Suite et fin de l’entretien entre le pape François et Eugenio Scalfari, journaliste-fondateur du quotidien italien La Repubblica (cliquez ici pour la Ière partie.)
Les inégalités, les Mouvements populaires (mouvement sociaux progressistes, anti-capitalistes, alter-mondialistes, parfois chrétiens, prônant la lutte des classes pour donner le pouvoir aux pauvres, très présents en Amérique du Sud), Martin Luther King, Daesh, les idéaux socialo-chrétiens du pape latino, plus que jamais disciple de la théologie de la Libération sauce piquante, sont les thèmes abordés, dans cette seconde partie, entre ces deux camarades de combat sociétal, l’un athée, l’autre imbu d’un pseudo-christianisme humanitariste apprécié par un « monde moderne aux vertus chrétiennes devenues folles »(Chesterton). Joseph de Maistre écrivait déjà à son époque que « l’Évangile hors de l’Église est un poison »!
La vision anthropocentrique, socialiste et égalitariste portée par le pape argentin sur l’enseignement du Christ, « Le Christ a parlé d’une société où les pauvres, les faibles, les exclus, ce sont eux qui doivent décider » est bien le reflet d’une interprétation post-marxiste, humanitariste et naturaliste de l’Évangile, le but de Jorge Maria Bergoglio, à la suite des penseurs de gauche chrétiens-révolutionnaires, étant d’imposer au monde la croyance que la devise droit de l’hommiste Liberté-Égalité-Fraternité a son fondement dans le Nouveau Testament appréhendé comme un manifeste politique exaltant l’homme pauvre. Cet entretien dévoile l’utopie bergoglienne d’un monde idyllique dont le fondement est un pouvoir politique donné aux pauvres par la vertu naturelle d’un amour fraternel centré sur l’homme et non sur Dieu mais qui se dit chrétien… Utopie d’un paradis terrestre dominé par des pauvres sans péché originel !
Suite de la traduction de l’entretien :
« E. S. : Sainteté, j’ai toujours pensé et écrit que vous êtes un révolutionnaire et un prophète. Il me semble comprendre aujourd’hui que vous désirez que les Mouvements Populaires et surtout le peuple des pauvres entrent directement dans la vraie politique.
F. : Oui, c’est ainsi. Non dans les batailles politiciennes, les querelles pour le pouvoir, l’égoïsme, la démagogie, l’argent, mais la grande politique, créative, les grandes visions. Ce qu’écrivit Aristote dans son œuvre.
E.S. : J’ai vu dans votre discours aux « mouvements populaires » de samedi dernier que vous avez cité le Ku Klux Klan comme un mouvement honteux et que vous avez dit de même pour le mouvement opposé mais analogue des Panthères Noires. Mais vous avez affirmé de Martin Luther King qu’il était admirable. C’est un prophète lui-aussi, qui vous touche par ce qu’il disait dans la libre Amérique ?
F. : Oui, je l’ai cité parce que je l’admire.
J’ai lu cette citation du pape François. Je pense que c’est opportun de la rappeler à qui lit cet entretien : « Quand tu t’élèves au niveau de l’amour, de sa grande beauté, l’unique chose que tu essayes de détruire ce sont les systèmes mauvais. Les personnes qui sont enfermées dans ce système, tu les aimes, cependant tu essayes de détruire ce système : la haine pour la haine intensifie seulement l’existence de la haine et du mal dans l’univers. Si je te frappe et que tu me frappes et que je te rends ton coup et que tu me rends le mien, et ainsi de suite, c’est évident que cela continuera à l’infini. Quelque part, quelqu’un doit avoir un peu de bon sens et c’est alors une personne forte, capable de casser la chaîne de la haine, la chaîne du mal. »
E.S. : Revenons à la politique et à votre souhait que ce soit les pauvres et les exclus à transformer cette politique en une volonté démocratique de réaliser les idéaux et la volonté des mouvements populaires. Vous avez préconisé cet intérêt pour la politique parce que c’est le Christ qui la veut. « Les riches devront passer par le chas de l’aiguille. » Le Christ la veut non parce qu’il est aussi fils de Dieu mais surtout parce qu’il est fils de l’homme. Mais de toute façon il y aura un conflit, c’est le pouvoir qui est en jeu et le pouvoir, vous l’avez dit vous-même, comporte la guerre. Donc les mouvements populaires devront-ils soutenir une guerre, même si elle est politique, sans armes et sans sang répandu ?
F. : Je n’ai jamais pensé à guerre et armes. Le sang, oui, il peut-être répandu, mais ce seront éventuellement les chrétiens à être martyrisés comme cela arrive un peu partout dans le monde à cause des fondamentalistes et terroristes de Daesh, les bourreaux. Ils sont vraiment horribles et les chrétiens en sont les victimes.
E.S. : Mais vous savez bien, Saint Père, que beaucoup de pays réagissent aussi avec les armes pour vaincre l’État Islamique. Du reste, les armes les juifs les utiliseront aussi contre les arabes mais aussi entre eux.
F. : Ce n’est pas ce genre de conflits que les mouvements populaires chrétiens portent en avant. Nous les chrétiens avons toujours été martyrs, cependant notre foi au cours des siècles a conquis une grande partie du monde. Bien sûr il y a eu des guerres soutenues par l’Église contre les autres religions et il y a eu aussi des guerres au sein de notre religion. La plus cruelle fut le massacre de la Saint-Barthélémy et malheureusement aussi d’autres semblables. Mais cela arrivait quand les différentes religions et la nôtre, celle-ci parfois plus que les autres, faisaient passer le pouvoir temporel avant la foi et la miséricorde.
E.S. : Cependant, Sainteté, vous incitez maintenant les mouvements populaires à enter en politique. Qui entre en politique se bat inévitablement contre des adversaires. Guerre pacifique, mais malgré tout il s’agit de conflits et l’histoire nous dit que dans les conflits c’est la conquête du pouvoir qui est en jeu. Sans le pouvoir on ne gagne pas.
F. : Vous oubliez qu’il existe aussi l’amour. Souvent l’amour convainc et donc il a gagné aussi le nombre que nous sommes aujourd’hui. Les catholiques sont un milliard et demi, les protestants des différentes confessions huit cent millions, les orthodoxes sont trois cent mille, puis il y a les autres confessions comme les anglicans, les vaudois, les coptes. Tous compris, les chrétiens sont deux milliards et demi de croyants et peut-être plus. A-t-il fallu des armes et des guerres ? Non. Des martyrs ? Oui, beaucoup.
E. S. : Et ainsi vous avez conquis le pouvoir.
F. : Nous avons diffusé la foi en prenant exemple sur Jésus-Christ. Il fut le martyr des martyrs et il donna la graine de la foi à l’humanité. Mais je me garde bien de demander le martyr pour qui se lancera dans une politique orientée vers les pauvres, pour l’égalité et la liberté. Cette politique est chose différente de la foi et ils sont nombreux les pauvres à ne pas avoir la foi. Ils ont cependant des besoins urgents et vitaux et nous devons les soutenir comme nous soutiendrons tous les autres. Comme nous pourrons et comme nous saurons.
E.S. : Pendant que je l’écoute, je suis toujours plus convaincu de ce que j’éprouve pour vous : un pontificat comme le vôtre, il n’y en a pas eu beaucoup. Du reste, vous avez de nombreux adversaires au sein de l’Église.
F. : Adversaires, je ne dirais pas. La foi nous unit. Naturellement chacun de nous, individuellement, voit les mêmes choses de manière différente ; le cadre objectivement est le même mais subjectivement il est différent. Nous nous le sommes dit plusieurs fois, vous et moi. »
Francesca de Villasmundo
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