Pour qui a un beau-fils anglais, et néanmoins charmant, le « crunch » annuel devient un moment délicat. Des petits-enfants, plus charmants encore, bi-nationaux et sous influence, risqueraient de choisir le XV de la Rose à cette occasion.
Voilà qui demande un grand effort sur soi-même, surtout si l’on perd, pour se rappeler qu’il ne s’agit que d’un jeu.
Les deux équipes ont eu, en effet, leur période de suprématie mais, depuis quelque temps, le plateau anglais est redevenu plus lourd sur la balance, et il faut avoir vécu les années 60 jusqu’aux dernières années du siècle passé, pour se souvenir des heures les plus glorieuses des « petits » comme disait Roger Couderc, un-temps-que-les-moins-de-20-ans ne peuvent donc pas connaître, sans parler du temps des Bonis, du rugby de papa, de grand-papa, des daddies et des doodads, Cela, même si depuis, pour être honnête, la France connût encore dans le tournoi quelques belles périodes.
Mais il y a plus grave : autrefois chacune des deux équipes avait un style différent, symbole de sa nation, l’un s’opposant à l’autre jusqu’à la caricature. L’Angleterre était une puissante machine bien organisée, ne lâchant jamais rien, et passée maîtresse dans l’art de faire, mine de rien, « péter les plombs » des froggies au sang chaud et ainsi de faire pleuvoir sur eux les sanctions des arbitres qui les avaient à l’oeil. Peut-être était-ce une leçon de fair-play ? En revanche, elle était sans génie ni surprise : « swing low swing chariot ». La France, au contraire, plus anarchique, se caractérisait par le « french flair » imprévisible et agrémenté de panache : « ce soir on vous met le feu ! ». Elle surprenait souvent pour le meilleur ou pour le pire, l’un venant de préférence quand on attendait l’autre. Hélas ! actuellement ce serait presque l’inverse, mais dans un contraste aggravé en défaveur des Bleus. L’Angleterre présente une jeune équipe joueuse et inspirée mais un peu inconstante, quand la France, certes vaillante et pas plus indisciplinée que les autres, bafouille un rugby laborieux et maladroit.
Que s’est-il passé ? les français dit-on, se seraient mal adaptés à la professionnalisation. D’autres pourraient objecter que, ces dernières années, nos clubs ont brillé en Coupe d’Europe, mais l’actuel double-vainqueur « français » est celui qui a embauché le plus grand nombre de vedettes étrangères, dont des anglais, et non des moindres.
Notre championnat réputé le plus difficile laisse, par sa longueur, peu de place à l’équipe nationale pour s’aguerrir. Il est aussi celui qui paye le mieux les joueurs importés, multipliés par « l’arrêt Bosman » fatalement appliqué au rugby, et qui donc occupent des places que ne peuvent prendre les jeunes gens de formation locale dont certains disent d’ailleurs qu’ils sont mal formés. Il est permis d’espérer qu’à défaut d’un style proprement français, au contact de ces étoiles, ils apprennent à briller, mais le feu d’artifice tarde à venir.
Je rappelle que Charles Maurras affirmait qu’« en politique le désespoir est une sottise absolue » et qu’il savait de quoi il parlait. En rugby également, l’histoire l’a prouvé. Par conséquent nos petits Bleus sont peut-être encore capables d’une divine surprise, qui ne s’est pas produite depuis trop longtemps, sur les terres de nos adversaires préférés.
Ainsi n’est-il pas strictement impossible qu’en dépit de tout ce qui précède, la nécessité, en famille, de faire contre mauvaise fortune bon coeur et de se montrer difficilement « fair play », change de camp.
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