Bernard-Henri Lévy, il faut s’en rappeler, signait en novembre 1985, avec ses amis Pierre Bergé et Georges-Marc Benamou, un manifeste de présentation du premier numéro du magazine Globe, manifeste qui stipulait :

“Bien sûr, nous sommes résolument cosmopolites. Bien sûr, tout ce qui est terroir, béret, bourrées, binious, bref, “franchouillard” ou cocardier, nous est étranger, voire odieux.”

Les propos, ces jours-ci, de Bernard-Henri Lévy au sujet des Gilets Jaunes sont du même registre. Une fois de plus, il trouve la France profonde odieuse.

Médias Presse Info avait déjà publié la succession de tweets du fumeux Bernard-Henri Lévy à propos des Gilets Jaunes.

Le site web du magazine Le Point publie aujourd’hui la retranscription intégrale de l’allocution prononcée par Bernard-Henri Lévy en clôture de la Convention nationale du Crif, dimanche 18 novembre. Extraits :

Je vais vous parler de ce qui s’est passé, hier, en France. Je vais vous parler des Gilets jaunesparce qu’il s’agit bien, dans cette affaire, comme dans le titre de votre Convention, de l’idée que l’on se fait de la République.

Trois remarques préliminaires. La première, c’est qu’il s’est, là, incontestablement passé quelque chose. Les commentateurs ont beaucoup dit qu’un mouvement auto-organisé, sans revendication claire, agrégeant des mécontentements contradictoires, accouche forcément d’un non-événement. Eh bien, je ne le crois pas. (…)

On peut le tenir pour un événement détestable. Il peut charrier – je vais y venir – des relents politiques et idéologiques qui vous déplaisent profondément. Mais c’est un événement. (…)

Pour le dire vite, il y a des colères magnifiques, généreuses, qui grandissent les hommes et les peuples – et il y a des colères noires, nocives, qui tendent à les abaisser et sont de nature à nourrir ce qu’il y a de pire dans leur mémoire. (…) Il y a la colère qui élève et il y a la colère qui abaisse. Il y a la colère qui fait que l’on se veut et se sent plus solidaire, plus fraternel, ouvert aux autres – et il y a celle qui vous enferme en vous-même. Il y a la colère qui, hier contre les agioteurs spéculant sur le froment, aujourd’hui contre les spéculateurs qui manipulent les prix du pétrole, défendent le bien public et, non contente de défendre le droit, invente de nouveaux droits – et il y a la colère (…) qui n’a que faire de la République.

Alors où va, de ce point de vue, la colère des Gilets jaunes ? Je n’en sais rien. Mais quand je les vois casser, bloquer, s’introduire dans une préfecture et songer à la saccager, quand je vois certains d’entre eux insulter celles et ceux dont la tête ne leur revient pas et incendier des voitures comme on le faisait dans les émeutes de novembre 2005, quand je les entends enfin, quand je les entends vraiment, quand j’entends la tonalité nihiliste de certaines de leurs revendications, j’ai les doutes les plus sérieux. (…)

D’abord, cela va de soi, parce qu’il arrive au peuple de s’égarer et qu’il convient, dans ce cas, de le sanctionner comme on le ferait pour n’importe quel autre souverain. (…)

La pensée juive (…) a le plus grand respect pour le peuple pour autant qu’il n’abuse pas, lui aussi, de sa souveraineté(…)

Eh bien si, comme on est censé le faire dans cette enceinte, on essaie de réfléchir, et de le faire avec mesure et sérieux, on est bien obligé de se dire que le groupe en fusion n’est pas un argument ; que le peuple n’a pas, et ne peut pas avoir, tous les prestiges et tous les pouvoirs ; et que les institutions sont faites, en République, en démocratie et, plus encore, dans les Républiques bien démocratisées, pour limiter les pouvoirs, tous les pouvoirs, de tous les souverains – y compris, donc, le peuple ou cette fraction du peuple qui prétend couvrir la voix des autres fractions, bloquer le pays et pousser le président à la démission.

(…) Ces slogans de « Macron démission » que l’on a entendus un peu partout. Et ces quelques centaines de Gilets jaunes qui se sont regroupés place de la Concorde et ont tenté d’arriver jusqu’à l’Élysée. J’ai entendu les commentateurs dire : « c’est incroyable… c’est sans précédent… on n’a jamais vu, de mémoire de Républicain, la foule arriver si près des grilles de l’Élysée… ». Eh bien, c’est inexact. Il y a un précédent au contraire. (…) Ce slogan « à l’Élysée ! » que nous avons entendu toute la fin de l’après-midi de samedi et qu’ont relayé en boucle les chaînes d’information, c’est, en 1879, celui des séditieux qui poussaient le général Boulanger à renverser la République.

C’est celui, dix ans plus tard, des « patriotes », ou des « insurgés », qui encourageaient Paul Déroulède, autre peu recommandable personnage, à franchir le Rubicon, à abroger, lui aussi, la République – et eux furent sur le point d’y parvenir.

Mais le vrai précédent, c’est le 6 février 1934 et ce cortège de Ligards, dont tout le monde sait qu’ils ont tenté d’investir l’Assemblée nationale, mais dont on a bizarrement oublié que, n’y parvenant pas, et rebroussant chemin, ils se sont dirigés vers l’Élysée et se sont proposés de l’investir avec des slogans qui n’étaient pas très différents de ceux des Gilets jaunes d’aujourd’hui.

J’ai retrouvé un texte tout à fait extraordinaire. C’est, mieux qu’un texte, un reportage paru dans un journal français, pro-Croix de Feu, et pro-mussolinien, qui s’appelait Vu et qui relate, minute par minute, ces quelques heures où l’on a prétendu aller chercher le président jusque sous les ors de son bureau. Et il est signé, ce reportage, d’un écrivain qui vient tout juste d’accomplir sa mue vers le fascisme et qui s’appelle Pierre Drieu la Rochelle. Je n’ai pas le temps, et c’est dommage, de vous le lire. Mais il nous mène, ce reportage, place de la Concorde où quelques milliers d’hommes « se noient dans les espaces abstraits de la plus belle géométrie du monde ». Il raconte « les cortèges », puis les « barricades », qui se forment au niveau du rond-point des Champs-Élysées, puis de la rue Royale, et où se mélangent « bourgeois et jeunes employés », insoumis « de droite et de gauche » et, donc, « des communistes ». Il montre comment tout ce monde défie les « rangées de cars » postées à la hauteur de l’hôtel de Crillon et « la police tassée et inquiète » qui, en un premier temps, semble dépassée par l’événement. Puis, « le flot » des hommes qui s’engouffrent dans la rue Royale en « se tenant par le bras » et en répétant « nous n’avons pas d’ordres et pas de chefs » ! Puis les mêmes qui, passant de la crainte à l’audace et, chantant La Marseillaise (« bien, d’ailleurs – note Drieu…), tournent dans la rue du Faubourg-Saint-Honoré où les observe, depuis les trottoirs, « une frange épaisse de curieux et de timides ». La police « ne bougeant toujours pas », on marche jusqu’au coin de la rue Boissy-d’Anglas, puis jusqu’à la rue de l’Élysée où stationnent, tout de même, « un peloton à cheval et trois ou quatre lignes de gendarmes mobiles ». Du « quinzième rang » où il se trouve, Drieu a le sentiment de « vivre » alors ce « moment peu croyable », et qui l’exalte au plus haut point, où quelqu’un crie « à l’Élysée ! » et où la foule des insurgés reprend le slogan à pleins poumons. Et le reportage s’achève avec la charge des forces de l’ordre (…) si je vous cite ce reportage, si je souligne l’hallucinante similitude, à la fois politique et topographique, entre ces deux scènes qui se situent à presque un siècle d’écart et qu’on croirait survenues le même jour, c’est parce que les murs n’ont peut-être pas d’oreilles, mais que les pavés ont de la mémoire – non moins que les mots, les slogans et les formules, de notre langue.

Quand on crie « à l’Élysée ! » ou « Macron démission ! », quand (« bon enfant » ou pas…) on prétend forcer les grilles du « Palais » où est censé se situer le lieu de tous les pouvoirs, je crois qu’on joue avec le feu – celui de la mémoire et celui de la langue. La France en est là.

Ce mouvement des Gilets jaunes (…) pourrait aussi contribuer au repli de la France sur elle-même, au renoncement à sa propre grandeur et à un endormissement des intelligences qui, le plus souvent, enfante des monstres.

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