Nous redonnons ce texte que nous avons publié le 6 juin 2016 :

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Certains de nos amis peuvent trouver la ligne éditoriale de MPI un peu dure. Certains nous accusent même parfois de nous en prendre à telle ou telle personne. Afin d’éclairer nos lecteurs sur les principes qui régissent notre ligne éditorale, nous rappelons ici que MPI n’est ni plus ni moins un site catholique, au service du bien commun, avec pour arme celle de la Vérité et de l’honnêteté. Cela ne veut pas dire que tout est parfait, mais nous faisons de notre mieux avec pour seul objectif de faire le plus de bien possible. Si certaines opinions politiques, économiques et sociales divergentes peuvent légitimement exister, il est par contre nécessaire de lutter contre les erreurs religieuses et les forfaitures intellectuelles qui pullulent dans notre société.

Il suffit de constater les destructions et les divisions qu’elles engendrent pour se rendre compte de leur gravité. Et c’est une œuvre de salut public de lutter de toutes nos forces contre ces destructions mais également contre leurs auteurs, et ce, quels qu’ils puissent être.

Le gauchissement de la pensée catholique fait croire parfois que le chrétien devrait être une sorte de personnage mièvre, qui tout en rappelant la doctrine de façon gentille, se devrait de rester tout doucereux avec ces libéraux destructeurs sous prétexte d’une charité mal comprise. Ces chrétiens-là, lessivés par trois siècles de libéralisme et de reculade, ont oublié la façon dont luttèrent les saints qui conquirent au Christ les continents, et ont adopté une vision erronée de la charité. Que personne ne compte sur MPI pour adopter une telle attitude, et avons bien l’intention de maintenir notre liberté de dénoncer dès que nous l’estimons nécessaire les libéraux et leur forfaiture, quel que soit leur rang ou leur statut, qu’ils soient clercs ou laïcs.

Nous proposons donc aux lecteurs de MPI un extrait de l’excellent livre Le Libéralisme est un péché dont Mgr Lefebvre a pu dire que sa lecture « est nécessaire pour tous ceux qui veulent se désintoxiquer des erreurs du Libéralisme« . Les libéraux ayant cherché à faire condamner ce livre, le Secrétaire de la Sacrée-Congrégation de l’Index de l’époque répondit que « non seulement elle n’a rien trouvé qui soit contraire à la saine doctrine, mais son auteur D. Félix Sarda mérite d’être loué, parce qu’il expose et défend la saine doctrine sur le sujet dont il s’agit, par des arguments solides, développés avec ordre et clarté, sans nulle attaque à qui que ce soit.« 

De la charité dans ce qu’on appelle les formes de la polémique, et si les libéraux ont raison en ce point contre les apologistes chrétiens.
Ce n’est pas là toutefois le terrain sur lequel le libéralisme tient avant tout à livrer bataille, il sait trop bien que dans la discussion des principes, il aurait à subir une irrémédiable défaite. Il préfère accuser sans cesse les catholiques de mettre peu de charité dans les formes de leur propagande. C’est même là-dessus, comme nous l’avons dit, que certains catholiques, bons au fond, mais entachés de libéralisme, essaient ordinairement de prendre pied contre nous.

Voyons ce qu’il y a à dire sur ce chef. Catholiques, nous avons raison en ce point comme en tous les autres, tandis que les libéraux n’en ont pas seulement l’ombre. Arrêtons-nous pour nous en convaincre aux considérations suivantes.

1°- Le catholique peut traiter ouvertement son adversaire de libéral, s’il l’est en effet, personne ne mettra cela en doute. Si un auteur, un journaliste, un député fait montre de libéralisme et ne cache pas ses préférences libérales, comment peut-on lui faire injure en l’appelant libéral ? Si palam res est, repetitio injuria non est : « dire ce que tout le monde sait n’est pas une injure. » A plus forte raison, dire du prochain ce qu’il en dit lui-même à chaque instant, ne peut justement l’offenser. Combien de libéraux cependant, surtout dans le groupe des paisibles et des modérés, regardent comme injurieuses les expressions de libéral et d’ami des libéraux que leur adresse un adversaire catholique.

2°- Étant donné que le libéralisme est une chose mauvaise, appeler mauvais les défenseurs publics et conscients du libéralisme, n’est pas un manque de charité.

C’est en substance, appliquer au cas présent la loi de justice en usage dans tous les siècles. Nous, catholiques d’aujourd’hui, nous n’innovons rien à cet égard. Nous nous en tenons à la pratique constante de l’antiquité. Les propagateurs et les fauteurs d’hérésies ont de tout temps été appelés hérétiques comme leurs auteurs. Et comme l’hérésie a toujours été considérée dans l’Église comme un mal des plus graves, l’Église a toujours appelé mauvais et méchants ses fauteurs et ses propagateurs. Parcourez la collection des auteurs ecclésiastiques, vous y verrez comment les apôtres ont traité les premiers hérésiarques, comment les saints Pères, les controversistes modernes et l’Église elle-même dans son langage officiel, les ont imités. Il n’y a donc aucune faute contre la charité à nommer le mal mal, méchants les auteurs, fauteurs et disciples du mal, iniquité, scélératesse, perversité, l’ensemble de leurs actes, paroles et écrits. Le loup a toujours été appelé loup tout court, et jamais en l’appelant ainsi on n’a cru faire tort au troupeau et à son maître.

3° – Si la propagande du bien et la nécessité d’attaquer le mal exigent l’emploi de termes un peu durs contre les erreurs et ses coryphées reconnus, cet emploi n’a rien de contraire à la charité. C’est là un corollaire ou une conséquence du principe ci-dessus démontré. Il faut rendre le mal détestable et odieux. Or, on n’obtient pas ce résultat sans montrer les dangers du mal, sans dire combien il est pervers, haïssable et méprisable. L’art oratoire chrétien de tous les siècles autorise l’emploi des figures de rhétorique les plus violentes contre l’impiété. Dans les écrits des grands athlètes du christianisme, l’usage de l’ironie, de l’imprécation, de l’exécration, des épithètes écrasantes est continuel. Ici l’unique loi doit être l’opportunité et la vérité.

Il existe encore une autre justification de cet usage.

La propagande et l’apologétique populaires (elles sont toujours populaires quand elles sont religieuses) ne peuvent garder les formes élégantes et tempérées de l’académie et de l’école. Pour convaincre le peuple il faut parler à son cœur et à son imagination qui ne peuvent être touchés que par un langage coloré, brûlant, passionné. Être passionné n’est pas répréhensible quand on l’est par la sainte ardeur de la vérité.

Les prétendues violences du journalisme ultramontain moderne le cèdent non seulement de beaucoup à celles du journalisme libéral, mais elles sont encore justifiées par chaque page des oeuvres de nos grands polémistes catholiques des meilleures époques, ce qui est facile à vérifier.

Saint Jean-Baptiste commença par appeler les Pharisiens : « race de vipères ». Jésus-Christ Notre-Seigneur leur lance les épithètes « d’hypocrites, de sépulcres blanchis, de génération perverse et adultère » sans croire pour cela souiller la sainteté de sa très bénigne prédication. Saint Paul disait des schismatiques de Crête qu’ils étaient des « menteurs, de mauvaises bêtes, des ventrus fainéants» [3]. Le même apôtre appelle Elymas le magicien « séducteur, homme rempli de fraude et de fourberie, fils du diable, ennemi de toute vérité et de toute justice ».

Si nous ouvrons la collection des œuvres des Pères, nous rencontrons partout des traits de cette nature. Ils les employèrent sans hésiter, à chaque pas, dans leur éternelle polémique avec les hérétiques. Bornons-nous à citer quelques-uns des principaux. Saint Jérôme discutant avec l’hérétique Vigilance lui jette à la face son ancienne profession de cabaretier. « Dès ta première enfance, lui dit-il, tu appris autre chose que la théologie et tu te livras à d’autres études. Vérifier à la fois la valeur des monnaies et celle des textes de l’Écriture, déguster les vins et posséder le sens des prophètes et des apôtres ne sont certainement pas des choses dont le même homme puisse se tirer à son honneur ». Il est facile de se rendre compte de la prédilection du saint controversiste pour cette manière de discréditer son adversaire. Dans une autre occasion, s’attaquant au même Vigilance qui niait l’excellence de la virginité et du jeûne, il lui demande avec son enjouement ordinaire s’il parle ainsi : « Pour ne point porter atteinte au débit de son cabaret ». Grand Dieu ! quels cris aurait jetés un critique libéral, si un de nos controversistes avait écrit de la sorte contre un hérétique du jour !

Que dirons-nous de saint Jean Chrysostome ? Sa fameuse invective contre Eutrope n’est comparable, au point de vue du caractère personnel et agressif, qu’aux plus cruelles invectives de Cicéron contre Catilina ou contre Verrès. Le doux saint Bernard n’était certainement pas de miel lorsqu’il s’agissait des ennemis de la foi. S’adressant à Arnaud de Brescia, le grand agitateur libéral de son temps, il le nomme en toutes lettres « séducteur, vase d’injures, scorpion, loup cruel ».

Le pacifique saint Thomas d’Aquin oublie le calme de ses froids syllogismes pour lancer contre son adversaire Guilhaume de Saint-Amour et ses disciples les violentes apostrophes qui suivent. «Ennemis de Dieu, ministres du diable, membres de l’Antéchrist, ignorants, pervers, réprouvés ». Jamais l’illustre Louis Veuillot n’en a tant dit ! Le séraphique saint Bonaventure si plein de douceur se sert contre Gérald des épithètes « d’impudent, de calomniateur, d’esprit de malice, d’impie, d’impudique, d’ignorant, d’imposteur, de malfaiteur, de perfide et d’insensé ». Dans les temps modernes nous voyons apparaître la ravissante figure de saint François de Sales que sa délicatesse exquise et son admirable mansuétude ont fait appeler la vivante image du Sauveur. Croyez-vous qu’il eut des égards pour les hérétiques de son époque et de son pays ? Allons donc ! il leur pardonna leurs injures, il les combla de bienfaits, alla jusqu’à sauver la vie de ceux qui avaient attenté à la sienne, jusqu’à dire à un de ses adversaires : « Si vous m’arrachiez un œil, je ne laisserais pas avec l’autre de vous regarder comme un frère » ; mais avec les ennemis de la foi, il ne gardait aucun tempérament, aucune considération. Interrogé par un catholique désireux de savoir s’il était permis de mal parler d’un hérétique qui répandait de mauvaises doctrines, il répondit : « Oui, vous le pouvez à la condition de vous en tenir à l’exacte vérité, à ce que vous savez de sa mauvaise conduite, présentant ce qui est douteux comme douteux et selon le degré plus ou moins grand du doute que vous aurez à cet égard ».

Dans son Introduction à la vie dévote, livre si précieux et si populaire, il s’exprime plus clairement encore : « Les ennemis déclarés de Dieu et de l’Église, dit-il à Philotée, doivent être blâmés et censurés avec toute la force possible. La charité oblige à crier au loup, quand un loup s’est glissé au milieu du troupeau et même en quelque lieu qu’on le rencontre ».

Sera-t-il donc nécessaire que nous fassions un cours pratique de rhétorique et de critique littéraire à l’usage de nos ennemis ? En somme, nous venons de dire tout ce qu’il y a de vrai dans la question tant rabattue des formes agressives usitées par les écrivains ultramontains, c’est-à-dire en langue vulgaire par les véritables catholiques. La charité nous défend de faire à autrui ce que raisonnablement nous ne voudrions pas qu’on nous fît à nous-mêmes. Remarquez bien l’adverbe raisonnablement, il renferme toute l’essence de la question.

La différence essentielle qui existe entre notre manière de voir et celle des libéraux à ce sujet, consiste en ce qu’ils considèrent les apôtres de l’erreur comme de simples citoyens libres, usant de leur plein droit lorsqu’ils opinent en matière de religion autrement que nous. Par suite ils se croient tenus de respecter l’opinion de chacun et de n’y contredire que dans les termes d’une discussion libre. Nous autres, au contraire, nous voyons en eux les ennemis déclarés de la foi que nous sommes obligés de défendre. Nous ne voyons pas dans leurs erreurs des opinions libres, mais de hérésies formelles et coupables, ainsi que nous l’enseigne la loi de Dieu. C’est donc avec raison qu’un grand historien catholique a dit aux ennemis du catholicisme : « Vous vous rendez infâmes par vos actes et j’achèverai de vous couvrir d’infamie par mes écrits ». En cette même façon la loi des Douze Tables ordonnait aux viriles générations des premiers temps de Rome : Adversus hostem æterna auctoritas esto, ce qui peut se traduire ainsi « A l’ennemi, point de quartier ».

Convient-il en combattant l’erreur de combattre et de discréditer la personne qui la soutient ?
Passe encore la guerre contre les doctrines abstraites, diront quelques-uns. Mais convient-il de combattre l’erreur, si évidente qu’elle soit, en s’abattant et s’acharnant sur la personne de ceux qui la soutiennent ? »

Voici notre réponse. Oui, très souvent il convient et non seulement il convient, mais encore il est indispensable et méritoire devant Dieu et devant la société, qu’il en soit ainsi. Cette affirmation ressort de ce qui a été précédemment exposé, néanmoins nous voulons la traiter ici ex professo tant est grande son importance.

L’accusation de commettre des personnalités n’est point ménagée aux apologistes catholiques, et, lorsque les libéraux entachés de libéralisme ont jeté cette accusation à la tête d’un des nôtres, il leur semble qu’il ne reste plus rien à apurer pour sa condamnation. Ils se trompent cependant, oui, en vérité, ils se trompent. Il faut combattre et discréditer les idées malsaines, et de plus il faut en inspirer la haine, le mépris et l’horreur à la multitude qu’elles cherchent à séduire et à embaucher.

De même que les idées ne se soutiennent en aucun cas par elles-mêmes, elles ne se répandent ni ne se propagent de leur seul fait ; elles ne pourraient, réduites à elles seules, produire tout le mal dont souffre la société. Elles sont semblables aux flèches et aux balles qui ne causeraient de blessure à personne, si on ne les lançait avec l’arc ou le fusil.

C’est donc à l’archer et au fusilier que doit s’en prendre d’abord celui qui veut mettre fin à leur tir meurtrier. Toute autre façon de guerroyer sera libérale, tant qu’on voudra, mais elle n’aura pas le sens commun.

Les auteurs et les propagateurs de doctrines hérétiques sont des soldats aux armes chargées de projectiles empoisonnés. Leurs armes sont le livre, le journal, le discours public, l’influence personnelle. Suffit-il de se porter à droite ou à gauche pour éviter les coups ? Non, la première chose à faire, la plus efficace, c’est de démonter le tireur.

Ainsi donc il convient d’enlever toute autorité et tout crédit au livre, au journal et au discours de l’ennemi, mais il convient aussi, en certains cas, d’en faire autant pour sa personne, oui, pour sa personne qui est incontestablement l’élément principal du combat, comme l’artilleur est l’élément principal de l’artillerie et non la bombe, la poudre et le canon. Il est donc licite en certains cas de révéler au public ses infamies, de ridiculiser ses habitudes, de traîner son nom dans la boue. Oui, lecteur, cela est permis, permis en prose, en vers, en caricature, sur un ton sérieux ou badin, par tous les moyens et procédés que l’avenir pourra inventer. Il importe seulement de ne pas mettre le mensonge au service de la justice. Cela non, sous aucun prétexte il ne peut être porté atteinte à la vérité, même d’un iota. Mais sans sortir de ses strictes limites on peut se souvenir de cette parole de Crétineau-Joly et la mettre à profit : La vérité est la seule charité permise à l’histoire, on pourrait même ajouter : et à la défense religieuse et sociale.

Les Pères que nous avons déjà cités fournissent la preuve de cette thèse. Les titres mêmes de leurs ouvrages disent hautement que dans leurs luttes avec les hérésies, leurs premiers coups furent dirigés contre les hérésiarques. Les œuvres de saint Augustin portent presque toutes en tête le nom de l’auteur de l’hérésie qu’elles combattent : Contra Fortunatum Manichœum ; Adversus Adamanctum ; Contra Felicem ; Contra Secundinum ; Quis fuerit Petilianus ; De gestis Pelagii ; Quis fuerit Julianus, etc. De telle sorte que la majeure partie de la polémique du grand Docteur fut personnelle, agressive, biographique, pour ainsi dire, autant que doctrinale, luttant corps à corps avec l’hérétique non moins qu’avec l’hérésie. Ce que nous disons de saint Augustin, nous pourrions le dire de tous les saints Pères.

D’où le libéralisme a-t-il donc tiré l’obligation nouvelle de ne combattre l’erreur qu’en faisant abstraction des personnes et en leur prodiguant des sourires et des flatteries ? Qu’ils s’en tiennent là-dessus à la tradition chrétienne et qu’ils nous laissent, nous les ultramontains, défendre la foi comme elle a toujours été défendue dans l’Église de Dieu.

Que l’épée du polémiste catholique blesse, qu’elle blesse, qu’elle aille droit au cœur ! C’est là l’unique manière réelle et efficace de combattre.

Credidimus Caritati.

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