Dans son dernier éditorial de la revue Fideliter, en Une de La Porte Latine, M. l’abbé Bouchacourt reprenait la fameuse phrase de Mgr Lefebvre prononcée lors de son sermon du 29 juin 1980 : « Rome doit nous prendre tels que nous sommes… ».

A MPI, nous aurions préféré entendre le supérieur du district de France dire « tels que nous avons toujours été ». En effet, son présent de l’indicatif, au vu des dernières sanctions prises contre les sept doyens, ressemble terriblement à « tels que nous sommes devenus »…

Mais sur ce sujet,  laissons la parole à un membre de la FSSPX qui signe là son troisième texte qui éclaire rétroactivement ce célèbre « tels que nous sommes ».

Christian LASSALE

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FSSPX : « Tels que nous sommes » ? (« Ou tels que nous sommes devenus » ?)

Vous avez peut-être entendu cette rumeur qui circule actuellement, et qui voudrait que Rome nous reconnaisse « tels que nous sommes ». C’est ce que Mgr Lefebvre avait tenté de demander, mais les faits ont montré que Rome ne l’entendait pas de la même manière… Une autre expression est équivalente à la première : c’est la « reconnaissance unilatérale ». Mais là encore, Rome ne s’y trompe pas. Lisez plutôt ce que j’ai trouvé dans la Lettre aux amis et bienfaiteurs nº 63 de janvier 2003 de Mgr Fellay. Je suis désolé, c’est toujours à propos de Campos, mais leur cas ressemble tellement au nôtre…

« On pourra dire tout ce que l’on voudra : le 18 janvier 2002 à Campos il n’y a pas eu seulement une reconnaissance unilatérale de Campos par Rome, comme certains prétendent, mais il y a une contrepartie : la complicité du silence. Et d’ailleurs comment pourrait-il en être autrement ? »

Pour expliquer cette dernière phrase, il nous faut revenir un peu en arrière dans ce même texte. À quatorze ans d’écart, la situation est décidément inchangée ! Jugez vous-même :

« Nous constatons dans les coulisses vaticanes une certaine remise en question des développements de ces dernières décennies, une volonté chez certains de corriger la dérive »,

ceci dit pour tous les Burke et Schneider d’hier et d’aujourd’hui,

« mais il reste évident que les principes qui gouvernent la Rome actuelle sont bien toujours ceux de l’actualisation du Concile telle que nous avons pu l’expérimenter durant les quarante dernières années. Dans les documents officiels et la ligne générale, nous ne voyons pas de remise en question de fond sur ces principes ; bien au contraire, on nous rabâche que le mouvement engagé par Vatican II serait irréversible, ce qui nous oblige à nous demander d’où provient le changement d’attitude à notre égard. La réponse se trouve tout d’abord, sans exclure d’autres explications, dans la vision pluraliste et œcuménique qui règne désormais dans le monde de la catholicité. Or cette vision finit par faire côtoyer tout le monde sans requérir désormais plus aucune conversion, comme l’a dit le Card. Kasper au sujet des orthodoxes et même des juifs. Il devient évident que dans une telle perspective, on trouvera aussi une petite place pour la Tradition, mais… une telle vision, nous ne pouvons pas l’accepter, pas plus que le maître d’école ne pourrait accepter de pluralisme en mathématique. »

Relisez le sermon du Puy en 2016, ou encore l’entretien à Terre de mission (29 janvier 2017), où Mgr Fellay explique l’attitude de Rome envers la Fraternité comme « un souci du Saint-Père pour les rejetés de tous bords. » Entendez les divorcés-remariés etc.

Mais continuons.

« Un jour viendra, nous en sommes absolument certains, où Rome reviendra à SA Tradition, où elle la remettra en honneur, et nous appelons de tout notre cœur ce jour béni. Mais pour l’heure, nous ne sommes pas encore si avancés, et toute illusion serait mortelle pour notre société. Nous pouvons le constater en examinant les développements de Campos… Campos, par son mentor Mgr Rifan, clame à tous vents que rien n’a été changé, que les prêtres de l’Administration apostolique sont restés aussi traditionnels qu’autrefois, et c’est d’ailleurs l’essentiel de ce qui leur a été accordé, et la raison de leur adhésion à la proposition romaine : la ratification de la position traditionnelle… »

Et un peu plus loin, cette phrase qui me fait tellement penser au nouveau site d’informations de la Fraternité :

« Cette attitude de duplicité implicite est devenue comme la norme dans la nouvelle situation dans laquelle ils se trouvent : on souligne les points du pontificat actuel qui  paraissent favorables, on passe sous un révérencieux silence ce qui ne va pas… »

Et c’est ici qu’apparaît la phrase citée en en-tête :

« On pourra dire tout ce que l’on voudra : le 18 janvier 2002 à Campos il n’y a pas eu seulement une reconnaissance unilatérale de Campos par Rome, comme certains prétendent, mais il y a une contrepartie : la complicité du silence. Et d’ailleurs comment pourrait-il en être autrement ? Il est évident que maintenant, Campos a quelque chose à perdre et qu’ils ont peur de perdre ce quelque chose, et que pour ne pas perdre cela, c’est le chemin d’une compromission qui a été choisi.  »Nous les Brésiliens, nous sommes des hommes de paix. Vous les Français, vous vous battez toujours. » Pour avoir la paix avec Rome, il faut cesser de se battre. On ne regarde plus la situation globale de l’église, on se contente de se satisfaire du geste romain à un tout petit groupe de 25 prêtres pour dire que la situation de nécessité n’existe plus dans l’Église, car avec  l’octroi d’un évêque traditionnel, une nouvelle situation de droit a été créée… À cause d’un arbre on a oublié la forêt… »

La suite s’applique elle aussi très bien à notre situation :

« À Campos même, tout ce qui est positivement traditionnel est conservé, certes, donc les fidèles ne voient pas de changement, sauf les plus sagaces, qui remarquent la tendance à parler davantage et respectueusement des déclarations et événements romains actuels en omettant les mises en garde d’autrefois et les déviations d’aujourd’hui ; le grand péril est alors de finir par s’accommoder de la situation et de ne plus essayer d’y remédier. Pour nous, avant de nous lancer, nous voulons la certitude de la volonté de Rome de soutenir la Tradition, les marques d’une conversion… Pour résumer, nous devons affirmer de Campos, malgré leur récrimination, que lentement, sous la conduite de leur nouvel évêque, ils se moulent dans l’esprit conciliaire. Rome n’en demande pas davantage pour l’instant. »

Mais vous exagérez, me dira-t-on… Notre situation n’en est pas à ce point ! Nous, nous sommes forts ! (et humbles ?)

Alors, lisez la suite :

« On objectera peut-être que nos arguments sont bien faibles, subtils et ne font pas le poids devant l’offre romaine de régulariser notre situation. Nous répondons que la considération abstraite, in abstracto, de la proposition d’Administration apostolique est aussi magnifique que le plan d’une très belle maison proposé par un architecte. La vraie question et le vrai problème ne se situent pas là mais dans le concret : sur quel terrain la maison sera-t-elle construite ? Sur les sables mouvants de Vatican II ou sur cette pierre de Tradition qui remonte au premier des Apôtres ? Pour assurer l’avenir, nous sommes obligés de demander à la Rome d’aujourd’hui la clarté sur son attachement à la Rome d’hier. Lorsque les autorités auront clairement réaffirmé dans les faits et seront revenues effectivement au « Nihil novi nisi quod traditum est », alors « nous » ne constituerons plus un problème. Et nous supplions Dieu de hâter ce jour où toute l’église refleurira, ayant redécouvert le secret de sa force passée, libérée de cette pensée dont Paul VI disait « qu’elle est de type non catholique. Il se peut qu’elle prévale. Elle ne sera jamais l’Église. Il faut qu’il reste un petit troupeau, aussi infime soit-il. » »

Dans cet état d’esprit, il est pour le moins téméraire de parler de « coup de tampon » (cf entretien du 29 janvier à Terre de mission), et il est en tout cas malhonnête de dire que « tout peut arriver » (entretien de l’abbé Nély à Présent). À moins qu’on ait changé… Auquel cas, Rome n’a pas à craindre de nous prendre aujourd’hui « tels que nous sommes »…

Un prêtre de la Fraternité Saint-Pie X

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