Mgr Carlo Maria Viganò, archevêque, en la fête de l’Epiphanie, le 6 janvier 2024.

« Lorsque nous voyons devant nos yeux les derniers pas vers l’abîme de l’apostasie et le gouffre de la révolte satanique, nous devons nous souvenir de l’inéluctabilité du triomphe du Christ et de la défaite éternelle de Satan. »

Ecce advenit Dominator Dominus :  et regnum in manu ejus, et potestas, et imperium. [Mal. 3, 1; 1 Par 29, 12]

En la fête d’aujourd’hui, nous célébrons le Mystère de l’Épiphanie de Notre-Seigneur, c’est-à-dire la triple manifestation miraculeuse de Sa divinité :

Tribus miraculis ornatum diem sanctum colimus : hodie stella magos duxit ad præsepium ; hodie vinum ex aqua factum est ad nuptias ; hodie in Jordane a Joanne Christus baptizari voluit, ut salvaret nos, alleluja (Ant. ad Magn.).

Trois miracles ont illustré le jour saint que nous célébrons : aujourd’hui, l’étoile a conduit les Mages à la crèche ; aujourd’hui, l’eau a été changée en vin lors des noces ; aujourd’hui, le Christ a voulu être baptisé dans le Jourdain par Jean pour nous sauver. Alléluia.

Nous contemplons donc l’adoration des Mages, le miracle de l’eau changée en vin aux noces de Cana et le Baptême dans le Jourdain.

La Nuit Sainte, les Anges appelaient les bergers à se prosterner devant le Verbe fait chair ; à l’Épiphanie, c’est tout le genre humain et toute la création qui se prosternent devant le Dieu vivant et vrai et Lui offrent leur tribut : et procidentes adoraverunt eum. Les mages venus d’Orient ouvrent leurs coffrets et lui offrent de l’or, de l’encens et de la myrrhe : l’or de la Royauté, l’encens du Sacerdoce, la myrrhe du Sacrifice.

Cette fête, avec la sérénité paisible avec laquelle le Seigneur œuvre, se superpose et remplace celle qui, le sixième jour du premier mois du calendrier romain, était dédiée à la célébration du triple triomphe d’Auguste, à la pax augustea, rendant les honneurs publics divins à l’Empereur immortel. C’est pourquoi l’Église de Rome considère avec plus d’attention l’adoration des Mages, voyant en eux les premiers témoins institutionnels de cette Royauté universelle que la Providence a voulu faire rayonner dans le monde à partir de la capitale de la gentilité, en reportant la célébration du Baptême du Seigneur au deuxième dimanche après l’Épiphanie.

Il ne vous aura pas échappé que c’est la Très Sainte Vierge Marie, le Trône de la Divine Sagesse, qui accueille tous les membres de cette cour comme Mère et Reine ; c’est Elle qui présente son Fils à l’adoration de la terre et aux complaisances du ciel.

Dieu se manifeste aux hommes dans Sa grandeur, mais Il le fait par Marie, comblant dans l’Incarnation, par la divine Maternité de la Vierge, la distance sidérale entre le Verbe éternel du Père et l’humanité déchue.

Mais si Julien l’Apostat et l’Empereur Valentinien, bien qu’ennemis de l’Église et hérétiques, n’osèrent se soustraire au tribut au divin Roi, cela fut voulu et encouragé par Théodose, Charlemagne, Alfred le Grand, Étienne de Hongrie, Édouard le Confesseur, Henri II empereur, Ferdinand de Castille et Louis IX de France, qui avaient bien compris que leur autorité terrestre ne pouvait faire abstraction de la suprême Seigneurie du Roi des rois ni de la soumission du pouvoir civil à la Loi sainte de Dieu. Cet ordre divin, ce κόσμος parfait qui accomplit la prière du Seigneur – adveniat regnum tuum, sicut in cœlo et in terra – a été brisé par le χάος infernal de la Révolution, par le cri luciférien du Non serviam.

Cependant, nous ne célébrons pas une espérance lointaine et illusoire, une chimère de paix dans un monde d’où Jésus-Christ a été banni. Nous célébrons la réalité présente et éternelle de la victoire du Christ, l’unique Lumière de salut dans le monde, sachant que tous les peuples et tous les rois de la terre adoreront le Sauveur et Le reconnaîtront comme leur Dieu, Roi et Seigneur. Les prophéties de l’Ancien Testament ne nous laissent aucun doute : Et adorabunt eum omnes reges terræ : omnes gentes servient ei, dit le Psaume (Ps 71, 11). Adorabunt, dominabitur, liberabit, benedicent : ce sont tous des verbes au futur, indiquant un destin très certain et indéfectible, une nécessité ontologique, qu’aucune rébellion – angélique ou humaine – ne peut empêcher dans sa réalisation.

Lorsque nous voyons devant nos yeux les derniers pas vers l’abîme de l’apostasie et le gouffre de la révolte satanique, nous devons nous souvenir de l’inéluctabilité du triomphe du Christ et de la défaite éternelle de Satan, précisément à la lumière des anciennes prophéties et des paroles du Sauveur : Confidite : Ego vici mundum (Jn 16, 33).

Le Christ a vaincu.

Il a vaincu tous les tyrans qui, au cours de l’Histoire, ont cru pouvoir combattre l’Église, et toute l’Écriture célèbre cette victoire en alternant le découragement humain devant le succès momentané de l’ennemi avec la joie confiante devant le triomphe universel de Dieu.

C’est devant lui que les habitants du désert se prosterneront,
Ses ennemis mordront la poussière.
Le roi de Tarsis et des îles apportera des offrandes,
Les rois des Arabes et de Saba offriront un tribut.
Tous les rois se prosterneront devant lui,
Toutes les nations le serviront (Ps 71 :9-11).

Ce n’est pas un souhait, un vœu pieux : c’est l’annonce d’une réalité qui a déjà lieu dans l’éternité de Dieu, et qui doit seulement s’accomplir dans le temps, en nous permettant de mériter par l’acte de foi et la sainteté de la vie de participer à la gloire de la victoire du Christ. C’est ce que nous demandons dans la prière de la Messe : ut, qui jam te ex fide cognovimus, usque ad contemplandam speciem tuæ celsitudinis perducamur, afin que nous qui vous avons connu par la foi, nous parvenions à la contemplation de la splendeur de votre majesté.

Nous jam cognovimus, nous avons déjà appris à connaître le Seigneur en Lui offrant dans l’acte de foi le tribut de la volonté et de l’intelligence. D’autres connaîtront le Seigneur quand Il reviendra dans la gloire judicare vivos et mortuos, et ils Le connaîtront dans la fureur de Sa justice, dans la restauration de l’ordre brisé :

Il délivrera le pauvre qui crie et le misérable qui ne trouve pas de secours,
Il aura pitié du faible et du pauvre, et il sauvera la vie de ses pauvres
Il les rachètera de la violence et des abus,
Leur sang sera précieux à ses yeux (Ps 71, 12-14).

De même qu’au cours de l’Avent, nous nous sommes préparés à la célébration de Noël et de l’Épiphanie, de même, en cette phase historique de l’Histoire du genre humain, nous sommes appelés à nous préparer à la venue finale du Seigneur, sachant qu’Il nous rendra libres, qu’Il aura pitié de nous, qu’Il nous sauvera, qu’Il nous rachètera de la violence et des abus, et qu’Il humiliera le menteur, humiliabit calumniatorem (ibid., 4). Et qui est plus menteur que Satan et ses serviteurs ? Qui est plus trompeur et mensonger que ceux qui substituent la chimère d’une impossible paix humaine à la pax christiana inaugurée par l’Incarnation du Fils de Dieu et sanctionnée par Lui sur le Golgotha par le Sacrifice de Lui-même au Père ? Qui est plus menteur que celui qui détourne les peuples de la Vérité éternelle du Christ par la fraude d’un bonheur terrestre fait de contrôles, de violence et de crimes odieux contre les faibles et les petits ?

Nolite timere pusillus grex, quia complacuit Patri vestro dare vobis regnum (Lc 12, 32). Ne crains point, petit troupeau, car il a plu à votre Père de vous donner son royaume : regnum veritatis et vitæ ; regnum sanctitatis et gratiæ ; regnum justitiæ, amoris et pacis (Præfatio Christi Regis). Ainsi soit-il.

+ Carlo Maria Viganò, archevêque

6 janvier 2024, In Epiphania Domini

 © Traduction de F. de Villasmundo pour MPI  relue et corrigée par Mgr Viganò

Fabien Laurent

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