Le principe du « bébé médicament » est le suivant. Supposons qu’un enfant soit atteint d’une maladie sanguine génétique grave par exemple de type cancéreux. L’idée est de la soigner en se servant de cellules souches saines qui détruiront les cellules malades. Le couple procréateur pense alors à mettre au monde un second enfant qui ne sera pas atteint de la même maladie afin de se servir de son sang pour y récupérer des cellules souches. Pour cela il faudra faire une fécondation in vitro. Sera prélevée une cellule de l’embryon pour voir s’il n’est pas porteur de la maladie. C’est le diagnostic préimplantatoire.

Si cet embryon est porteur de la maladie, bien sûr ( !)  il sera éliminé. Mais après ce premier « filtrage » il faudra faire un second diagnostic préimplantatoire. Il faut en effet que cet embryon soit immuno-compatible sur le plan tissulaire avec l’enfant aîné qui est malade. Puis enfin, il faudra implanter chez la mère cet embryon considéré comme sain et immuno-compatible. Cependant, on sait que les implantations sont grevées d’un taux d’échec important.

En effet, le taux de réussite de la fécondation in vitro est très aléatoire car il dépend de facteurs variables comme par exemple l’âge des parents : il n’excède pas 25 %. On imagine ainsi la série de sauts d’obstacles à franchir.

La loi permettant ce genre de manipulation remonte à 2004. Or le premier « bébé médicament » naîtra en janvier 2011 à grand arroi médiatique. Il se nomme Umut Talha qui signifie « notre  espoir » en turc : ses parents en effets sont de nationalité turque. Ce célèbre nourrisson devra certes grandir un peu avant que son sang puisse servir à sa grande sœur malade atteinte de la thalassémie. Celle-ci a pu être guérie.

Cette affaire a soulevé un débat éthique. Un enfant peut-il avoir été conçu à la seule fin d’être un médicament, c’est-à-dire une « produit » ? L’être humain est une fin et non un moyen. Le comité d’éthique avait stipulé que le « désir d’enfant » devait primer sur le souhait d’avoir un « bébé médicament ».

Une dizaine de « bébés médicaments » seraient ainsi nés. Mais à ce jour seul l’hôpital Necker pratique le double diagnostic préimplantatoire. D’ailleurs le deuxième ayant pour but de vérifier la compatibilité immunologique est de loin le plus difficile à faire. En effet les chances de trouver une telle compatibilité est de 3 sur 16.

Julie Steffann, généticienne au Laboratoire de Génétique Moléculaire de cet établissement parisien, a décidé de « jeter l’éponge ». Pourquoi ? Le processus administratif est long : les autorisations sont données au compte-goutte. Mais surtout les résultats sont aléatoires, alors que l’ensemble de ce protocole a un coût extrêmement élevé sans comparaison avec l’enjeu. Il nécessite une personne à plein temps pendant parfois des mois. Si bien que souvent l’enfant malade pour lequel est prévu le « bébé médicament » est mort entre-temps. Les biologistes ont alors travaillé pour rien.

Surgit enfin un autre obstacle insolite. Il est évident que si le bébé médicament est biologiquement incompatible, il doit être stocké pour servir à une autre grossesse. Or, il faut reprendre tout le processus à zéro. Cependant, la loi interdit de refaire une fécondation une vitro si le couple a déjà des embryons en stock dans des congélateurs. Ce qui paraît tout à fait normal. Si bien qu’en pratique plus aucune équipe médicale en France ne souhaite se relancer dans l’aventure. C’est la fin des « bébés médicaments ».

Dr J.P Dickès

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