Communiqué de Bruno Gollnisch, ancien député, Assemblée Nationale & Parlement européen, ancien Secrétaire général & Vice-Président du Front National.
Je vous prie de trouver ci-joint l’éloge posthume de Jean-Marie Le Pen que, conformément à sa volonté exprimée en public comme en privé, j’aurais aimé prononcer à l’occasion de l’une ou l’autre des cérémonies organisées pour ses funérailles.
Jean-Marie Le Pen – Un éloge
L’homme que nous avons connu et aimé repose aujourd’hui dans sa terre natale de Bretagne. Fils de Patron pêcheur, il a connu la vie des humbles et très tôt les épreuves de l’Histoire. À 14 ans, dans une France occupée, il vient avec sa pauvre mère reconnaître sur la grève le visage défiguré et le corps de son père, dont le bateau a sauté sur une mine. Bravant les ordres édictés par l’occupant sous menace de mort, il garde et cache le fusil paternel, et tentera deux ans plus tard de rejoindre le maquis de Saint Marcel.
Entretemps élève des Jésuites à Vannes, il y fait dans des conditions spartiates l’apprentissage du latin, du grec, et de cette poésie française dont jusqu’à sa mort il récitera des strophes entières.
Pour payer ses études, il sera un temps marin pêcheur et mineur de fond. À la faculté de droit de Paris, son charisme le fait élire président de la Corpo, l’association corporative des étudiants. Avec audace, il se saisira de ce compagnonnage pour obtenir l’aide du Président de la République, Vincent Auriol, pour partir avec des étudiants au secours des Néerlandais sinistrés par de terribles inondations.
Mais la France fait face à des drames, et son magnifique Empire, que regrettent bien des peuples qui en faisaient partie, est en butte aux convoitises et aux assauts du communisme. Le Pen est volontaire. En 1953 il intègre l’école de l’infanterie de Saint Maixent. Volontaire encore pour l’Indochine, il sert comme sous-lieutenant légionnaire sous les ordres d’Hélie Denoix de Saint-Marc au 1er Bataillon étranger de parachutistes, devenu plus tard le 1er REP.
Revenu en métropole, il anime l’Union de Défense de la Jeunesse Française, branche jeune du mouvement de Pierre Poujade, l’une des premières manifestations de résistance des artisans, commerçants, paysans, contre l’oppression fiscale et leur disparition programmée. Élu député de Paris à l’âge de 27 ans, il est l’un des deux plus jeunes de l’Assemblée.
En octobre 1956, il quitte les bancs de l’Assemblée Nationale pour rejoindre son ancienne unité, avec laquelle il participe au débarquement de Port-Fouad en Égypte, puis à la lutte contre le FLN algérien, dont les méthodes terroristes systématiques frappent les Français d’Algérie, qu’ils soient d’origine européenne, musulmane ou juive.
Il est brillamment réélu en 1958, sous les couleurs du Centre National des Indépendants & Paysans. À l’Assemblée, orateur talentueux, il milite ardemment pour l’égalité des droits de tous les habitants de l’Algérie, sans distinction ethnique ni d’origine ou de religion. Mais, battu en 1962, il entame une carrière civile, en fondant la SERP, société qui éditera quantité de documents historiques, obtiendra de nombreuses distinctions, et où se fournissent encore documentaires, émissions diverses, musées historiques…
Scandalisé par l’abandon de nos compatriotes d’Algérie, et notamment par celui des harkis restés fidèles à la France, ainsi que par les complaisances de la classe politique envers le communisme totalitaire et conquérant, il est en 1965 le directeur de campagne de l’avocat Jean-Louis Tixier-Vignancour.
Sans se décourager, il crée le Front National en 1972, et ne se laisse pas abattre par la modicité des résultats, que ce soit aux élections législatives ou présidentielles : moins de 1% en 1974 ; impossibilité de se présenter, faute de parrainages, en 1981. N’importe qui d’autre aurait abandonné ; pas lui.
Coût de ces campagnes, qui restent à charge ; dérision des commentateurs ; violences qui vont croissant : attentat à la bombe qui détruit en 1976 l’immeuble qu’il habite, et dont sa famille et lui ne sortiront vivants que par miracle ; assassinat de François Duprat en 1978…Rien ne l’arrête.
C’est enfin la percée que laissent pressentir les élections municipales de Dreux, conduites par Jean-Pierre Stirbois, devenu l’infatigable Secrétaire Général, l’élection partielle d’Auray, celle du XXe arrondissement de Paris…
La mince ouverture médiatique que constitue l’émission « L’Heure de Vérité », où il est enfin invité à grand peine par François-Henri de Virieu, lui permet de « crever l’écran », et suscite un enthousiasme croissant.
La place me manque pour raconter tous les épisodes de cette montée ; ces moments de succès et ces épreuves : l’entrée au Parlement Européen en 1984 ; et celle de 34 députés à l’Assemblée Nationale en 1986, groupe talentueux et dynamique, qui disparaîtra en 1988, car entretemps le scrutin proportionnel a été aboli, précisément pour faire disparaître ces gêneurs.
Que dire aussi de 1998, lorsque nous décidâmes, dans un geste gratuit inspiré seulement par l’intérêt national, d’apporter nos voix à des candidats « RPR-UDF » (on dirait aujourd’hui : LR) à la présidence des Régions. 19 régions sur 23 pouvaient ainsi être sauvées de l’emprise d’une gauche sectaire. Mais le Président de l’époque, Jacques Chirac, donna l’ordre à ses troupes de refuser ces voix, et de remettre les clés des régions à des coalitions socialo-communistes pourtant minoritaires. Seules quatre régions purent être sauvées de leur emprise.
Je pense aussi à la crise douloureuse de 1999, qui nous vit nous déchirer ; un certain nombre de cadres, pourtant de qualité, mais peut-être trop pressés, participant alors à une scission malencontreuse qui nous affaiblit.
Et malgré cela, vite relevés, nous affrontons l’élection présidentielle de 2002, ce coup de tonnerre de portée mondiale : pour la première fois, un candidat patriotique défiant le système, soutenu par une organisation artisanale presque dépourvue de moyens et d’accès aux médias, accédait à la finale, devant le Premier Ministre sortant, que tous les analystes annonçaient comme vainqueur… On le lui fit payer cher, en instaurant un climat de véritable guerre civile, et en violant toutes les normes, constitutionnelles, légales, règlementaires, qui imposaient un égal traitement des deux candidats restants en lice.
Et ce sont ceux-là même qui l’ont empêché de faire campagne, ou approuvé qu’on l’en empêchât, qui viennent dire aujourd’hui doctement qu’« il ne voulait pas du pouvoir ». « Comme si on me l’avait proposé sur un plat d’argent et que je l’eusse refusé avec dédain ! » me dit-il alors avec ironie. Il y avait de quoi rire en effet, quand on pense à la somme de calomnies, de persécutions politiques, judiciaires, financières, médiatiques, en tous genres par lesquelles on a tenté de l’entraver…
Vilipendé, calomnié, parfois réduit au silence par les censeurs de tout bord ; sujet, comme ses militants, à de constantes tentatives d’agressions, y compris physiques, il n’a jamais courbé l’échine. Il affrontait le tumulte médiatique comme un marin affrontant une mer démontée : droit, ferme, regardant l’horizon.
Avec des décennies d’avance, il a annoncé les périls menaçant notre Nation, dans l’espoir de les prévenir : L’immigration massive, la perte des repères, la progression de l’insécurité impunie, le naufrage de l’identité française, les méfaits d’un certain mondialisme : ses mises en garde, raillées hier, résonnent aujourd’hui comme des prophéties.
On le présentait comme un personnage brutal. Il était impérieux, certes, mais sensible, surtout à l’injustice, et à la détresse des plus humbles. Menhir inébranlable dans ses convictions, courageux dans l’affrontement, il savait aussi pratiquer le pardon des offenses, et les occasions ne lui ont pas manqué.
Les commentateurs ignorants ou malveillants -réduiront son prodigieux parcours, et les milliers de pages que peuvent couvrir ses écrits, ses discours, ses interventions parlementaires, à deux ou trois mots –toujours les mêmes – considérés comme autant d’outrances ou de blasphèmes.
Et cependant on ne trouvera pas dans la somme de ses discours ni de ses publications le moindre appel à une quelconque discrimination entre les Français à raison de leurs origines ou de leur foi, qu’ils fussent juifs, chrétiens, musulmans ou agnostiques.
Et qu’est-ce que cela au regard de son action pour le réveil du peuple français, et de son exemple pour tous les autres peuples qui voient leurs identités menacées par les mêmes adversaires, et font aujourd’hui les mêmes constats !
Car en Europe, et même en d’autres continents, nombreux sont ceux qui ont pris modèle sur lui, ou qui comprenaient bien qu’en défendant l’identité française, sans aucune agressivité à l’égard d’aucun autre peuple, il défendait aussi la leur, et que son action était donc compatible avec des valeurs universelles.
En ces jours, nous pensons à tous ceux qui l’ont connu et aimé, à commencer par son épouse, ses enfants, petits-enfants, et tous les membres de sa famille. Mais aussi à tous ces militants, à commencer par les plus humbles, qui ont consenti souvent de grands sacrifices pour l’assister dans son combat.
Il fut un veilleur et un éveilleur. Heureux d’attirer à lui des compétences et des talents divers, à l’inverse de certains leaders qui trouvent prudent de ne s’entourer que de plus médiocres qu’eux.
Il aimait vraiment la France, par laquelle il s’était senti adopté quand, orphelin de père, il fut déclaré pupille de la Nation.
Elle ne le lui a pas toujours rendu.
Mais qu’importent aujourd’hui ces bassesses et ces mesquineries, tant que demeurent son exemple et son appel à une vraie renaissance.
Bruno Gollnisch
Lire aussi l’article de Rastignac : Le programme et les coulisses de l’hommage à Jean-Marie Le Pen aujourd’hui à l’Église du Val-de-Grâce à Paris
Fabien Laurent
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