Qu’il soit d’abord clair pour tous que je ne me fais pas l’avocat du « Monde », pour lequel je n’ai jamais manifesté que dégoût, et voir aujourd’hui la bienpensance communautaire le traîner dans la boue, en le traitant de « torchon » et de « manipulateur », est en soi assez jubilatoire.
Le moins qu’on puisse dire est que blog de propagande Europe-Israël ne fait pas dans la dentelle en matière de procès d’intention:
L’immonde torchon de propagande qu’est devenu Le Monde, spécialiste dans la manipulation, titre aujourd’hui « Peut-on dire, comme Emmanuel Macron, que la colonisation est un « crime contre l’humanité » ? » en illustrant par une image de Macron dans un cimetière Juif afin de faire passer le message subliminal antisémite « colonisation » = « Juifs »… (sic!)
Il fallait l’oser !
Mais pas de contresens !
Pour Europe Israël, le scandale n’est pas dans les répugnants propos de Macron sur la colonisation en tant que telle, aussi scandaleux et ignobles soient-ils, mais de voir supposer associer par le Monde, dans le titre d’un article, les mots « juifs » et « colonisation » !
Faire un petit rappel historique auprès de ces éternels donneurs de leçon, effectivement à l’origine de la conquête coloniale de l’Algérie comme nous allons le voir, n’est donc pas inutile…
La question n’est pas sans objet et la réponse est bien oubliée, sinon volontairement occultée, de nos jours…
Qu’est ce qui a bien pu conduire à l’occupation de la côte algérienne, sous la gouvernance ottomane du Dey d’Alger, avec le débarquement de 37 000 hommes de troupe dans la baie de Sidi Feruch le 14 juin 1830, prélude à plus de cent trente ans de colonisation française?
Ce sont les opérations pour le moins contestables d’un commerçant et financier juif, Bacri, issu d’une famille de Livourne qui a ouvert une maison de commerce à Alger où il s’est associé avec un coreligionnaire dénommé Busnach.
L’un comme l’autre sont issus de ces familles primitivement installées en Espagne au temps de la domination arabe puis précipitées par la Reconquête dans les bras du Sultan de Constantinople qui les accueillera avec toute sa sollicitude!
Chassés d’Espagne en 1492 par les Rois Catholiques, pour collaboration avec l’envahisseur arabe (et non pas pour des motifs religieux comme la propagande officielle judaïque veut le laisser croire aujourd’hui) nombre d’entre eux traversent l’Italie et passent par Ferrare. Certains, comme les Mendès se réfugient majoritairement alors chez le tout nouveau maître du Divan (la prise de Constantinople n’a que quarante ans!) d’autres, tout en entretenant des relations privilégiées avec la Sublime Porte, se fixeront en Italie – comme les Bacri qui s’installèrent à Livourne et feront avec succès le siège de la noblesse de Toscane.
A la fin du XVIIIème siècle, Joseph Cohen Bacri et Natale Busnach sont les protagonistes de l’affaire qui nous intéresse et dont les conséquences vont influencer très directement la politique de la France en Algérie durant…deux cents ans!
L’une des causes premières de la Révolution Française fut la famine consécutive aux récoltes désastreuses des années 86 à 88…Dès 1789, le souci principal de la révolution naissante est de nourrir ses partisans: on recherche donc en priorité du blé, on pourrait même dire qu’on en cherchera « à tout prix »!
A Alger, on flaire la bonne affaire et à partir de 1791 le comptoir Bacri – Busnach va commercer avec la jeune république française et acheminer des milliers de tonnes de blé dans les ports méditerranéens français, mettant ainsi en application l’adage énoncé plus d’un siècle plus tard par Dreyfus, le fondateur du célèbre comptoir céréalier du même nom «Celui qui gagne de l’argent avec le blé, ce n’est pas celui qui le cultive, c’est celui qui le transporte!»
La France républicaine, qui n’avait pas eu de mots assez durs pour fustiger la gestion financière royale des créances d’état, va s’empresser de laisser traîner et d’oublier de régler la note céréalière…
On parlait au départ de deux millions de francs…qui vont curieusement se métamorphoser en sept millions au début du nouveau siècle…
Il est vrai que Napoléon, lors de la préparation de la campagne d’Égypte, avait ensuite confié au tandem Bacri / Busnach la fourniture de l’équipement vivrier de son armée (dont, dit-on, deux millions de bouteilles de vin!)…
Mais le futur empereur veut donner une bonne image de la gestion de l’état et doit – pour être crédible et garantir sa politique militaire – assurer le financement des fournitures de guerre : c’est sa crédibilité qui est en jeu, d’autant que le tandem Bacri / Busnach s’impatiente!
Et il n’est pas le seul à s’impatienter car le blé a été acheté en Algérie et le dey n’est toujours pas réglé des taxes qui lui incombent. Quant aux producteurs, visiblement tous été payés non plus!
C’est là qu’interviendra son protecteur français, Talleyrand, qui fera payer le 24 août 1802, par le trésor, exactement 3 175 631 francs pour solder la facture de 7 942 992 francs présentée alors par Bacri.
Mais l’histoire ne s’arrête pas là car Bacri a acheté beaucoup en France depuis dix ans, sur la foi de ses créances d’état…
L’essentiel de ce qu’il perçoit, grâce à Talleyrand, ne quitte donc pas l’hexagone et est y versé directement à ses créanciers. Il revendique toujours par ailleurs le reste de ses exigences qui ne lui ont pas été versées.
La formule de Bacri est restée célèbre : «Si le bossu n’était pas dans ma main, je ne compterais sur rien!»
(L’Histoire ne rapporte pas si Talleyrand fut content de cette épithète…et ne mentionne surtout pas le montant de la rétribution sonnante et trébuchante qu’il a dû toucher pour ce service !)
La tourmente de l’Empire n’entamera pas la détermination des Bacri qui veulent toujours récupérer plus sur cette opération décidément très juteuse (avec un calcul faisant intervenir des taux usuraires, on en arrivera même en 1926 à voir officiellement réclamer la somme astronomique de 14 millions!) et qui décident, pour faire pression, de pousser le dey à protester diplomatiquement ses créances fiscales toujours non réglées (car Bacri ne lui a évidemment rien reversé de ce qu’il a primitivement touché), pour faire pression sur le roi de France…
Nous sommes alors sous le règne de Charles X, le consul de France Pierre Deval, sollicité par le dey, s’essayera à régler le problème. Bacri, lui, est alors depuis longtemps retourné à Livourne…
Le 30 avril 1827, au cours d’une audience, irrité de voir que Deval ne fait en rien progresser le dossier, le dey Hussein le congédie en le souffletant de son éventail (ou de son chasse mouche, les témoignages divergent).
Cette altercation, soigneusement convertie en incident diplomatique, sera à l’origine du débarquement de Sidi Ferruch, différé durant plus de deux ans par le duc de Villèle, alors ministre de la guerre, totalement opposé au projet…
Telle est l’origine historique de la colonisation de l’Algérie…
Quarante ans plus tard le président du conseil des ministres de la toute nouvelle république Adolphe Crémieux va promulguer son célèbre décret donnant aux juifs d’Algérie (et à quelques colons surtout alors maltais) la nationalité française.
Les indigènes locaux sépharades vont alors du jour au lendemain changer de statut, quittant l’indigénat ou les formules voisines, pour se retrouver propulsés « Français » avec tous les avantages associés.
Une discrimination – jugée insupportable par les autres, les musulmans (surtout sur la côte) ou les chrétiens (notamment en Kabylie) – qui laissera des traces durables dans les rapports parfois devenus exécrables entre les communautés locales et avec les nouveaux « occupants »…
Il n’est pas question pour ces juifs algériens naturalisés d’être qualifiés de « colons », à moins que ces nouvelles dispositions législatives n’aient induit au début des années 1880 une immigration juive nouvelle dans cette perspective?
La question pourrait se poser…
Mais considérer que l’article du Monde, parce qu’il montre Macron pris en photo dans un cimetière juif simplement parce qu’il y a déposé une gerbe sur la tombe de Roger Lévy dit Hanin, porte « un message antisémite subliminal assimilant juifs et colons » procède d’un délire obsessionnel victimologique !
La plupart des colons d’Algérie, ceux qui ont défriché, assécher les marais, cultivé les terres (comme le fut par exemple le suisse Henri Dunand) construit les infrastructures et mis le pays en valeur, n’étaient pas des juifs !
Si on avait affaire ici à des journalistes honnêtes, réfléchis et instruits – mais ne sont-ce pas des oxymores ? – la première question qui aurait dû être posée est celle de savoir pourquoi Emmanuel Macron a été déposer une gerbe sur la tombe du beauf ?
Il n’y avait donc pas de grande figure juive marquante enterrée en Algérie à honorer?
Un geste, supposé fort, certainement pas spontané mais savamment calculé, aussitôt fustigé par la communauté (à commencer par les Balkany – quelle référence !) hurlant à la récupération politique…
Un geste qui vaudra à Macron autant de réprobation dans la communauté que ses odieux propos sur la colonisation auprès des nationaux !
Aussi imprévisible que puisse parfois être Emmanuel Macron on ne peut pourtant manquer de supposer qu’il n‘a pas effectué ce geste sans arrière pense en pleine campagne électorale !
Mais à ce jour, nous n’avons aucune explication sur cette étonnante initiative, et ce n’est pas visiblement sur les rédacteurs d’Europe-Israël que l’on doit pouvoir compter pour le savoir…
Claude Timmerman
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