Jean-Yves Le Naour, historien de la Première Guerre mondiale, est l’auteur de plusieurs livres à succès sur ce conflit dont nous commémorons le centenaire.

Et précisément, à l’occasion de ce centenaire de l’armistice de 1918, les éditions Perrin éditent en un seul volume monumental de 1600 pages sa série de cinq ouvrages (1914 La grande illusion, 1915 L’enlisement, 1916 L’enfer, 1917 La paix impossible et 1918 L’étrange victoire). Plutôt que de privilégier l’histoire diplomatique, militaire, politique, sociale ou culturelle, cette étude tente de les solliciter toutes pour restituer de manière aussi complète que possible ces cinq années du premier conflit mondial dans un esprit de synthèse et au plus près de la façon dont elle ont été vécues par leurs contemporains.

Les dirigeants de 1914 n’ont pas eu conscience qu’ils mettaient le doigt dans un engrenage qui allait les broyer. La tragédie le dispute à l’incompréhensible dans ce grand suicide de l’Europe. Dès novembre 1914, les fronts se verrouillent, à l’Ouest comme à l’Est. La guerre de tranchées est partie pour durer. Au milieu des fils de fer barbelés, des barrages d’artillerie et des tirs de mitrailleuses, on se lance perpétuellement à l’assaut des positions ennemies afin de prendre l’ascendant moral et d’entretenir, au prix de massacres réguliers, le mordant de la troupe dont on craint qu’elle ne se relâche lorsqu’elle reste trop longtemps en position défensive. Au 1er janvier 1916, la situation paraît encore aggravée. La Russie a été étrillée, la Serbie rayée de la carte des opérations, la diplomatie balkanique des Alliés anéantie par le ralliement de la Bulgarie aux puissances centrales et le fiasco des Dardanelles a dissipé le rêve de la stratégie périphérique chère aux Britanniques. L’armée d’Orient, débarquée en catastrophe à Salonique en octobre 1915, n’a même pas sauvé l’honneur, et le ralliement de l’Italie n’a rien débloqué du tout mais seulement contribué à étendre les tranchées et les barbelés aux sommets des Alpes. En 1916 comme en 1915, ce sont les Allemands qui vont dicter leur volonté aux Alliés. 1917 marque l’entrée en ligne de l’Amérique dont l’Allemagne a sous-estimé l’importance, ainsi que l’armistice avec la Russie bolchévique qui a renversé le Tsar et négocié une paix séparée. Vient enfin la fin de la guerre, en novembre 1918. Pour les Allemands qui, de mars à juillet, ont multiplié les coups de boutoir, bousculant à trois reprises les lignes des Alliés, et cru sincèrement dans la proximité de la victoire, la défaite a quelque chose d’irrationnel.

Gagner la guerre est une chose, gagner la paix en est une autre. La der des ders, les poilus y croyaient. Ils espéraient que leurs enfants n’aient plus jamais à connaître cette boucherie. Le monde avait changé. Les Etats-Unis s’étaient révélés, la révolution bolchévique enflammait le monde, l’Europe ruinée, ravagée par l’inflation, courait à son suicide, les haines étaient plus vives que jamais. L’année 1919, celle du règlement de la guerre et des traités de paix, s’annonçait lourde de menaces.

1914-1918 L’intégrale, Jean-Yves Le Naour, éditions Perrin, 1600 pages, 35 euros

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