Quatorzième dimanche après la Pentecôte
L’Évangile représente Dieu et Mammon comme d’irréconciliables rivaux : quel autre que Mammon a vu Dieu en personne sacrifié pour trente pièces d’argent sur son vil autel ?

XIV° Dimanche après la Pentecôte – « Nul ne peut servir deux maîtres. » 

A LA MESSE. Regardez-nous, ô Dieu notre protecteur, jetez les yeux sur la face de votre Christ. Ainsi débute aujourd’hui l’Église s’avançant vers l’autel. L’Église est l’Épouse de l’Homme-Dieu et sa gloire ; mais l’Époux, dit saint Paul, est à la fois l’image et la gloire de Dieu et la tête de l’Épouse. C’est donc en toute vérité, comme avec une pleine assurance d’être exaucée, que l’Église, s’adressant au Dieu trois fois saint, le prie de jeter les yeux, en la regardant, sur la face de son Christ. Les gloires futures à la pensée desquelles l’Église tressaille, la dignité de l’union divine qui la rend dès ce monde véritablement Épouse, ne l’empêchent point de sentir le besoin continuel qu’elle a du secours d’en haut. Un seul moment d’abandon du côté du ciel, et elle verrait l’humaine fragilité emporter ses membres à l’abîme de vice que décrit l’Apôtre dans l’Épître, bien loin des vertus qu’il célèbre. Demandons avec notre Mère, dans la Collecte, cette assistance miséricordieuse de tous les instants qui nous est si nécessaire. EPÎTRE. L’Épouse venue pour être couronnée des hauteurs de Sanir et d’Hermon, ne connaît point la servitude du Sinaï. Bien moins encore est-elle soumise à l’esclavage des sens. Sur la montagne où sa tente est fixée jusqu’aux derniers jours, l’Époux a brisé, avec les liens de la loi juive, la chaîne plus terrible encore qui liait tous les peuples, la trame de péché enveloppant les nations. Ses fils sont rois comme elle ; le lait qu’elle leur donne infuse en eux la liberté. Remplis de l’Esprit-Saint qui fait leur noblesse et leur force, ils grandissent sous l’œil du Dieu des armées dans les combats qui conviennent à des princes. Satan a vu leurs luttes glorieuses restreindre son empire. Deux cités se partagent la terre désormais ; et la cité sainte, composée des vainqueurs du démon, du monde et de la chair, tressaille de voir affluer dans son sein l’élite des nations. L’amour supplée à toute loi dans ses murs ; car l’Esprit, qui conduit ses heureux citoyens, dirige leur marche bien au-delà des prescriptions ou des défenses d’une loi quelconque. Avec la charité, la joie et tous ces fruits divins qu’énumère l’Apôtre, y nais sent, comme d’eux-mêmes, sur un sol imbibé des eaux du fleuve qui n’est autre encore que l’Esprit sanctificateur inondant de ses flots la cité de Dieu. Ne nous étonnons point que la nouvelle Sion soit plus aimée du Seigneur que ne le furent toutes les tentes de Jacob autrefois si belles. Depuis que la bénédiction a remplacé la loi sur terre, les serviteurs de Dieu ont fait place à ses fils. Prouvant dans la chair même leur céleste origine, ils vont de vertu en vertu ; sans quitter la vallée des larmes, ils montent incessamment, atteignant les plus hauts sommets de la sainteté, retraçant ici-bas la perfection du Père céleste qui apparaît véritablement comme le Dieu des dieux, entouré qu’il est dans Sion de leur noble cour. La chair et le sang n’ont eu nulle part à leur divine naissance ; la chair et le sang n’en ont point davantage en leur vie renouvelée. Nés de la chair primitivement, ils étaient chair, et faisaient les œuvres de honte citées dans l’Epître, montrant bien en tout qu’ils sortaient du limon ; nés de l’Esprit, ils sont esprit et font les œuvres de l’Esprit malgré la chair qui les enveloppe toujours. Car l’Esprit en leur donnant la vie, les a soustraits, par la force de l’amour, à l’empire du péché qui régnait dans leurs membres ; et, greffés sur le Christ, ils fructifient maintenant pour Dieu. L’homme, asservi par la concupiscence, a donc retrouvé sur la croix de l’Homme-Dieu l’équilibre de son être avec la liberté. La suprématie que l’âme avait perdue en punition de sa révolte contre Dieu lui a été rendue sous les eaux de la fontaine sacrée ; redevenue reine, qu’a-t-elle à faire qu’à châtier l’esclave qui, si longtemps, tyrannisa sa légitime maîtresse ? Certes, de lui-même déjà, l’homme ne doit rien à la chair . Mais de plus, Dieu, insulté par tant d’ignominies commises sous ses yeux trois fois saints, réclame aussi sa vengeance ; et il daigne faire alliance avec l’homme affranchi, en lui confiant la mission d’exercer sur l’usurpatrice ennemie leurs communes représailles. Au reste il y va, dans la continuation de la lutte, de la sûreté même des résultats acquis. Car, bien que réduite à l’impuissance de nuire à ceux qui sont en Jésus-Christ et ne suivent point ses honteuses suggestions, l’ancienne révoltée n’en demeure pas moins toujours en état de rébellion ouverte contre l’esprit, n’épargnant qu’à de rares privilégiés ses importunes attaques, suivant Antoine au désert, souffletant Paul au sortir de ses révélations sublimes. C’est pourquoi, n’eussions-nous aucune faute à expier, la plus élémentaire sagesse nous dicterait encore, contre cette persévérante et trop intime ennemie, des mesures de répression préventive. « Je châtie mon corps, disait l’Apôtre, et je le réduis en servitude, de peur que je ne devienne réprouvé . » La pénitence est une dette de justice, qui s’impose au pécheur ; la mortification est un devoir de haute prudence, qui regarde quiconque ne peut se vanter d’avoir éteint en lui sans retour les feux de la concupiscence. Et qui donc se rendra le double témoignage d’être quitte envers Dieu, et d’avoir étouffé dans son sein tous les germes des basses convoitises ? C’est pourquoi tous les auteurs qui traitent de la conduite des âmes professent, sans exception, qu’aucun homme soucieux de la perfection et du salut ne doit se borner à l’observation des règles de la simple tempérance, qui prohibe l’excès dans l’usage des jouissances de tout genre ; il faut que, s’armant de force, il sache de temps en temps se refuser des plaisirs permis d’ailleurs, s’imposer des privations qui n’étaient pas commandées, aller même au-devant de la souffrance proprement dite, selon le mode et dans la mesure que conseillera un sage directeur. Écoutons entre mille, sur ce sujet, l’aimable et doux saint François de Sales : « Si vous pouvez supporter le jeûne », dit-il, dans l’Introduction à la vie dévote, à sa chère Philothée, « vous ferez bien de jeûner quelques jours outre les jeûnes que l’Église nous commande… ; bien qu’on ne jeûne pas beaucoup, l’ennemi néanmoins nous craint davantage quand il connait que nous savons jeûner. Les mercredi, vendredi et samedi sont les jours lesquels les anciens chrétiens s’exerçaient le plus à l’abstinence. Prenez-en donc de ceux-là pour jeûner, autant que votre dévotion et la discrétion de votre directeur vous le conseilleront….. La discipline a une merveilleuse vertu pour réveiller l’appétit de la dévotion, étant prise modérément. La haire matte puissamment le corps… ; ès jours plus signalés de la pénitence, on la peut employer avec l’avis d’un discret confesseur. » Ainsi s’exprime le docte et pieux évêque de Genève, malgré sa douceur ; et c’est aux personnes vivant dans le monde que s’adressent ses instructions. C’est qu’en effet, dans le monde comme dans le cloître, la vie chrétienne, dès qu’on la prend au sérieux, exige cet incessant combat de l’esprit contre la chair, faute duquel celle-ci reprend bientôt son empire usurpé et réduit l’âme à l’impuissance, en éteignant ses premières aspirations vers la vertu dans la torpeur d’un engourdissement fatal, quand elle ne la replonge pas d’un seul bond dans la fange. Qu’on ne craigne point, au reste, que l’affabilité des rapports sociaux ait rien à souffrir de cette énergie que le chrétien saura déployer contre lui-même : la vertu qui repose sur l’oubli de soi jusqu’à aimer pour Dieu la souffrance et la gêne, n’enlève rien aux grâces de qui la possède, ni aux charmes de la société où elle se rencontre ; et il n’est point de parure, quand c’est J’amour du Christ Jésus qui préside à son agencement, où les bijoux de la pénitence ne sachent très bien trouver leur place sans faire nul tort à ceux du siècle. Quelle leçon ne réserve pas le jour du jugement à tant de chrétiens, tièdes et lâches, qui pensent que tout autour d’eux partage sur ce point la mollesse où ils s’endorment si volontiers ! Alors ils verront, révélées au grand jour, les pieuses industries que le culte de la croix suggérait, pour crucifier leur chair au sein même des plaisirs, à tels et telles dont l’aménité faisait le plus bel ornement de leurs fêtes mondaines. Et ne faut-il pas reconnaître qu’il en doit être ainsi d’ailleurs, à moins de dire que le christianisme et l’amour divin ne sont plus de ce monde ? Comment aimer Jésus, l’homme de douleurs, sans aimer ses souffrances ? Comment prétendre marcher après lui, si l’on n’est pas dans la voie du Calvaire ? Si quelqu’un veut venir après moi, dit l’Homme-Dieu, qu’il se renonce lui-même, qu’il porte sa croix tous les jours, et qu’il me suive. Et l’Église qui ne fait qu’un avec son Époux, qui le complète en toutes choses, poursuivant et développant sa vie d’expiation et de réparation à travers les siècles, l’Église demande à ses fils l’accomplissement de cette tâche sublime que l’Apôtre exprimait par ces mots : Je supplée à ce qui manque aux souffrances de Jésus-Christ, en souffrant dans ma chair pour son corps qui est l’Église. Tâche sublime en effet, toute filiale du côté qui regarde l’Église, mais aussi toute divine et déifiante, considérée entre le Verbe et l’âme qu’il daigne élever au-dessus des anges à ce point de l’appeler en part du calice réservé par le Père souverain à son humanité-sainte. C’est là vraiment l’intimité de l’Épouse ; c’est le breuvage dont la vertu confond leurs deux vies en une seule ; et l’on ne doit pas s’étonner si l’ivresse douloureuse qu’ils puisent à l’envi dans la coupe sacrée donne une telle force à leur union, que la créature redescend parfois de l’extase marquée dans son âme, et dans sa chair même, des plaies du divin Crucifié. Mais que le Seigneur daigne ou non communiquer d’une manière invisible ou visible à sa bien-aimée les stigmates de son amour, la souffrance, sous ses mille formes, est le sceau royal qui donne ici-bas son cachet d’authenticité le plus sûr au contrat de l’union divine. Plusieurs, qui tressaillent d’une pieuse envie au récit des faveurs gratuitement accordées à quelques âmes saintes, reculeraient terrifiés devant l’exposé des épreuves qu’elles ont dû traverser pour gagner ces sommets mystérieux. Après même que les épreuves purifiantes dont nous avons parlé ailleurs sont accomplies, le rendez-vous du Cantique n’en demeure pas moins fixé toujours au mont de la myrrhe qui signifie la souffrance ; la myrrhe est le premier des parfums que le Verbe divin recueille au jardin symbolique, le seul qu’il nomme entre tous ; la myrrhe découle des mains de l’Épouse et remplit ses doigts ; il est lui-même au sein de son élue le bouquet de myrrhe, et c’est la myrrhe que distillent pour elle ses lèvres d’Époux. Ne prétendons point, dans notre misère, être emportés jamais par l’Esprit jusqu’aux cimes élevées de la vie mystique où l’union divine produit les merveilleux résultats cités plus haut ; mais rappelons-nous que ni l’intensité, ni le mérite de l’amour, ni la réalité même de l’union effective ne dépendent de ces manifestations extérieures. Il doit nous suffire, pour aimer, pour rechercher la souffrance, de nous souvenir par la foi qu’elle a été toute la vie de Celui qui désire et mérite si bien être l’unique objet de nos affections et de nos pensées. Nous sommes les membres d’un Chef couronné d’épines : pourrions-nous ne rêver que délices et fleurs ? N’oublions point que tous les saints, au ciel, doivent reproduire les traits de l’Adam nouveau ; le Père éternel n’admet dans sa maison que des images de son Fils. L’Église chante, au Graduel, la bienheureuse confiance qu’elle a mise dans le Seigneur son Époux. Le Verset alléluiatique invite ses fils à se réjouir comme elle en Dieu leur Sauveur ÉVANGILE. La vie surnaturelle, pour arriver à son plein épanouissement dans les âmes, doit triompher de trois ennemis que saint Jean a nommés la concupiscence de la chair, la concupiscence des yeux et l’orgueil de la vie. Nous venons de voir, dans l’Épître du jour, l’obstacle opposé par le premier de ces ennemis à l’Esprit-Saint et la manière de le surmonter ; l’humilité, sur laquelle l’Église a ramené plus d’une fois notre attention dans les Dimanches précédents, est le renversement de l’orgueil de la vie ; la concupiscence des yeux, ou l’attache aux biens de ce monde qui n’ont de biens que le faux nom et l’apparence trompeuse, est l’objet de l’Évangile qu’on vient d’entendre. « Personne, dit l’Homme-Dieu, ne peut servir deux maîtres ; » et ces deux maîtres dont il parle sont Dieu et Mammon, c’est-à-dire la richesse. Non que la richesse soit mauvaise par elle-même. Acquise légitimement et employée suivant la volonté du Seigneur suprême, elle sert à gagner les vrais biens, à entasser par avance dans l’éternelle patrie des trésors qui ne craignent point les voleurs ou la rouille. Quoique la pauvreté soit la noblesse des cieux depuis que le Verbe divin Fa épousée, c’est une grande mission que celle du riche, établi pour faire valoir, au nom du Très-Haut, les diverses parties de la création matérielle. Dieu daigne remettre à ses soins la nourriture et l’entretien de ses fils les plus aimés, des membres dénués et souffrants de son Christ ; il l’appelle à se faire le soutien des intérêts de son Église, le promoteur des œuvres du salut ; il lui confie la splendeur de ses temples. Heureux et digne de toute louange est celui qui ramène directement ainsi à la gloire de leur auteur les fruits de la terre et les métaux qu’elle renferme en son sein ! Qu’il ne craigne point : ce n’est pas à lui que s’adressent les anathèmes tombés si souvent de la bouche de l’Homme-Dieu sur les riches et les heureux du siècle. Lui n’a qu’un maître : le Père qui est aux cieux, dont il se reconnaît humblement l’économe. Mammon ne le domine pas ; car, au contraire, il en a fait son esclave et l’a mis au service de son zèle. Le soin qu’il prend pour administrer ses biens dans la justice et la charité, n’est point celui que condamne l’Évangile ; car en cela même il suit la parole du Seigneur, cherchant d’abord le royaume de Dieu ; et la richesse qui passe par ses mains en bonnes œuvres ne distrait point ses pensées du ciel où est son trésor et son cœur. Tout autrement en est-il, quand la richesse n’est plus envisagée comme un simple moyen, mais devient le but de l’existence, au point défaire négliger et parfois oublier à l’homme sa fin dernière. Les voies de l’avare ravissent son âme, dit l’Esprit-Saint. C’est qu’en effet, explique l’Apôtre à son disciple Timothée, l’amour de l’argent précipite l’homme dans la tentation et les filets du diable par la multitude des désirs pernicieux et vains qu’il engendre ; il l’enfonce toujours plus avant dans l’abîme, lui faisant vendre au besoin jusqu’à sa foi. Et cependant plus l’avare amasse, et moins il dépense. Garder chèrement son trésor, le contempler, ne penser qu’à lui quand la nécessité l’en éloigne, c’est là toute sa vie ; sa passion tourne en idolâtrie. Mammon bientôt, en effet, n’est plus seulement pour lui un maître aux ordres primant tous les autres ; c’est un dieu devant qui, courbé jour et nuit, l’avare immole amis, parents, patrie et lui-même, dévouant son âme à son idole, et lui jetant tout vivant, dit l’Ecclésiastique, ses propres entrailles. Ne soyons point étonnés que notre Évangile représente Dieu et Mammon comme d’irréconciliables rivaux : quel autre que Mammon a vu Dieu en personne sacrifié pour trente pièces d’argent sur son vil autel ? Est-il un ange déchu dont la hideuse gloire rayonne d’un plus sinistre éclat sous les voûtes infernales, que le démon du gain, auteur du marché qui livra aux bourreaux le Verbe éternel ? Le déicide est à la charge des avares ; leur misérable passion, que l’Apôtre qualifie de racine de tous les maux, revendique légitimement le plus grand des crimes que le monde ait commis. Mais, sans aller jusqu’aux excès qui firent dire aux auteurs inspirés des livres eux-mêmes de l’ancienne alliance : « Rien de plus criminel que l’avare, rien de plus inique que d’aimer l’argent, » il est facile de se laisser entraîner, au sujet des biens de ce monde, à une sollicitude exagérée, dépassant celle que permet la prudence. Le Créateur qui ne néglige ni les oiseaux du ciel, ni les lis des champs, oublierait-il, soit de nourrir, soit de vêtir l’homme même, pour qui furent faits les oiseaux et les lis ? Depuis surtout que l’homme peut dire à Dieu : Mon Père, l’inquiétude que condamne la simple raison serait pour des chrétiens une injure à Celui dont ils sont les fils. Leur bassesse d’âme mériterait l’abandon du Seigneur de toutes choses. Si répondant au contraire à leur noblesse de race, ils cherchent avant tout ce royaume de Dieu dont la couronne est pour eux dans la vraie patrie, les biens de la vallée d’exil leur sont assurés par la parole expresse du Seigneur même, dans la mesure utile au voyage qui les conduit au ciel. Quelle ineffable suavité dans ces déductions du Sauveur ! Vouloir y ajouter d’humaines paroles serait en diminuer le charme et la force à la fois. Insistons seulement pour faire observer que la préoccupation blâmée ici comme un manque de confiance envers le Père qui est aux cieux, serait, en outre, la preuve d’une attache incompatible avec la perfection de la vie chrétienne et le désir d’avancer dans les voies de l’union divine. La Vie unitive n’est fermée à aucun des états de ce monde ; mais c’est à la condition pour l’âme de se dégager des liens qui l’empêchent de monter vers son Dieu. Le religieux brise ces liens par ses trois vœux, qui répondent directement aux efforts de la triple concupiscence ; le séculier qui désire, quoique dans le monde, répondre autant que possible à l’appel du Seigneur, doit arriver, sans l’aide de cette séparation effective, à se détacher non moins complètement de sa volonté propre, de ses sens et des biens qu’il possède, pour n’avoir plus de regards et d’aspirations qu’au ciel où réside son amour. S’il ne fait pas en sorte d’être, au sein même des richesses, aussi pauvre d’esprit que l’est de fait le religieux, sa marche se trouve arrêtée dès le premier degré de l’échelle contemplative ; tant qu’il n’aura pas triomphé de l’obstacle, il ne doit pas compter s’élever, dans la vie et l’amour, au-dessus des sentiers du grand nombre. L’Offertoire, comme les autres parties de cette Messe, est tout à la confiance. Le chef des milices de Dieu, l’archange Michel dont la fête approche, et que l’Église invoque tous les jours dans la bénédiction de l’encens à ce moment du Sacrifice, n’est-il pas là pour garder ceux qui craignent le Seigneur ? Demandons, dans la Secrète, que l’hostie offerte sur l’autel purifie notre âme par sa vertu et détermine la divine puissance à se montrer en notre faveur. L’Antienne de la Communion, tirée de l’Évangile qui est aujourd’hui celui du présent Dimanche, ne se trouvait pas ici primitivement ; les anciens liturgistes n’en font point mention à cette place, et on ne l’y rencontre dans aucun des manuscrits consultés par le Bienheureux Tommasi pour la publication de son Antiphonaire. La composition de cette Messe et de quelques autres présente au reste, historiquement, plus d’une autre variante ; mais ces détails, si intéressants qu’ils soient d’ailleurs, relèvent trop exclusivement de l’érudition, et nous ne pourrions y entrer sans changer le caractère de cet ouvrage. Pureté croissante, protection du ciel et persévérance finale, tels sont les fruits précieux de la fréquentation des Mystères. Obtenons-les, en priant avec l’Église dans la Postcommunion.

Saint Pie X, Pape et Confesseur, trois septembre
«Tout restaurer dans le Christ».

Sanctoral 

Saint Pie X, Pape et Confesseur [Fête de 1ère classe dans la Fraternité Saint-Pie X]

Joseph Sarto naquit le 2 juin 1835, à Riese, en Italie. À neuf ans, il confie déjà à sa mère son désir de devenir prêtre. À onze ans, au jour de sa première communion, il promet à Dieu de rester chaste et de se consacrer à Son service. Après quelques années d’études, il entre au Grand Séminaire de Padoue. Sa soumission et sa piété exemplaires, sa franche bonté et ses qualités d’esprit donnent de grandes espérances. Prêtre à 23 ans, il s’acquitte de ses devoirs sacerdotaux avec zèle. D’abord vicaire à Tombolo puis curé à Salzano, il se signale par son dévouement et sa charité surtout auprès des pauvres campagnards. Le choléra ayant éclaté, il soigne ses paroissiens jour et nuit, les administre, les ensevelit. Conscient de sa tâche de pasteur, il partage son temps soit auprès des pauvres, soit au confessionnal ou à genoux au pied du St-Sacrement. Tant de désintéressement et de vertu le mettent en vue. Bientôt l’abbé Sarto doit accepter l’évêché de Mantoue. Évêque, il se propose d’être tout à tous : «Mon peuple me trouvera toujours ferme à mon poste, toujours doux et plein de charité.»  Sous les ornements de l’évêque, le peuple sent battre un cœur de père. Créé cardinal puis Patriarche de Venise, Mgr Sarto reste toujours pauvre, au service des humbles  «Né pauvre, disait-il, je veux vivre pauvre et mourir pauvre.»  À la mort de Léon XIII, en 1903, il est appelé à lui succéder sur le siège de saint Pierre. Devant ce choix inattendu, celui qui avait toujours désiré demeurer simple curé de campagne ne sait que balbutier la prière de l’agonie : «Que ce calice s’éloigne de moi…  Que la volonté de Dieu soit faite…»  Puis il finit par dire : «J’accepte… comme une croix!»  Devenu Pie X, sa première et mémorable encyclique trace les grandes lignes de son pontificat : «Tout restaurer dans le Christ». Pape de l’Eucharistie, son pontificat se distingue par ses décrets au sujet de la communion précoce et fréquente, de la liturgie et de la catéchisation. Épris d’amour pour l’Église, il oppose fermement aux attaques pernicieuses contre la Foi, une pureté de doctrine sûre puisée aux sources de l’Évangile. Il condamne notamment l’hérésie moderniste et opère de grandes réformes dans le clergé : «Faites votre devoir, répète-t-il aux prêtres, et tout ira bien.»  À la veille d’une guerre mondiale qu’il sait imminente, Pie X, brisé d’angoisse, s’offre en victime pour l’Église et l’humanité. Il s’éteint doucement le 20 août 1914. Pie XII l’a canonisé le 29 mai 1954.

Sainte Séraphie ou Sérapie, Vierge et Martyre, trois septembre
Séraphie fut dénoncée comme propagatrice de la foi de Jésus-Christ et saisie par les soldats romains.

Sainte Séraphie ou Sérapie, Vierge et Martyre

Sainte Séraphie ou Sérapie naquit à Antioche, de parents chrétiens, qui passèrent bientôt en Italie. C’est là que la jeune fille devint orpheline. Pour éviter les obsessions de ceux qui la recherchaient en mariage, elle vendit tous ses biens, en donna le prix aux pauvres et se vendit elle-même comme esclave pour vivre au service d’une dame romaine nommée Sabine. La douceur de Séraphie, sa docilité, son amour pour le travail, sa charité, lui gagnèrent l’affection de sa maîtresse, et elle en profita pour l’attirer à Jésus-Christ. Elle réussit à lui faire comprendre la folie des superstitions du paganisme, plus encore par ses exemples que par ses paroles. Sabine reçut le baptême dans les sentiments de la foi la plus vive, et se consacra au service de Dieu. Sabine n’était pas la seule conquête de Séraphie; aussi cette dernière fut-elle dénoncée comme propagatrice de la foi de Jésus-Christ et saisie par les soldats romains. Sabine ne voulait point se séparer d’elle; mais elle ne subit le martyre que plusieurs années après. « Sacrifie aux dieux, dit le juge à Séraphie. Je crains et j’adore le Dieu tout-puissant, répond la courageuse vierge; quant à vos dieux, ils sont des démons, un chrétien ne peut les adorer.  Eh bien! Sacrifie à ton Dieu sur cet autel!  Je lui offre chaque jour le sacrifice qu’Il aime.  Où est le temple de ton Christ, et quel sacrifice Lui offres-tu?  Je suis moi-même Son temple, si je suis pure; je Lui offre le sacrifice d’une vie sainte et les âmes que je convertis à la foi. » Le juge eut alors l’idée diabolique de la corrompre: mais Dieu sut la protéger. Le lendemain elle opéra un grand miracle en présence d’une foule de personnes. « Apprends-moi tes secrets magiques, Séraphie, dit le juge, et tu seras mise en liberté. Je ne connais point la magie, mais je suis chrétienne, et mon Dieu accorde des merveilles à ceux qui Le prient.  Sacrifie, ou tu vas mourir. Fais ce que tu voudras, je suis chrétienne. » Séraphie fut alors battue de verges. Pendant que le juge cruel présidait à ce supplice, un éclat de verge lui sauta dans l’oeil et le blessa grièvement, si bien qu’il perdit l’oeil complètement, trois jours après. La jeune martyre fut aussitôt condamnée à avoir la tête tranchée. C’était le 29 juillet 119. Sabine recueillit son corps comme un trésor inestimable, l’embauma et lui donna la sépulture dans le tombeau qu’elle avait préparé pour elle-même.

Martyrologe

Saint Pie X, pape, dont l’anniversaire est commémoré le treizième jour des calendes de septembre.

A Corinthe, l’anniversaire de sainte Phoebé, dont le bienheureux Apôtre Paul fait mention dans l’épitre aux Romains.

A Capoue, les saints martyrs Aristée évêque, et Antonin, encore enfant.

Le même jour, l’anniversaire des saints martyrs Aigulphe, abbé de Lérins, et des moines ses compagons. Ils eurent la langue coupée, les yeux arrachés et furent ensuite décapités.

De plus, les saints martyrs Zénon et Chariton, dont l’un fut jeté dans une chaudière remplie de plomb en fusion, l’autre dans une fournaise ardente.

A Cordoue, en Espagne, saint Sandale martyr.

A Aquilée, les saintes vierges et martyres Euphémie, Dorothée, Thècle et Erasme. Après de nombreux tourments, elles furent mises à mort par le glaive, sous l’empereur Néron et le préfet Sébaste; saint Hermagoras leur donna la sépulture.

A Nicomédie, la passion de sainte Basilisse, vierge et martyre. Elle avait neuf ans lorsque, pendant la persécution de l’empereur Dioclétien et sous le préfet Alexandre, elle triompha par la puissance divine des fouets, du feu et des bêtes, convertit à la foi du Christ le préfet lui-même, puis, hors de la ville, rendit son âme à Dieu au cours de sa prière.

A Toul, en Gaule, saint Mansuy, évêque et confesseur.

A Milan, la mise au tombeau de saint Auxane évêque.

Le même jour, saint Siméon Stylite le Jeune.

A Rome, la translation de sainte Sérapie, vierge et martyre, qui souffrit le 4 des calendes d’août (29 Juillet).

A Rome encore, l’élévation au souverain pontificat de saint Grégoire le Grand, cet homme incomparable qui, contraint d’accepter cette charge, répandit de ce trône sublime sur tout l’Univers les rayons d’une éclatante sainteté.

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