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Assange : « Je suis libre parce que j’ai plaidé coupable d’avoir fait du journalisme »

L'audition d'Assange devant la commission des affaires juridiques et des droits de l'homme de l'assemblée parlementaire du Conseil de l'Europe, 1er octobre 2024
L’audition d’Assange devant la commission des affaires juridiques et des droits de l’homme de l’assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe, 1er octobre 2024

« Je ne suis pas libre aujourd’hui parce que le système fonctionne. Je suis libre aujourd’hui après des années de prison parce que j’ai plaidé coupable d’avoir fait du journalisme. » C’est ce qu’a déclaré le fondateur de WikiLeaks, Julian Assange, s’exprimant pour la première fois depuis sa libération en juin devant une commission du Conseil de l’Europe à Strasbourg chargée d’étudier les conditions de détention.

« J’ai choisi la liberté plutôt que l’impossibilité d’obtenir justice »

« J’ai choisi la liberté plutôt que l’impossibilité d’obtenir justice. Je veux être totalement clair. Je ne suis pas libre aujourd’hui parce que le système a fonctionné. Je suis libre aujourd’hui car après des années de prison, j’ai plaidé coupable d’avoir fait du journalisme. J’ai plaidé coupable d’avoir recherché des informations auprès d’une source. J’ai plaidé coupable d’avoir obtenu des informations d’une source. J’ai plaidé coupable d’avoir informé le public de cette information. Je n’ai plaidé coupable pour rien d’autre. J’espère que mon témoignage d’aujourd’hui pourra être utile pour mettre en évidence les faiblesses des protections existantes et aider ceux dont les cas sont moins visibles, mais qui sont tout aussi vulnérables ».

C’est ce qu’a déclaré Assange, qui a passé les 14 dernières années en tant que réfugié à l’ambassade d’Équateur à Londres puis à la prison de haute sécurité de Belmarsh, près de la capitale britannique.

Le fondateur de WikiLeaks, Julian Assange, s’exprime pour la première fois en public depuis qu’il a été libéré fin juin dernier. Son témoignage devant la commission des affaires juridiques et des droits de l’homme de l’assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe commence à partir de ce moment : lorsque le père de Wikileaks a dû se déclarer « coupable de conspiration en vue d’obtenir et de diffuser des informations sur la défense nationale ». Seule manière pour Assange, 52 ans, de mettre fin à son calvaire judiciaire. Un accord de plaidoyer qui met fin à sa détention mais représente aussi un point de non-retour :

« Je vois plus d’impunité, plus de secret, plus de représailles pour avoir dit la vérité et plus d’autocensure. Il est difficile de ne pas tracer une ligne entre le fait que le gouvernement américain franchit le Rubicon en criminalisant le journalisme au niveau international et le climat froid actuel pour la liberté d’expression. »

L’audition d’Assange devant la commission des affaires juridiques et des droits de l’homme de l’assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe

L’audition d’Assange est liée au rapport préparé par la socialiste islandaise Thorhildur Sunna Aevarsdottir, précisément sur sa détention et sa condamnation. Mais surtout sur l’effet dissuasif et d’autocensure qu’exerce l’affaire Assange sur tous les journalistes, éditeurs et autres sujets qui couvrent des questions essentielles tant politiques que sociétales et internationales. Dans ce récent projet de résolution que l’assemblée discutera et votera demain 2 octobre, basé sur le rapport de Mme Aevarsdotti, la commission s’est déclarée profondément préoccupée par le traitement sévère infligé à M. Assange, a mis en garde contre son « effet paralysant » et a appelé les États-Unis, État observateur du Conseil de l’Europe, à enquêter sur les crimes de guerre et les violations des droits de l’homme présumés révélés par lui et Wikileaks.

« La liberté d’expression et tout ce qui en découle se trouvent à un carrefour sombre. Je crains qu’à moins que les institutions normatives telles que le Conseil de l’Europe ne prennent conscience de la gravité de la situation, il ne soit trop tard », a prévenu Assange qui ajoute :

« Si l’Europe veut avoir un avenir dans lequel la liberté d’expression et la liberté de publier la vérité ne sont pas des privilèges réservés à quelques-uns mais des droits garantis à tous, alors elle doit agir de telle manière que ce qui s’est passé dans mon cas n’arrivera à personne d’autre. »

La liberté d’expression et tout ce qui en découle se trouvent à un carrefour sombre

Julian Assange, lors de son témoignage d’aujourd’hui, a demandé que chacun agisse selon ses moyens et possibilités « pour garantir que la lumière de la liberté ne faiblisse jamais, que la recherche de la vérité perdure et que les voix du plus grand nombre ne soient pas réduites au silence par les intérêts de quelques-uns ».

« La justice m’est désormais interdite car le gouvernement américain a insisté par écrit dans son accord de plaidoyer sur le fait que je ne pouvais pas déposer une plainte auprès de la Cour européenne des droits de l’homme ou même une demande en vertu de la Freedom of Information Act pour ce qui m’a été fait fait suite à la demande d’extradition », souligne Assange. « Les Européens doivent obéir à la loi américaine sur l’espionnage » souligne l’ancien prisonnier politique.

Son cas, explique le fondateur de WikiLeaks, a ouvert la porte à la possibilité que n’importe quel grand État puisse poursuivre des journalistes en Europe. « Si les choses ne changent pas, rien n’empêchera que ce qui m’est arrivé se reproduise », prévient Assange.

« L’essentiel est simple : les journalistes ne doivent pas être poursuivis pour avoir fait leur travail. Le journalisme ne constitue pas un crime. C’est un pilier d’une société libre et informée. »

« Ma naïveté était de croire à la loi. En fin de compte, les lois ne sont que des bouts de papier et peuvent être réinterprétées à des fins politiques »

« Tous les journalistes doivent militer pour la vérité », poursuit Assange en répondant aux questions des parlementaires du Conseil de l’Europe. « Parfois, on se demande si une personne est journaliste ou activiste. Pour moi, la clé est de toujours être précis », souligne le fondateur de Wikileaks, soulignant l’importance de « faire front ensemble face aux menaces qui pèsent sur la liberté de la presse ».

« Ma naïveté était de croire à la loi. En fin de compte, les lois ne sont que des bouts de papier et peuvent être réinterprétées à des fins politiques », déclare encore Assange en réponse à une autre question. Les lois « sont les règles établies plus largement par la classe dirigeante et si ces règles ne correspondent pas à ce qu’elle veut faire, elle les réinterprète ou les modifie. Dans le cas des États-Unis, poursuit-il, nous avons provoqué la colère d’un des pouvoirs constituants : la communauté du renseignement » qui est « suffisamment puissante pour pousser à une réinterprétation de la Constitution ».

« Je pense que c’est une leçon importante, ajoute-t-il, lorsqu’une faction de pouvoir important veut réinterpréter la loi, elle peut pousser une partie de l’État, en l’occurrence le ministère américain de la Justice, à le faire. Ne se souciant pas trop de ce qui est légal. »

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Francesca de Villasmundo

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