Norbert HoferSuite de l’autobiographie de Norbert Hofer : «Une vie après la paraplégie» – 1ère partie

Dans une autobiographie publiée en 2014, Leben nach der Querschnittslähmung[1] – « Une vie après la paraplégie » -, Norbert Hofer[2] évoque le drame qui l’a fauché en pleine jeunesse. Un certain 11 août 2003, un accident de parapente allait bouleverser sa vie et le condamner à la chaise roulante. Le handicap qui l’a frappé lui a pourtant révélé des ressources physiques et psychologiques insoupçonnées. Il dut à sa force de caractère, mais aussi à l’aide qu’il reçut, d’avoir pu surmonter une situation paraissant désespérée. Norbert Hofer en est sorti transformé intérieurement. Son recentrage sur l’essentiel a fait de lui un homme plus heureux, plus authentique, plus empathique, plus prudent et plus reconnaissant pour ce que les anciens ont légué à l’Autriche. Autant d’atouts du jeune candidat à la présidence. Extraits présentés en deux parties.

Seconde partie

La chute

«Soudainement le silence, un silence mystérieux. Je me sentais en apesanteur. En regardant vers le haut je m’aperçus que la voile s’affaissait, et pire, qu’elle était poussée vers le bas, si bien qu’elle se retrouvât rapidement au-dessous de moi. Quoi faire? Impossible de remonter le machin de quelque façon que ce soit, et aucune chance d’ouvrir le parachute de secours. J’étais trop près du sol.»

«Une chute d’une hauteur de 15 mètres ne dure même pas 2 secondes. En ce court laps de temps, un corps tombant s’accélère à environ 60 km/heure.»

«La Terre fonça sur moi. Je n’avais qu’une idée en tête : la survie! Je dois survivre! Puis l’impact. Il fut brutal. Toute l’énergie de la chute est absorbée par mon corps. Mes genoux me cassent les côtes, le choc se transmet à la colonne vertébrale par le coccyx, les vertèbres lâchent les unes après les autres, se brisent, s’effritent. Ma tête tape en dernier contre le sol. De nouveau le silence. Et une douleur, quelle douleur! Je n’arrive pas à respirer, plus d’air, je me bats contre mes poumons. Enfin cette crampe intérieure lâche, je crie, mais la douleur m’enveloppe de toutes parts.»

«Très rapidement je m’aperçois qu’il n’y a pas seulement cette douleur immense dans le dos, mais qu’il y a aussi une sensation bizarre dans les jambes qui collent sans force au sol. Une sensation de surdité, ou à vrai dire aucune sensation.»

Des jours pénibles à la clinique

«Dans les premières minutes qui suivirent mon réveil à l’unité de soins intensifs de l’hôpital régional de Graz, j’avais du mal à m’orienter. Je me réveillais brièvement, puis je m’endormais rapidement. C’était le 12 août 2003. La veille, on m’avait opéré du dos pendant six heures.»

«Les médecins avaient l’air très inquiets. Leur diagnose : paraplégie complète.»

«Pendant la première phase de ce coup du destin, je me suis fortement dressé contre la réalité, tout simplement je ne voulais pas que ce soit vrai. Chaque nuit je rêvais de moi-même comme d’un homme qui marchait et courait normalement, ce qui m’aidait la journée à guerroyer contre le destin.»

«Après les premiers traitements à Graz, une bonne nouvelle arriva quelques jours plus tard. Je devais être transféré à Eisenstadt.»

«A l’hôpital des Frères de la Miséricorde, on m’attribua une magnifique chambre individuelle et le personnel prenait soin de moi de façon touchante.»

«Je décidais de me battre, d’accepter ma situation, mais de ne pas m’y résigner. Ce fut le départ d’un parcours de réadaptation long et éprouvant.»

«Et peu après, voilà une bonne nouvelle qui devait beaucoup m’encourager. Je devais être transféré vers un institut spécialisé dans la réadaptation des malades atteints de paraplégie, l’institut Weissen Hof à Klosterneuburg.»

Début de la réadaptation

«Le deuxième jour de mon arrivée, un médecin de l’institut vint me voir pour m’examiner à fond. Je n’oublierai jamais cet examen : le Dr Märk m’annonça que je pourrai recouvrer l’usage de mes jambes. Pour la première fois après le terrible accident, je voyais de la lumière au bout du tunnel et je me résolus à m’entraîner aussi intensément que possible.»

«Il fallait maintenant établir un plan de thérapie. Il y avait d’abord, surtout pour moi, les thérapies individuelles, la gymnastique en groupe, l’entraînement à la chaise roulante et le sport des handicapés.»

«Un jour est arrivé le moment où l’on me serra deux béquilles à quatre points dans les mains et où j’appris à me lever en m’appuyant sur ces dernières, et plus tard comment faire de tout petits pas.»

«Une partie importante de notre entraînement concernait la manipulation du fauteuil roulant. Tout d’abord je n’en voulais pas, puisque j’étais absolument sûr qu’un jour je me débrouillerai sans lui. Mais les chances étaient au début en réalité plutôt minces, d’où la grande importance de l’entraînement pour maîtriser les choses quotidiennes. Je m’y habituais rapidement et le refus intérieur fut repoussé par l’intérêt des possibilités étendues offertes par le sport en chaise roulante.»

Des amis anciens et nouveaux

«Cicéron a dit une fois que l’on reconnaît l’ami sûr dans les fortunes incertaines.»

«Ainsi on se montrait au début intéressé par mon état de santé, puis les contacts se firent plus rares. Je savais désormais qui étaient mes vrais amis. Ils le sont encore aujourd’hui.»

«Une des choses particulièrement importantes après un grave accident est le soutien de sa propre famille. Aussi bien mon épouse que mes parents et mes frères et sœurs ont manifesté dès le début leur intention de se tenir toujours à mes côtés, quelle que soit l’issue finale.»

La vie en chaise roulante

«Si l’on fait soi-même un jour l’expérience d’une vie ayant comme seule perspective l’utilisation d’une chaise roulante, on comprend très vite à quels obstacles son utilisateur doit faire face dans la vie quotidienne.»

Quand le corps ne coopère plus

«Dans mon cas, il s’agissait, selon le premier diagnostic, d’une paraplégie complète, causée par une blessure de la moelle épinière au niveau des vertèbres lombaires. D’où mon pressentiment : une vie en chaise roulante.»

«Reste que des personnes soudainement confrontées à un handicap doivent aussi être mentalement très fortes pour pouvoir faire face à cette nouvelle situation.»

«Je ne peux que répéter aux personnes concernées que tous ces obstacles peuvent être surmontés, et que toute situation apparaissant sans issue peut le plus souvent prendre une tournure favorable. Ne perdez donc jamais courage, si vous croyez parfois que vous n’y arriverez pas. Le corps humain est un miracle, il est capable d’accomplir des choses inimaginables.»

Qu’est-ce qui est vraiment important

«Pendant cette période, j’ai notamment appris l’importance de la notion de gratitude. Si l’on veut devenir vraiment heureux dans sa vie, on doit être reconnaissant pour ce qui a été accompli. Il ne s’agit pas seulement là des grandes questions de la vie telles que le partenariat, la famille, les enfants, la santé ou la carrière, mais également de choses comme la chance de pouvoir vivre en Autriche, dans un pays sûr jouissant d’un environnement intact. Ou celle d’avoir pu acquérir sa propre maison ou son propre logement, de pouvoir exercer un métier ou tout simplement que les enfants puissent fréquenter une école. Ce sont tous ces acquis qui nous été légués qu’il faut garder à l’esprit.»

«S’agissant de ces questions, l’accident a sûrement changé ma vie. Je crois que je peux dire aujourd’hui qu’en dépit des limitations physiques, je suis un homme plus heureux quavant mon grand accident. Mon approche des contacts personnels s’est elle aussi modifiée. Je m’efforce dans les conversations de m’adapter à mon interlocuteur, d’écouter attentivement et de me mettre à la place de l’autre. Par ailleurs, dans ma vie privée, je fais attention avec qui je passe mon temps.»

«Dans ma profession d’homme politique, cet accident a également laissé des traces. Je ne fais pas là allusion à ma fonction de porte-parole des handicapés dans mon groupe [politique], mais je veux dire que je pratique beaucoup plus le respect dans mes relations avec des concurrents politiques.»

«Bien sûr, dans la vie on ne peut pas toujours suivre les intentions positives. Je fais toujours au quotidien un nombre incroyable d’erreurs. Je m’énerve, je suis déçu de moi-même, en colère ou injuste. Mais le fait est que l’accident a donné une orientation plus claire à mon existence.»

Premiers pas dans la vie réelle

«Après mon départ prévu depuis longtemps du Weissen Hof, environ six mois après mon arrivée, je me suis efforcé chez moi, au cours des deux premières semaines, à continuer mon entraînement. Je passais jusqu’à six heures par jour sur le tapis ou sur le tapis roulant que je me suis procuré pour réapprendre la marche.»

«Rien que le trajet du parc de stationnement au bureau était un obstacle énorme. Rester assis toute la journée sur une chaise m’a également obligé à maîtriser la douleur. Mais le corps s’est peu à peu réadapté aux vieux défis qui lui étaient lancés et, dans le flux du travail quotidien, il ne me venait guère à l’esprit que je serais désormais un salarié handicapé. J’ai aussi reçu à l’époque un avis de l’Office social fédéral m’attestant que je pouvais exercer des activités légères ‘dans un environnement protégé’.»

«Parmi les tâches à accomplir, il y eut l’achat d’une nouvelle voiture. Je me suis décidé pour une Smart qui, grâce à sa boîte de vitesses automatique, facilite beaucoup la conduite.»

«Enfin, j’avais regagné mon autonomie et pouvais me déplacer sans avoir besoin d’assistance. Bien sûr, il me fallait passer un permis spécial dans une auto-école. Toutefois, les autorités m’informaient que mon permis moto allait être confisqué, car il était impensable que je pusse jamais reconduire une moto. A ce propos, j’ai passé mon permis il y a quelques mois et je peux maintenant me déplacer seul. Un objectif qui me semblait inaccessible. Quelque désespérée que puisse sembler une situation, il ne faut jamais en conclure que les choses sont irréalisables.»

«D’une part, il revient à chacun d’améliorer sa propre situation par un entraînement rigoureux, par la physiothérapie, mais aussi par des méthodes thérapeutiques alternatives, et, d’autre part, les avancées de la médecine ouvrent de nouvelles perspectives pour l’avenir. Une attitude et une conception positives de la vie sont sûrement la pierre angulaire des progrès ultérieurs et de sa propre santé.»

«Je connais beaucoup de gens qui considèrent la médicine conventionnelle de façon très critique et optent exclusivement pour les traitements alternatifs. De l’autre côté, homéopathie, ostéopathie et traitements énergétiques sont souvent rejetés par principe.»

«Je ne peux – et ne veux – donner de conseils à quiconque sur ce sujet. Personnellement, j’ai opté pour une combinaison des deux. Pendant la première phase post-accident, c’est la médecine conventionnelle qui m’a sauvé la vie et c’est un chirurgien qui a stabilisé ma colonne vertébrale de façon à rendre possibles des progrès ultérieurs. Plus tard, j’ai tiré profit de toutes les possibilités qu’offrait la médecine alternative, elles m’ont permis de faire de très grands progrès. Je me suis fait conseiller par des homéopathes, j’ai visité des chamans et des rebouteurs, j’ai suivi des traitements ostéopathiques et je n’ai rien omis pour trouver ce qui me faisait vraiment du bien.»

«Chacun doit décider pour lui-même personnellement et doit observer en lui-même quels sont les médicaments, les herbes médicinales, les méthodes de traitement et les aliments qui mènent au bien-être et à la guérison. Mais le plus important est bien d’avoir une attitude fondamentale positive. La science témoigne de nombreux cas où des progrès ont été réalisés sans qu’on sache vraiment pourquoi. Même à l’hôpital, on m’a rapporté des cas de patients incurables ou grièvement blessés après un accident dont la survie était à peine pensable qui ont guéri très soudainement. Là encore, rien n’est impossible, et le calcul des probabilités n’est pas mesure de toutes choses. Clemens Kuby a montré, dans son livre et dans le film Guérisseurs à travers le monde, parmi lesquels le maître chaman Don Agostino du Pérou, que les différentes cultures ont des approches complètement différentes de la guérison et des méthodes de guérison. C’est finalement à celui qui guérit que revient ce droit. Ou plutôt, celui qui est capable de mobiliser les forces d’autoguérison.»

De nouveau sous le bistouri

«Lors de l’opération de six heures immédiatement après mon accident, on a consolidé la position de ma colonne vertébrale à l’aide d’une armature en titane. Dans les jours suivants, on m’a fortement conseillé de faire procéder à sa stabilisation à l’aide d’une matière composée d’un dérivé de ciment.»

«Pour ce faire, la cavité abdominale doit être complètement nettoyée pour permettre l’accès à la colonne vertébrale par l’avant et la réalisation des ‘travaux de cimentage’. Ce jour-là, mon frère Christian était par hasard à mes côtés dans la chambre d’hôpital. Il vécut une expérience ‘radicale’. Quelques années auparavant, on lui avait recommandé dans l’urgence de se faire enlever un rein qui ne fonctionnait plus. Le jour de l’opération, il fit savoir aux médecins qu’il n’était plus intéressé, quitta l’hôpital et changea radicalement son alimentation. C’était il y a plusieurs années et ses reins fonctionnent parfaitement. Cela est peut-être le fait du hasard, néanmoins, il est certain que les patients doivent, in fine, prendre leurs propres responsabilités et les décisions importantes après avis médical.»

«Et c’est exactement ce que mon frère m’a recommandé ce jour-là. Car il était évident qu’après un tel traitement, ma colonne vertébrale resterait en grande partie rigide. Je m’étais résolu à l’époque à renforcer mon dos par un entraînement rigoureux de façon à pouvoir un jour vivre sans cette tige de titane. Naturellement, à ce moment-là on ne pouvait y penser. J’annonçais pourtant à mes médecins que je n’acceptais pas cette opération. Cette décision, qui à l’époque provoqua des hochements de tête, m’a permis deux ans plus tard d’envisager l’enlèvement de l’armature en titane.»

Considérations rétrospectives

«J’ai donc connu les deux côtés : la vie en tant qu’homme sans handicap et la vie en tant qu’homme qui doit gérer un handicap.»

 «En tant qu’homme politique sans handicap, jeune et ambitieux, j’étais peu différent des nombreux porteurs de costume-cravate qui s’efforçaient de gravir les échelons de leur carrière politique. Je voulais atteindre mes objectifs coûte que coûte, admirais ceux qui s’étaient déjà taillé une position enviable et j’étais à chaque fois déçu lorsque je ne figurais pas sur une liste électorale, où, selon mes propres représentations, j’aurais dû figurer.»

«Tout avait changé après l’accident. La politique me faisait plus plaisir qu’avant, pourtant cela m’était égal d’obtenir plus qu’avant. J’étais très satisfait de mes activités au Parlement [régional] d’Eisenstadt et étais résolu à leur donner un sens réel en faisant de mon mieux tout en réalisant mes propres idéaux. Et la gratitude est aussi devenue un élément important dans ma vie.»

Dans les manuels pour une vie saine, on lit souvent qu’on ne devrait pas se cantonner à la réalisation de ses buts personnels, qu’on devrait – comme dans le bouddhisme zen – simplement lâcher la flèche [allusion au livre d’Eugen Herrigel, Le Zen dans l’art du tir à l’arc]. Tout cela est bien beau, mais rarement réalisable. J’étais d’autant plus étonné qu’après ce lâchage forcé[3] de mes objectifs personnels, les choses allaient soudainement très vite pour moi. Je suis devenu chef adjoint de mon parti, suis entré au Conseil national et, peu d’années après, je devenais le troisième président du Conseil national[4] grâce au soutien bienveillant de beaucoup de gens.»

«Mais ce n’est pas quelque chose dont on doit se vanter. En même temps, cela m’a clairement montré qu’on ne peut avoir de succès en visant uniquement sa position personnelle, mais qu’il faut aspirer à mettre en œuvre des choses réelles qui entrent dans le cadre de ses possibilités. Pour ce faire, peu importe que l’on soit ouvrier spécialisé, employé de bureau, représentant à l’exportation, agriculteur ou… homme politique. Celui qui dirige son attention sur son produit, sur son activité au sein de l’entreprise, sur ses possibilités de réaliser des améliorations pour les citoyens, atteindra automatiquement une position dans laquelle il pourra effectivement concrétiser ces objectifs.»

«J’ai écrit dans cette partie du livre mes expériences personnelles qui se sont déroulées pendant une période très difficile de ma vie. Le but n’était pas d’écrire une sorte de biographie concise, mais de donner l’espérance aux hommes qui se croient dans une situation sans issue.»

«C’est pourquoi j’envisage, dans le cadre de mon activité politique, de rendre visite à ceux qui se trouvent actuellement en traitement dans les hôpitaux, en soins stationnaires ou à domicile. C’est à ces personnes que je voudrais remettre ce livre et, par ce fait, je souhaiterais aussi leur montrer que la vie se trouve toujours en mouvement, et que ce mouvement peut apporter quotidiennement des surprises auxquelles de prime abord nous ne nous attendions pas du tout.»

[1] Ed. FPÖ-Bildungsinsitut, 2014.

[2] Né le 2 mars 1971 à Vorau (Styrie) et a grandi à Pinkafeld (Burgenland).

[3] Terme bouddhiste, cf. https://de.wikipedia.org/wiki/Anatta.

[4] Chambre basse du Parlement fédéral autrichien.

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