« Saint Charles fut un véritable évêque conciliaire, qui promut inlassablement l’esprit du post-concile tant dans l’Église universelle que dans l’Église ambrosienne. »
Nous célébrons la fête de Saint Charles Borromée, Cardinal-Archevêque de Milan, Confesseur de la Foi, Patron de la ville et du Diocèse ambrosien. Un Saint qui, comme tous les Saints proclamés par l’Église avant la révolution conciliaire, serait aujourd’hui pointé du doigt comme diviseur, intolérant et intégriste par le locataire de Sainte-Marthe, considéré comme le successeur de ces Papes qui voulurent ce grand Prélat à Rome d’abord comme membre du Saint-Office et Secrétaire d’État – sous son oncle Pie IV – puis comme consulteur au Concile de Trente et exécuteur de la réforme qu’il mit en acte à la fin du XVIe, Saint Pie V régnant. Il a été président de la commission de théologiens chargés par le Pape pour rédiger le Catechismus Romanus avec de grandes figures de la Réforme catholique telles que saint Pierre Canisius, saint Turibius de Mogrovejo et saint Robert Bellarmin. Il travailla à la révision du Missel, du Bréviaire et de la musique sacrée ; il œuvra à la fondation des Séminaires – une institution éminemment tridentine – et à la défense des Ordres sacrés, du Célibat sacerdotal et du Mariage. Ce fut un Pasteur des plus zélés, généreux envers les pauvres et les malades, un adversaire implacable des Réformés et des hérétiques protestants, charitable et accueillant envers les Catholiques anglais qui s’étaient réfugiés en Italie pour échapper aux persécutions d’Élisabeth Ière.
En bref, Saint Charles fut un véritable évêque conciliaire, qui promut inlassablement l’esprit du post-concile tant dans l’Église universelle que dans l’Église ambrosienne. J’imagine que, formulée de cette manière, cette affirmation peut susciter quelque étonnement ; mais si nous y prêtons attention, le rôle de ce Saint Évêque à l’égard du Concile de Trente fut analogue à celui que, quatre cents ans plus tard, d’autres évêques et prélats eurent dans le Concile convoqué par Jean XXIII. Analogue, mais diamétralement opposé. Et c’est en cela que nous pouvons comprendre la différence entre être de bons pasteurs fidèles au Christ et être des mercenaires à la solde de l’ennemi. En cela, nous pouvons voir la différence entre le serviteur bon et fidèle qui fait fructifier les talents reçus de son Seigneur et le serviteur méchant qui les enterre (Lc 19, 22).
Quelle est donc la différence entre Saint Charles Borromée – et avec lui tous les Saints Confesseurs de la Foi – et l’épiscopat actuel ?
La Charité, c’est-à-dire l’amour de Dieu par-dessus toutes choses et l’amour du prochain par amour de Lui. Ce fut, en effet, le feu de la Charité, illuminé par la Foi, qui anima Saint Charles d’un zèle apostolique tout au long de sa vie. Sans la Charité, il aurait laissé les hérétiques dans l’hérésie et n’aurait pas combattu leurs erreurs. Sans la Charité, il n’aurait pas secouru les pauvres, les malades, les pestiférés. Sans la Charité, il n’aurait pas pourvu à la formation des clercs, à la discipline des prêtres et des religieux, à la réforme des mœurs des curés, au décorum de la Sainte Liturgie. Sans la Charité, il aurait demandé aux Catholiques anglais, au nom de l’inclusivité, de dialoguer avec leur reine hérétique, ennemie farouche des ‘‘papistes’’. Sans la Charité, qui nous fait aimer Dieu dans Sa sublime Vérité et détester tout ce qui obscurcit Son enseignement, Saint Charles n’aurait pas participé au Concile de Trente pour définir avec plus de force les points de doctrine catholique contestés par les Luthériens et les Calvinistes, mais il aurait plutôt cherché à amoindrir les divergences théologiques pour ne pas les faire se sentir exclus et jugés. Il aurait marginalisé les bons prêtres et fidèles, les accusant d’être rigides et se moquant d’eux dans ses écrits ou ses homélies. Il ne se serait pas donné la peine de veiller à la moralité du Clergé, mais aurait plutôt promu les indignes afin de s’assurer de leur complicité. C’est-à-dire qu’il aurait agi comme les évêques de Vatican II ou comme les courtisans de Sainte-Marthe, abandonnant les âmes au danger de la damnation éternelle et négligeant ses devoirs de Pasteur et de Successeur des Apôtres. Il aurait démontré ne pas aimer Dieu, parce que celui qui ne Le reconnaît pas tel qu’Il s’est révélé ne peut pas L’aimer dans Ses divines perfections ; et celui qui permet qu’une seule âme se perde loin du Seigneur sans chercher à la convertir, n’aime pas son prochain parce qu’il ne veut pas son bien, mais son approbation ou pire, sa complicité. Si Borromée s’était comporté de cette manière, il se serait aimé lui-même et aurait aimé la projection idéologique de ‘‘son’’ Église, gaspillant les talents reçus, et aujourd’hui nous ne le célébrerions pas dans la gloire des Saints, mais nous nous souviendrions de lui parmi les hérésiarques. Si Borromée s’était comporté selon le « tous, tous dedans » du locataire de Santa Marta, les âmes placées par la Providence sur son chemin pour être sauvées auraient été perdues.
Un contempteur prophétique du « synode sur la synodalité »
Si nous voulons avoir une preuve supplémentaire de l’abîme qui sépare les Saints Pasteurs – et Saint Charles parmi eux – des mercenaires qui aujourd’hui infestent l’Église du Christ, il nous suffit d’imaginer comment il jugerait les participants au Synode sur la synodalité, et ce qu’il dirait de la condamnation par Bergoglio de ceux qui « se limitent à reproposer abstraitement des formules et des schémas du passé », de son appel à une « évolution de l’interprétation » des Saintes Écritures, du culte de la Pachamama, de sa station debout coram Sanctissimo, de la Déclaration d’Abou Dhabi, du rôle allégué aux femmes dans le gouvernement de l’Église, du désir d’abolir le célibat sacré, de l’admission des concubins et des divorcés-remariés à la Communion, de la bénédiction des unions homosexuelles et de la promotion de l’idéologie LGBTQ+, de sa sponsorisation d’un sérum nocif et mortel, et d’être devenu un partisan zélé de l’Agenda 2030. Et nous ne pensons pas que la réaction de Saint Charles serait une exception : il n’y a pas un seul des Saints, des Docteurs, des Papes jusqu’à Pie XII inclus, qui approuverait tout ce qui se passe au Vatican. Au contraire, tous sans distinction reconnaîtraient dans l’action de gouvernement et de pseudo-magistère de ces dernières décennies – et du présent « pontificat » en particulier – l’œuvre de l’Ennemi infiltré dans l’enceinte sacrée, et n’hésiteraient pas à la condamner sans appel, et avec elle ses promoteurs, de même que tous condamnèrent les erreurs de leur temps et multiplièrent leurs efforts pour protéger le troupeau qui leur avait été confié et pour le confirmer dans la Vérité.
L’Église et l’anti-église se font face, en ce moment historique, afin qu’apparaisse dans toute sa dure réalité le mysterium iniquitatis que nous avons vu jusqu’à présent émerger épisodiquement, et énergiquement combattu de la part des Saints Pasteurs, au cours de l’Histoire.
D’une part, l’Église du Christ, acies ordinata, mue par la Charité dans la Foi pour la gloire de Dieu et la sanctification des âmes, dans la gratuité de la Grâce.
Semper eadem, dans l’immuabilité qui lui vient de son Chef, qui est Dieu parfait et dont la Parole est stable pour toujours. D’autre part, la synagogue de Satan, l’anti-église conciliaire et synodale, dont les ministres corrompus sont poussés par l’intérêt personnel, par la soif de pouvoir et de plaisirs, aveuglés par l’orgueil qui les fait se préférer à la Majesté de Dieu et au salut des âmes : une secte de traîtres et de renégats qui ne reconnaissent aucun principe immuable mais qui se nourrissent de provisoire, de contradictions, de équivoques, de tromperies, de mensonges, de chantage crasseux. Cette anti-église ne peut être qu’intrinsèquement révolutionnaire, parce que sa subversion de l’ordre divin n’admet a priori rien d’éternel, et précisément l’abhorre en tant qu’immuable, parce qu’elle ne peut pas le falsifier, puisqu’il n’y a rien à ajouter ou à modifier à la perfection. La révolution permanente, qui caractérise la structure ecclésiastique actuelle, a séduit de nombreux fidèles et clercs par la flatterie de la mentalité libérale et de la pensée hégélienne, faisant croire à de nombreux modérés que leur vie momentanément tranquille suffit à garantir une impossible coexistence entre Tradition et Révolution, par le seul fait qu’on leur permet de célébrer l’ancienne Messe en échange de l’acceptation du compromis et de la non-remise en question de Vatican II, comme les Juifs avec les prêtres de Baal au temps du prophète Élie.
Nihil est innovandum – rien ne doit être changé
L’adage catholique Nihil est innovandum – rien ne doit être changé – n’est pas un retranchement stérile dans des positions préconçues par peur de faire face à ce qui est nouveau, comme voudraient nous le faire croire les faux pasteurs qui ont infiltré l’Église. Au contraire, il exprime la conscience sereine que la Vérité du Christ – qui est le Christ Lui-même, Λόγος, Verbe éternel du Père, Alpha et Oméga – ne connaît pas la corruption du temps, parce qu’Il appartient à la perfection de Dieu : veritas Domini manet in æternum (Ps 116, 2). C’est pourquoi il n’y a pas, et il ne peut pas y avoir, de changement substantiel dans l’enseignement de l’Église : parce que son Magistère est et doit être celui de son divin Fondateur. Et s’il y a quelque chose que le bien des âmes exige de voir mis en lumière, cela doit toujours et dans tous les cas consister dans notre réforme personnelle, c’est-à-dire reconduire à la fidélité de la forme originelle notre réponse à l’enseignement immuable de Notre-Seigneur. Car ce n’est pas la perfection éternelle de Dieu qui doit se conformer à notre misérable mutabilité, mais notre infidélité qui doit avoir pour modèle et pour but la conformité de la volonté de Dieu : sicut in cœlo et in terra.
Pour la première fois dans l’Histoire, dans cette bataille entre Église et anti-église, la première est non seulement marginalisée et persécutée, mais elle se trouve aussi dépouillée de l’autorité suprême du Pontife Romain, usurpée et utilisée pour la démolir dans ses fondements, pour officialiser une transition commencée il y a soixante ans. Un navire sans timonier dans une grande tempête (Dante, Inf. VI, 77). Si nous n’avions pas la promesse du Christ avec le Non prævalebunt, nous croirions que les portes de l’enfer sont maintenant triomphantes. Mais nous savons que la victoire apparente de l’Ennemi est d’autant plus proche de la fin que l’arrogance de ceux qui osent défier Notre-Seigneur est grande, et que nos tribulations sont le châtiment béni d’ici-bas par lequel Il nous purifie, en mettant devant nous l’horreur de l’apostasie d’un pape, et avec lui de tant d’évêques. Rendons donc grâce à la Majesté divine d’avoir laissé tomber tant de masques, derrière lesquels se cachaient des âmes perdues. Ces masques sont tombés surtout pendant la farce du Synode sur la synodalité, et qui nous permettent de comprendre combien les paroles du Seigneur sont vraies et actuelles : « Nul ne peut servir deux maîtres » (Lc 16, 13).
Avec la Charité, il y a toujours la sainte Humilité qui nourrit cette Vertu théologale.
Saint Charles était un homme et un pasteur vraiment humble. Non pas en se dépouillant de la dignité cardinalice ou épiscopale ; non pas en se comportant ou en parlant d’une manière grossière en affectant la simplicité ; non pas en faisant étalage d’une pauvreté feinte suivi par des photographes, ni en baisant les mains des grands usuriers de la Synagogue, ni en simulant la compassion pour les pauvres utilisée comme un étendard idéologique. Saint Charles était humble et pauvre dans le secret, loin des yeux des masses, où seul le Seigneur voit la pureté de nos intentions et la sincérité de notre cœur.
Face à la crise qui afflige la Sainte Église et à l’apostasie de la Hiérarchie, nous devons prendre exemple sur ce qu’a fait Saint Charles, et en même temps éviter de faire ce que Saint Charles a évité : une règle d’or qui nous permettra de discerner comment nous comporter en ces temps terribles. Cela est vrai certainement pour les fidèles, mais surtout pour les ministres de Dieu et pour les religieux, qui peuvent trouver dans le grand Archevêque de Milan un modèle de vie et de sainteté. Un modèle qui reste valable précisément parce qu’il a pour seul but l’amour de Dieu et du prochain, et qu’il ne court pas après l’esprit du siècle et ne cherche pas à plaire au Prince de ce monde. C’est ce que nous invite à accomplir la prière de la Messe : « Ô Dieu, qui avez orné votre Église des réformes salutaires opérées par saint Charles, votre Confesseur et votre Pontife, accordez-nous de sentir sa protection céleste, tandis que sur la terre nous imitons son exemple. » Ainsi soit-il.
+ Carlo Maria Viganò, Archevêque
4 Novembre 2023, In Festo S.cti Caroli Borromæi, Episcopi Mediolanensis et Confessoris
© Traduction de F. de Villasmundo pour MPI relue et corrigée par Mgr Viganò
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