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Accord Chine-Vatican – Pour le cardinal Zen « le pape ne comprend pas la Chine »

Dans une tribune publiée par le New York Times le 24 octobre dernier, le cardinal Zen, évêque émérite de Hong-Kong, revient sur le récent accord Chine-Vatican auquel il s’est courageusement opposé. Un témoignage poignant sur « la destruction de la véritable Église en Chine » par les mains de celui qui se devait de la défendre, le pape en personne. Une invitation adressée aux évêques et catholiques fidèles à « retourner aux Catacombes » pour sauver leur Foi.

La parole est au cardinal Joseph Zen :

« HONG KONG – Le mois dernier, le Vatican a annoncé la conclusion d’un accord provisoire avec le gouvernement chinois sur la nomination d’évêques catholiques. Les partisans de cet accord disent qu’il apporte enfin l’unité après une longue division – entre une Église clandestine fidèle au pape et une Église officielle approuvée par les autorités chinoises – et qu’enfin, avec cela, le gouvernement chinois a reconnu pour la première fois le pape. En réalité, cet accord constitue une étape majeure dans la destruction de la véritable Église en Chine.

Je connais l’Église en Chine, je connais les communistes et le Saint-Siège. Je suis un Chinois de Shanghai. J’ai vécu de nombreuses années sur le continent et de nombreuses années à Hong Kong. J’ai enseigné dans des séminaires à travers la Chine – à Shanghai, Xian, Pékin, Wuhan, Shenyang – entre 1989 et 1996.

Le pape François, un Argentin, ne semble pas comprendre les communistes. Très pastoral, il vient d’Amérique du Sud, où historiquement des gouvernements militaires et des riches étaient ensemble pour opprimer les pauvres. Et qui était là pour défendre les pauvres ? Les communistes. Peut-être même quelques jésuites, et le gouvernement appelait ces jésuites des communistes.

François peut avoir une sympathie naturelle pour les communistes parce que pour lui ce sont les persécutés. Il ne les connaît pas comme les persécuteurs qu’ils deviennent une fois au pouvoir, comme les communistes en Chine.

Le Saint-Siège et Beijing ont rompu leurs relations dans les années 1950. Des catholiques et d’autres croyants étaient arrêtés et envoyés dans des camps de travail. Je suis retourné en Chine en 1974 pendant la révolution culturelle ; la situation était terrible, au-delà de l’imagination. Toute une nation en esclavage. Nous oublions ces choses trop facilement. Nous oublions également que vous ne pouvez jamais avoir un accord vraiment bon avec un régime totalitaire.

La Chine s’est ouverte, certes, depuis les années 1980, mais même aujourd’hui, tout est encore sous le contrôle du Parti communiste chinois. L’Église officielle en Chine est contrôlée par la soi-disant association patriotique et la conférence des évêques, toutes deux sous la coupe du parti.

De 1985 à 2002, le cardinal Jozef Tomko a été préfet de la Congrégation pour l’Évangélisation des Peuples, qui supervise le travail missionnaire de l’Église. C’était un Slovaque qui comprenait le communisme et il était sage.

La position du cardinal Tomko était que l’Église souterraine était la seule Église légale en Chine et que l’Église officielle était illégale. Mais il avait aussi compris qu’il y avait beaucoup de bonnes personnes dans l’Église officielle. Comme l’évêque de Xian, qui a été pendant un certain temps vice-président de la conférence des évêques. Ou encore l’évêque de Shanghai, Jin Luxian, jésuite et linguiste brillant, interné dans les années 1950.

À l’époque, le Saint-Siège avait une politique prudente qu’il appliquait généreusement. Elle pouvait faire l’objet d’un compromis raisonnable, mais il y avait une ligne de fond.

Les choses ont changé en 2002, lorsque le cardinal Tomko a atteint l’âge de la retraite. Un jeune Italien sans expérience étrangère le remplaça et commença à légitimer trop rapidement et trop facilement les évêques officiels chinois, donnant ainsi l’impression que désormais le Vatican appuierait automatiquement la sélection de Pékin.

L’espoir revint quand Joseph Ratzinger, un Allemand qui avait vécu à la fois sous le nazisme et le communisme, devint le pape Benoît XVI. Il a posté le cardinal Ivan Dias, un Indien qui avait séjourné en Afrique de l’Ouest et en Corée du Sud, à la tête de la Congrégation de l’Évangélisation, et cela a internationalisé le Vatican. Une commission spéciale pour l’Église en Chine a également été créée. J’y ai été nommé.

Malheureusement, le cardinal Dias croyait en l’Ostpolitik et aux enseignements d’un secrétaire d’État des années 80 qui avait été un partisan de la détente avec les gouvernements sous contrôle soviétique. Et il a appliqué la politique à la Chine.

Lorsque Benoît XVI a envoyé sa célèbre lettre à l’Église de Chine en 2007, appelant à la réconciliation de tous les catholiques de la région, il s’est produit un événement incroyable. La traduction en chinois a été publiée avec des erreurs, dont une trop importante pour ne pas avoir été délibérée. Dans un passage délicat sur la façon dont les prêtres clandestins pourraient accepter la reconnaissance par les autorités chinoises sans nécessairement trahir leur foi, une mise en garde cruciale a été omise sur le fait que ‘’presque toujours‘’, cependant, les autorités chinoises imposaient des exigences ‘’contraires aux diktats‘’ de la conscience des catholiques.

Certains d’entre nous ont soulevé le problème et le texte a finalement été corrigé sur le site Web du Vatican. Mais à ce moment-là, le faux original avait largement circulé en Chine et certains évêques avaient compris que la lettre historique de Benoît XVI était un encouragement à rejoindre l’Église d’État sanctionnée.

Aujourd’hui, nous avons le pape François. Naturellement optimiste à propos du communisme, il est encouragé à être optimiste à propos des communistes en Chine par des cyniques autour de lui qui savent mieux.

La commission pour l’Église en Chine ne se réunit plus, même si elle n’a pas été dissoute. Ceux d’entre nous qui viennent de la périphérie, des lignes de front, sont marginalisés.

J’étais de ceux qui ont applaudi la décision de François de nommer Pietro Parolin secrétaire d’État en 2013. Mais je pense maintenant que le cardinal Parolin se soucie moins de l’Église que du succès diplomatique. Son but ultime est la restauration des relations formelles entre le Vatican et Pékin.

François veut aller en Chine – tous les papes ont voulu aller en Chine, à commencer par Jean-Paul II. Mais qu’a apporté à l’Église la visite de François à Cuba en 2015 ? Au peuple cubain ? Presque rien. Et a-t-il converti les frères Castro ?

Les fidèles en Chine souffrent et subissent maintenant une pression croissante. Au début de cette année, le gouvernement a resserré la réglementation sur la pratique de la religion. Les prêtres dans les souterrains sur le continent me disent qu’ils découragent les paroissiens de venir à la messe pour éviter d’être arrêtés.

François lui-même a déclaré que même si le récent accord – dont les termes n’ont pas été révélés – prévoit ‘’un dialogue sur les candidats éventuels‘’, c’est le pape qui ‘’désigne‘’ les évêques. Mais à quoi bon avoir le dernier mot quand la Chine aura tous les mots avant lui ? En théorie, le pape pourrait opposer son veto à la nomination de tout évêque qui semble indigne. Mais combien de fois peut-il faire cela, vraiment ?

Peu de temps après l’annonce de l’accord, deux évêques chinois de l’Église officielle ont été envoyés à la Cité du Vatican pour le Synode, une réunion régulière d’évêques du monde entier. Qui les a choisis ? On sait que les deux hommes sont proches du gouvernement chinois. Comme je l’ai dit, leur présence à la réunion était une insulte aux bons évêques de Chine.

Leur présence soulève également la douloureuse question de savoir si le Vatican légitimera maintenant les sept évêques officiels qui restent illégitimes. Le pape a déjà levé leur excommunication, ouvrant la voie à l’attribution officielle de diocèses.

L’Église officielle compte environ 70 évêques. L’Église souterraine en a seulement 30. Les autorités chinoises disent : vous reconnaissez nos sept et nous reconnaîtrons vos 30. Cela semble être un bon compromis. Mais les 30 pourront-ils encore fonctionner comme évêques souterrains ? Sûrement pas.

Ils seront forcés de se joindre à la soi-disant conférence épiscopale. Ils seront forcés de rejoindre les autres dans cette cage à oiseaux et deviendront une minorité parmi eux. L’accord conclu avec le Vatican, au nom de l’unification de l’Église en Chine, signifie l’anéantissement de la véritable Église en Chine.

Si j’étais un dessinateur, je dessinerais le Saint-Père à genoux offrant les clés du Royaume des Cieux au président Xi Jinping et disant : ‘’S’il vous plaît, reconnaissez-moi en tant que pape.‘’

Et pourtant, aux évêques et prêtres souterrains de Chine, je ne peux que dire ceci : ‘’ne lancez pas de révolution, s’il vous plaît. Ils enlèvent vos églises ? Vous ne pouvez plus officier ? Rentrez chez vous et priez avec votre famille. Labourez la terre. Attendez des temps meilleurs. Retournez aux catacombes. Le communisme n’est pas éternel.‘’

Le cardinal Joseph Zen Ze-kiun, originaire de Shanghai, est évêque émérite de Hong Kong. » (Traduction de Francesca de Villasmundo)

Francesca de Villasmundo

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