L’homosexualité de Bruno Bilde et Sébastien Chenu, deux nouveaux députés FN, n’est pas un simple « détail » relevant de la vie privée mais s’étale dans les médias.
Ce lundi 19 juin, le journal Libération évoque l’homosexualité notoire de quatre nouveaux députés, dont deux élus FN.
« Dimanche, au terme du second tour des législatives, quatre députés ouvertement homos ont été élus pour siéger à l’Assemblée nationale. (…) Parmi ces parlementaires, le sénateur-maire socialiste d’Alfortville Luc Carvounas, premier parlementaire français marié à une personne du même sexe, le co-fondateur de GayLib passé au Front national Sébastien Chénu dans la 19e du Nord et l’adjoint au maire FN d’Hénin-Beaumont Bruno Bilde, dans la 12e du Pas-de-Calais, font leur entrée dans l’hémicycle. Le député-maire LR de Coulommiers Franck Riester, élu avec 68,89% des suffrages dans la 5e circonscription de Seine-et-Marne, est le seul sortant à obtenir sa réélection, le député écologiste Sergio Coronado ayant été battu par la candidate macroniste Paula Forteza dans la deuxième circonscription des Français de l’étranger. (…) Une représentation minime si l’on compare avec les 45 députés ouvertement LGBT élus à la Chambre des communes la semaine passée, soit 6,9% des députés britanniques. (…) Battu par le candidat de la France insoumise dans la troisième circonscription de Gironde, l’adjoint En marche d’Alain Juppé à la mairie de Bordeaux, Marik Fetouh, «complètement out», estime lui qu’être gay en politique a toujours un «coût électoral». (…) Autre interrogation : le Palais Bourbon sera-t-il pour autant plus gay-friendly ? Difficile à dire. Car si plusieurs députés sortants qui se sont violemment opposés au mariage pour tous ont été défaits (c’est le cas de du président du Parti chrétien-démocrate Jean-Frédéric Poisson, des élus Les Républicains Nicolas Dhuicq, Jacques Myard et David Douillet), si le mouvement né de la «Manif pour tous» et de Sens commun n’a pu obtenir aucun député, des députés entrants investis par La République en marche comme Vincent Bru (l’ancien suppléant de Michèle Alliot-Marie), élu dans les Pyrénées-Atlantiques, et Olivier Serva, élu en Guadeloupe, ne sont pas franchement des partisans de l’égalité des droits. «
L’homosexualité de Bruno Bilde est évoquée publiquement en 2013 dans un livre, Le Front national des villes & le Front national des champs, publié aux éditions Jacob-Duvernet, .
C’est d’ailleurs le début d’un feuilleton judiciaire. Le jeudi 12 décembre 2013, la justice prononce l’interdiction du livre d’Octave Nitkowski. Sur plainte de Steeve Briois et Bruno Bilde, la justice a ordonné la suppression de quatre passages qui porteraient atteinte à la vie privée de ces deux « compagnons », et évoquent les amitiés particulières des deux hauts cadres du néo-Front National, tous deux anciens du Mouvement National Républicain de Bruno Mégret, revenus dans le sillage de Marine Le Pen.
Une telle décision de justice est très rare, mais le maire d’Hénin-Beaumont Steeve Briois, secrétaire général du Front national, et Bruno Bilde, à l’époque conseiller régional du Nord-Pas-de-Calais (FN), avaient obtenu du tribunal de grande instance de Paris, saisi en référé, qu’il interdise la publication de cet ouvrage portant selon eux atteinte à leur vie privée.
L’éditeur, Luc Jacob-Duvernet, avait fait appel de l’interdiction de publication. Pour Léa Forestier, l’avocate de la maison d’édition, «les informations contenues dans l’ouvrage relèvent du débat public légitime» notamment au regard de la position du FN dans le débat sur le mariage pour tous. Dans un communiqué, la maison d’édition estimait que la décision du TGI allait trop loin: «S’il appartient au juge de statuer, la mesure de saisie du livre sollicitée est évidemment hors de proportion avec la violation de la vie privée alléguée. En effet, les Editions Jacob-Duvernet et Octave Nitkowski exprimaient leur surprise de se voir assignés dans la mesure où l’orientation sexuelle de deux personnalités du Front national a déjà été révélée sur plusieurs sites internet. En tout état de cause, dans la mesure où l’orientation sexuelle de ces deux personnalités parmi les plus influentes du Front National n’a pas été sans lien avec les prises de position du parti dans le cadre du débat sur le mariage pour tous, l’évocation de cet élément de la vie privé est en soi légitime.»
En juillet 2015, le Tribunal de Grande Instance (TGI) de Paris donnait raison à l’écrivain. L’évocation de l’homosexualité de Steeve Briois était considérée légitime par le TGI, car le livre porte « sur un sujet d’intérêt général » en ce « qu’il se rapporte à l’évolution d’un parti politique qui a montré des signes d’ouverture à l’égard des homosexuels à l’occasion de l’adoption de la loi relative au mariage des personnes de même sexe ». Contrairement à Steeve Briois, Bruno Bilde avait obtenu gain de cause pour atteinte à la vie privée. Les juges avaient donc exigé le retrait du passage concernant son orientation sexuelle. Une décision qui se justifiait à l’époque par la faible notoriété, médiatique entre autres, de l’intéressé.
Octave Nitkowski estimait que « révéler ces détails de la vie privée permettait d’éclairer la gêne de Marine Le Pen lors du débat sur le mariage pour tous » avait-il confié en 2013.
(A suivre)
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