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Anarchie française et nuit blanche à Lyon

Notre ami Louis de Condé nous fait parvenir le récit de sa récente mésaventure lyonnaise.

Partis en Sicile pour une semaine, ma femme et moi, nous débarquons du vol Palerme-Lyon aéroport Saint-Exupéry à 18 h 55, le mardi 19 juin. Nous entrons dans la gare de Lyon La Part-Dieu pour monter dans le train de 20 h 48 à destination de Clermont-Ferrand avec arrêt à Vichy, train qui était annoncé la veille par informations SNCF sur internet. Rien sur le tableau d’affichage des départs. Pourtant ce n’est pas un jour de grève. Nous demandons explication à l’accueil : « Il y a des décrochages… ». Un seul train à 6 h 41, le lendemain mercredi 20, qui n’est pourtant pas un jour de grève !
Nous entrons dans l’hôtel Ibis que nous connaissons, puisque par la faute des grévistes nous avons dû y passer une nuit à l’aller : complet (Nous n’avions pas réservé). Nous apprenons successivement que tous les hôtels de Lyon affichent complet (en raison de plusieurs manifestations). Nous tentons de téléphoner au plus grand d’entre eux, le Campanile : occupé. Nous y allons en traînant nos 2 valises : complet. Nous dînons.
Nous nous asseyons sur un banc dans le jardin public adjacent, mais la lumière trop faible nous empêche de lire nos livres. Un jeune ivrogne, pas méchant, sentimental et espagnol, vient nous serrer la main et veut m’embrasser ; je le repousse. Nous quittons le jardin et rentrons dans la gare.
Nous trouvons une salle dite « zen » (!) où des fauteuils sont fixés au sol ; quelques-uns sont libres. La pièce est occupée par une dizaine de clients, souchiens ou non, des 2 sexes, plus ou moins ensommeillés.
À 23 h 55, un grand noir nous ordonne de sortir ; je lui demande un logement pour la nuit ; il nous envoie à l’accueil : 2 femmes sont là pour nous accueillir … et nous écouter ; je les agace en traitant Martinez de criminel…  « Le train a été supprimé par mesure de sécurité, car la maintenance ne pouvait être faite« . Cette notion de sécurité est très relative, car notre propre sécurité, (et notre santé !) à nous vieillards de 79 et 77 ans, n’est pas exactement assurée cette nuit dans les rues de la ville. L’une téléphone aux hôtels : tous complets, ce que nous savions. Elle nous conseille de demander à l’hôtel Ibis la possibilité de s’asseoir dans les fauteuils de leur salon… Un groupe de 4 personnes dont une femme âgée et handicapée dans un fauteuil roulant est dans la même situation que nous : ils ont appelé le Samu, les pompiers, la police… mais personne ne s’est déplacé.
À 24 h 05, toute la gare est fermée.
Nous retournons dans le jardin, encore ouvert. Faute de lumière, nous y restons peu de temps. Nous choisissons finalement de s’asseoir sur 2 sièges peu confortables, mais bien éclairés, à l’arrêt du tram qui passe devant la gare. Le groupe des 4 s’asseoit un peu plus loin dans les mêmes conditions. La température est clémente. À un autre arrêt, un groupe de noirs avec radio déversant rythmes afro-américains s’installe et nous tient compagnie. À 2 h du matin, le portier du Campanile, ému par notre situation, traverse toute la place pour nous proposer de nous reposer à l’intérieur de l’hôtel. Le groupe des 4 accepte tandis que nous refusons poliment, ayant perdu l’envie de bouger.
À 5 h, la gare rouvre : nous croisons alors quelques naufragés de la nuit ; à 5 h30, ouvre le « Monop’daily »… nous y buvons un café au lait. À 6 h 38, nous montons dans le train de 6h 41 qui nous dépose à Vichy à 9 h, avec seulement 10 minutes de retard. Un contrôleur est présent dans ce train… mais, prudent, n’a rien contrôlé. Déjà à l’aller le lundi 11 juin – jour sans grève pourtant – , nous avons dû voyager de Vichy à Lyon dans un car à une heure tardive et non dans un train : le chauffeur n’a demandé aucun ticket.
De toutes façons, parce que nous ne sommes ni des pigeons, ni des moutons, parce que les grévistes nous procurent de grosses dépenses non prévues, nous n’achetons, systématiquement, aucun billet de train ; cependant nous avons chacun de nous dans nos sacs un grand document à exhiber en cas de contrôle : JE SUIS EN GRÈVE, avec la ferme intention de refuser de décliner notre identité.

À noter :

1) le chef de gare a brillé par son absence la veille au soir. Il aurait pu donner l’ordre de laisser la gare ouverte toute la nuit.
2) « Droit au Logement » qui manifeste tant d’affection pour les envahisseurs, ne s’est pas manifesté non plus : les mâles blancs (ainsi que leurs femelles) ne les intéressent pas.
3) Quand j’ai participé à la « marche des harkis », j’ai pu constater que dans les villes et villages traversés, les maires sérieux ont prévu et fait aménager des locaux à utiliser en cas d’urgence pour des voyageurs de passage en difficulté. Le maire de Lyon, maintenant ministre de l’intérieur, et son successeur… n’y ont pas pensé… Seraient-ils incompétents ?

 
Louis de Condé

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