médecine reproductive.
Le Brooklyn National Council of Jewish Women (NCJW) a lancé la création de cliniques de contrôle des naissances, habituellement appelées « bureaux de santé de la mère », pendant les années 1920 et 1930. Les soins axés sur la famille ont toujours été au cœur des efforts de la NCJW. Soulignant le rôle de la femme dans sa maison et avec sa famille, le Conseil a apporté ses objectifs et les valeurs institutionnelles au mouvement de contrôle des naissances.
En 1932, le Brooklyn NCJW a annoncé l’ouverture d’un centre de santé maternelle. Pendant les années 1930, le Brooklyn National Council of Jewish Women a fourni des fonds et des bénévoles pour le centre, qui s’est progressivement élargi pour inclure trois cliniques. À l’automne de 1946, la Clinique de santé des mères de Brooklyn liait ses services avec Planned Parenthood du comté de Kings et en 1947, la clinique traitait trois mille cinq cents cas. En 1955, la Section de Brooklyn a donné la pleine responsabilité de la clinique à un comité de Planned Parenthood nouvellement formé à Brooklyn.
La section new-yorkaise de la NCJW a ouvert un Bureau de la santé de la mère à sa Maison du Conseil dans le Bronx en 1930 ou 1931. Au cours de ses premières années de fonctionnement, le NCJW a lutté pour fournir le personnel et l’équipement, puisque les médecins, infirmières et bénévoles avaient à gérer un déluge de clients. Affiliée à l’American Birth Control League de Sanger, la clinique du Bronx traitait environ cinq cents patients en 1935.
Les organisations de femmes juives du Midwest ont également fondé des cliniques. La section de Detroit de la NCJW ouvrait sa Clinique de santé de la mère en 1926 ou 1927; la première clinique de contrôle des naissances entre New York et Chicago. La Chicago Women’s Aid (CWA) débutait en 1882 en tant que Young Ladies Aid Society pour aider les immigrants russes et était composé essentiellement de juives tout au long de son existence. La CWA a ouvert une clinique de contrôle des naissances en 1923 et maintenait des liens avec Planned Parenthood de 1928 à 1947.
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Gertrude Weil |
Ce ne sont pas toutes les femmes juives qui ont participé au mouvement pro-contrôle des naissances via les agences juives comme la NCJW. Actives dans une variété de mouvements juifs, féministes, interraciaux et sionistes, Gertrude Weil de Goldsboro, en Caroline du Nord, a rejoint le mouvement pro-contrôle des naissances en tant que lobbyiste. Elle a fait des pressions au Congrès au moyen de campagnes législatives pour supprimer les sanctions pénales liées à l’importation de dispositifs de contrôle des naissances et de matériel de propagande pro-contrôle des naissances par le Service postal des États-Unis. Elle a soutenu Planned Parenthood financièrement tout au long de sa vie.
Comme beaucoup de ses pairs, l’intérêt de Weil dans le contrôle des naissances inclut un biais eugénique. Durant la Grande Dépression, de nombreux membres de la classe moyenne ont observé l’augmentation de la population parmi les immigrants pauvres avec appréhension. « Des médecins informés sur le contrôle des naissances, écrivait-elle à Margaret Sanger en 1932, apprécieraient l’importance de contrôler la reproduction des familles inaptes.» Entre 1935 et 1942, Weil a siégé au conseil d’administration de la Maternal Health League de la Caroline du Nord, qui cherchait à « faire quelque chose » à propos du taux de natalité et du taux de mortalité maternelle et infantile parmi les familles démunies. Pour les femmes de la classe moyenne qui ont soutenu le mouvement de contrôle des naissances, la contraception était un moyen d’apaiser leurs inquiétudes sociales tout en promouvant leurs propres intérêts en tant que femmes.
Enfin, l’activisme des femmes juives dans le mouvement pro-contrôle des naissances américain comprenait aussi une étroite association avec Margaret Sanger et d’autres organisations. Deux des premiers assistants de Sanger, Anna Lifschiz (1900 -?) et Fania Mindell (1891-1969), étaient des immigrantes juives d’Europe de l’Est. Lifschiz a travaillé comme secrétaire de Sanger entre 1916 et le début des années 1920. Mindell, une immigrante russe qui a été formée aux États-Unis en tant que travailleuse sociale, a aidé Sanger à mettre en place la clinique Brownsville à Brooklyn, à administrer la clinique au cours de sa première semaine d’exploitation et à faire de la lecture de propagande pro-contrôle des naissances en yiddish à leurs nombreux clients juifs . Lorsque les policiers ont fermé la clinique pour cause d’obscénité une semaine plus tard, Mindell a été arrêtée, un juge a réduit sa condamnation en appel, la condamnant seulement à une amende de cinquante dollars.
Des femmes juives ont servi à titre d’administratrices et de personnel au Birth Control Clinical Research Bureau (BCCRB), appelé plus tard Margaret Sanger Bureau, qui ouvrait ses portes à New York en 1923. Un vide juridique a permis aux médecins de prescrire le contrôle des naissances si cela semblait «médicalement nécessaire », ou si l’état physiologique de la patiente rendait la grossesse dangereuse. Dre Hannah Meyer Stone, la fille d’un immigrant juif d’Europe orientale, est devenue directrice de la BCCRB en 1927. Stone a modifié la liste des indications médicales de la clinique pour y inclure « le désir de l’espacement des naissances » et « les facteurs psychologiques ». Plus de cinq mille femmes ont reçu un traitement à la clinique en 1929, incluant les visites de suivi pour des examens et du matériel contraceptif, « ce qui équivaut à la clientèle de toutes les autres cliniques de contrôle des naissances combinées. » Stone gardait la clinique ouverte cinq jours par semaine, avec des sessions de soirée pour les femmes qui travaillaient et des séances éducatives spéciales qui expliquaient à des centaines de médecins comment installer des diaphragmes. Douze médecins travaillaient à temps partiel pour elle, en plus des infirmières, du personnel, des administrateurs, des bénévoles et des travailleurs sociaux sur le terrain, dont elle avait besoin pour tenir des registres détaillés et pour faire le suivi des patientes. Lena Levine, une fille d’immigrants en provenance de Vilna, en Lituanie, a dirigé la clinique depuis plusieurs années, a aidé Sanger dans la fondation de Planned Parenthood en 1948, et est devenue la secrétaire médicale d’International Planned Parenthood. Levine a également participé à l’écriture de livres donnant des conseils sexuels et médicaux. Des femmes médecins juives ont dirigé des cliniques de contrôle des naissances dans tout le pays, Rachelle Slobodinsky Yarros (de 1869 à 1946), MD, à Chicago; Bessie Moïse, M.D., à Baltimore; Sarah Marcus (1894-1985), M.D., à Cleveland; et Nadina Rinstein Kavinoky (1888-?), MD, à Los Angeles. Pour toutes ces femmes, travailler dans une clinique de contrôle des naissances a apporté la reconnaissance professionnelle et la responsabilité dans le monde de la médecine dominé par les hommes et les hôpitaux politiques universitaires.
Source: http://jwa.org/encyclopedia/article/american-birth-control-movement
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