Douzième dimanche après la Pentecôte
Douzième dimanche après la Pentecôte
C’est l’Evangile du bon Samaritain qui donne aujourd’hui son nom au douzième Dimanche après la Pentecôte.

Douzième dimanche après la Pentecôte« Le Christ, le bon Samaritain et le Moïse glorifié »

 L’Introït débute par le beau verset du psaume LXIX : O Dieu, venez à mon aide ; Seigneur, hâtez-vous de me secourir ! Dans sa dixième Conférence, Cassien montre comment ce cri de l’âme convient à tous les états et répond à tous les sentiments. Durand de Mende en fait application dans la circonstance présente à Job, parce que les lectures de l’Office de la nuit tirées du Livre où sont racontées ses épreuves se rencontrent quelquefois, quoique rarement, avec ce Dimanche. Rupert y voit de préférence les accents du sourd-muet, dont la guérison mystérieuse faisait, il y a huit jours, l’objet de nos méditations. « Le genre humain dans la personne de nos premiers parents, dit-il, était devenu sourd pour écouter les commandements du Créateur, et muet pour chanter ses louanges ; le premier mouvement de sa langue déliée par le Seigneur est pour invoquer Dieu. » C’est aussi chaque matin le premier élan de l’Église, comme sa première parole à chacune des Heures du jour et de la nuit. Il arrive souvent, on l’a remarqué et nous en avons donné la raison, que la Collecte des Messes du Temps après la Pentecôte n’est pas sans rapport avec l’Évangile du Dimanche précédent. L’Oraison qui suit se prête elle-même à ce rapprochement. Il y a huit jours, l’Évangile nous rappelait que l’homme, inhabile naguère au service de son Créateur, ayant retrouvé par la divine bonté ses aptitudes surnaturelles, s’exprime depuis lors comme il convient dans la langue de la louange, loquebatur recte. L’Église, partant de cette conclusion du récit sacré, dit aujourd’hui à Dieu : « Dieu tout-puissant et miséricordieux, de la grâce de qui vient que vos fidèles vous servent comme il convient et d’une façon digne de louange ; accordez-nous, selon notre prière, de courir sans broncher dans la voie qui conduit aux biens que vous avez promis. Par notre Seigneur. » ÉPITRE. Les promesses vers lesquelles la dernière partie de la Collecte élevait nos pensées se dessinent dans l’Épître. Les quelques lignes qu’on vient d’entendre paraissent, il est vrai, s’appliquer seulement à la gloire du ministère apostolique. Mais la gloire des apôtres est celle de celui qu’ils annoncent ; et cette gloire unique, qui est la sienne, le Christ chef la communique dans l’unité à tous ses membres. Le rayonnement divin comme la vie divine s’échappent à la fois de cette tête sacrée par tous les canaux de la sainte Église ; s’ils arrivent aux chrétiens dans des proportions différentes, la différence ne vient pas de la nature diverse de ce rayonnement et de cette vie pour les uns ou les autres. Chaque membre de l’Homme-Dieu, dans son corps mystique, est appelé à se faire à lui-même son degré de capacité pour la gloire : non sans doute, comme le dit l’Apôtre, que nous soyons capables d’avoir, de notre fonds, même une pensée ; mais quelle diversité ne se rencontre pas dans la manière dont les hommes savent faire valoir en eux le fonds divin constitué par la grâce ! Oh ! si nous connaissions le don de Dieu! Si nous comprenions la dignité suréminente réservée, sous la loi d’amour, à tout homme de bonne volonté ! Peut-être nos lâchetés céderaient enfin ; peut-être nos âmes s’éprendraient-elles de la noble ambition qui fait les saints. Du moins saurions-nous que l’humilité chrétienne, dont on nous parlait dans les dimanches précédents, n’est point l’abaissement vulgaire d’une âme dégénérée, mais l’entrée glorieuse dans la voie qui conduit par l’union divine au seul anoblissement véritable. Funeste inconséquence des hommes, qui, passionnés à bon droit pour la gloire, rétrécissent eux-mêmes leurs horizons dans les fumées de l’orgueil, et se laissent détourner par les hochets de la vanité de la recherche des honneurs que leur réservait dès ce monde, sous l’œil de Dieu et de ses saints, la Sagesse éternelle ! Au nom donc de nos intérêts les plus chers, les mieux entendus, écoutons l’Apôtre et laissons-nous gagner par son céleste enthousiasme. Nous pénétrerons sa pensée davantage, en la suivant au-delà du passage choisi pour Épître en ce Dimanche. Comme toujours, l’Église n’a pas de plus grand désir que de voir ses enfants continuer eux-mêmes, en dehors de la sainte Liturgie, les lectures forcément abrégées dans l’assemblée commune ; cette réflexion s’applique d’autant mieux aujourd’hui, que la seconde lettre aux Corinthiens s’offre à nous pour la première et la dernière fois dans cette partie de l’année. Quelle est donc cette gloire du Testament nouveau dont la grandeur fait tressaillir l’Apôtre, et près de laquelle celle de l’ancien s’éclipse tellement à ses yeux ? Certes, pourtant, l’alliance du Sinaï ne fut pas sans splendeur. Jamais la majesté, la toute-puissance et la sainteté du Très-Haut ne s’étaient manifestées à la fois comme au jour où, rassemblant au pied de cette montagne fameuse les descendants des douze fils de Jacob devenus un peuple immense, il renouvela miséricordieusement avec eux tous le pacte conclu avec leurs pères et leur donna sa loi dans l’appareil redoutable décrit au livre de l’Exode. Mais cette loi, gravée par le doigt de Dieu sur la pierre, ne l’était point pour cela dans les cœurs ; et sa sainteté n’empêchait pas le péché qu’elle condamnait de régner au fond des âmes. Moïse, qui l’apportait, descendait de l’auguste montagne resplendissant des rayons mêmes de la Divinité ; mais le rayonnement qui s’échappait du front du chef d’Israël, ne devait pas se communiquer au peuple qu’il avait à conduire ; il lui restait personnel, non moins que la faveur qu’il avait eue de traiter face à face avec Dieu ; il disparut avec lui, marquant par sa durée transitoire le caractère de ce ministère qui devait cesser à l’avènement du Messie, comme la lumière empruntée qui brille durant la nuit s’efface d’elle-même à l’arrivée du jour. Et comme pour mieux marquer que le temps n’était pas venu encore où Dieu manifesterait directement sa gloire, la vue des Juifs du Sinaï se trouvant impuissante à porter l’éclat de la face de Moïse, celui-ci dut désormais voiler son visage, quand il voulut parler à son peuple. C’est qu’en effet, tout emprunté qu’il fût, l’éclat de son front représentait la gloire de l’alliance future dont les splendeurs étaient appelées à rayonner, non plus sans doute extérieurement, mais dans nos cœurs à tous, en nous montrant la lumière même de Dieu sur la face du Christ Jésus : lumière vivante et vivifiante qui n’est autre que le Verbe divin, la Sagesse du Père, et que l’énergie des sacrements, aidée de la contemplation et de l’amour, fait passer de l’humanité de notre Chef adoré au plus intime des âmes. Ce Dimanche, nous le verrons, doit ramener encore le souvenir de Moïse ; mais là est bien pour le chef hébreu le secret de sa vraie et de sa durable grandeur. De même qu’Abraham fut plus grand dans la postérité spirituelle issue de sa foi que dans sa race selon la chair, la gloire de Moïse est moins d’être resté quarante années durant à la tête du peuple ancien, que d’avoir représenté pleinement dans sa personne le rôle du Christ-Roi et les prérogatives du nouveau peuple. Le gentil est délivré de la loi de la crainte et du péché par la loi de la grâce qui non seulement déclare, mais donne la justice ; le gentil, devenu l’enfant de Dieu, traite avec lui dans la liberté qui vient de l’Esprit d’amour. Mais il n’a pas de type plus parfait, sous l’ancienne alliance, que le législateur même d’Israël trouvant grâce devant le Seigneur au point d’être admis à la contemplation de sa gloire, et s’entretenant avec lui familièrement dans les sentiments d’une admirable confiance, comme l’ami fait avec son ami. De même que le Seigneur se montrait à lui directement, autant qu’il se peut pour un homme ici-bas, et sans intermédiaire de représentations figurées, Moïse, quand il allait vers Dieu, découvrait son visage voilé dans les autres temps comme nous avons dit. Même aujourd’hui, le juif s’obstine à garder entre lui et le Christ ce voile qui est tombé pour le reste du monde ; mais le chrétien, possédé de la sainte audace dont parle l’Apôtre, écarte aussi pour aller à son Dieu les intermédiaires, et rejette loin de lui tous les voiles des figures. Aussi, dit saint Paul, contemplant à découvert la gloire du Seigneur dans le miroir de son Christ, nous sommes transformés de clarté en clarté par son Esprit-Saint dans la même image, devenant d’autres christs, semblables comme Jésus-Christ à Dieu son Père. Ainsi est accomplie la volonté de ce Père souverain pour la sanctification des élus. Dieu se retrouve en ces prédestinés devenus conformes, dans la belle lumière divine, à l’image de son Fils. Il peut redire pour chacun d’eux la parole du Jourdain et du Thabor : Celui-ci est mon fils bien-aimé en qui j’ai mis mes complaisances. Il fait d’eux son vrai temple, réalisant la parole qu’il avait dite autrefois : « J’habiterai en eux et je marcherai dans leur compagnie. De l’Orient et de l’Occident, de l’Aquilon et du Midi ils viendront à moi, et je les recevrai ; je serai leur père, et ils seront mes fils et mes filles ». Telles sont les promesses dont l’accomplissement doit nous exciter, dit l’Apôtre, à parfaire l’œuvre de notre sanctification dans la plus exacte pureté du corps et de l’âme, dans la crainte et l’amour. Telle est cette gloire du Testament nouveau, cette gloire de l’Église et de toute âme chrétienne, qui dépasse immensément les splendeurs de l’ancienne alliance et le rayonnement de la face de Moïse. Quoique ayant ce trésor ici-bas en des vases d’argile, nous ne devons pas pour cela défaillir, mais bien plutôt nous réjouir de cette faiblesse qui relève en nous la vertu de Dieu, et mettre à profit nos misères et la mort même pour manifester davantage la vie du Seigneur Jésus dans notre chair mortelle. Qu’importe à notre foi et à nos espérances, si en nous l’homme extérieur s’en va et tombe en ruines, quand l’intérieur se renouvelle de jour en jour ? La souffrance légère et passagère du moment produit en nous un poids éternel de gloire. Contemplons donc, non ce qui se voit, mais l’invisible ; car ce qui se voit passe, mais l’invisible est éternel. Le genre humain, délivré de son mutisme séculaire et comblé du même coup des dons divins, chante, au Graduel, la reconnaissance qui déborde en son cœur. ÉVANGILE. Le Docteur des nations exaltait la gloire du Testament nouveau dans l’Épître. Celui dont Paul n’était que le serviteur, l’Homme-Dieu, nous révèle dans l’Évangile la perfection de cette loi glorieuse qu’il est venu donner au monde. Et comme pour renouer en quelque sorte les enseignements de sa bouche divine à la parole de son Apôtre, et justifier l’enthousiasme de celui-ci, c’est dans le tressaillement de son âme très sainte elle-même qu’après avoir remercié de ces grandes choses le Père souverain, il s’écrie en se tournant vers ses disciples : Heureux les yeux qui voient ce que vous voyez ! C’était la pensée que devait exprimer à son tour le chef du collège apostolique, en parlant de la joie inénarrable et glorieuse qu’apportait cette alliance nouvelle où la réalité remplaçait les figures. Dans sa première Épître aux élus de l’Esprit-Saint dispersés par le monde, Pierre redit de même, après Celui qui l’a établi le vicaire de son amour, les aspirations -non satisfaites des justes de l’ancienne alliance, de ces hommes si grands dans la foi dont Paul, son frère, décrit ailleurs les héroïques combats et les sublimes vertus. Il célèbre en accents inspirés ces prédestinés de l’Église de l’attente, l’âme remplie de la pensée des grâces futures, supputant les années, scrutant les temps dans la longue nuit, bien qu’ils sussent que la vue tant désirée des mystères du salut n’était point pour eux, et que leur mission fût d’annoncer pour d’autres, dans leurs prophéties, les gloires de l’avenir. Mais quels sont ces rois dont les désirs s’unirent alors, d’après l’Évangile, aux aspirations des prophètes ? Sans parler des saints personnages à qui les honneurs d’un trône terrestre ne purent faire perdre de vue l’objet des espérances du monde, n’étaient-ils pas rois en toute vérité, comme l’observent les Pères, ceux que saint Paul nous montre, en ces mêmes temps, vainqueurs des royaumes par la foi, plus forts que les armées, maîtres des lions, des éléments et d’eux-mêmes ? Supérieurs aux moqueries comme aux persécutions d’un monde qui n’était pas digne d’eux, on les vit, ces athlètes de la foi, promener dans les solitudes ou abriter dans les cavernes des montagnes l’amour indompté de leurs cœurs, et des espérances qui devaient, ils le savaient, n’être satisfaites qu’après leur mort et des siècles sans nombre. Nous donc leurs fils, qu’ils attendaient pour entrer en part des biens que préparaient leurs angoisses et leurs aspirations, comprenons le bienfait du Seigneur ! Nous si petits par la vertu en face des pères de notre foi, et que pourtant l’avènement de l’Esprit d’amour a plus éclairés que ne le furent jamais les prophètes, en nous donnant la possession des mystères mêmes qu’ils annonçaient : comment ne sentirions-nous pas l’obligation qui s’impose à nous de reconnaître par la sainteté de toute notre vie, par un amour ardent et généreux, les faveurs de celui qui nous a gratuitement appelés des ténèbres à son admirable lumière ? Ayant sur nos têtes une telle nuée de pareils témoins, laissons enfin là fardeaux et entraves, dégageons-nous, pour courir résolument dans la carrière, les yeux fixés sur l’auteur et le consommateur de la foi. Jésus-Christ aux délices qu’il pouvait choisir a préféré la croix, méprisant la honte, et, maintenant, il est assis à la droite de Dieu. Nous le savons plus sûrement que nous ne voyons les événements qui se passent sous nos veux ; car lui-même il est en nous sans cesse, par son Esprit, nous incorporant ses mystères. L’illumination du saint baptême a produit dans nos âmes cette révélation du Seigneur Jésus qui pose le principe de la vie chrétienne, et dont l’Homme-Dieu félicitait ses disciples. Car c’était d’elle qu’il parlait, bien plus que de la vue extérieure de sa nature humaine commune aux Juifs ennemis et aux Apôtres. Le Docteur des nations le déclare suffisamment, quand il dit, écrivant après la transformation opérée dans ces derniers par l’Esprit sanctificateur : Si nous avons connu le Christ selon la chair, nous ne le connaissons plus maintenant de cette sorte. C’est en nous en effet, et non plus dans les villes de Judée, qu’est maintenant le royaume de Dieu. La foi nous découvre le Christ habitant dans nos cœurs pour nous fonder dans la charité, pour croître en nous, en nous transformant dans lui-même, et nous remplir de la plénitude de Dieu. C’est l’œil fixé sur l’image divine rayonnant silencieusement dans son âme baptisée, que l’homme intérieur se renouvelle de jour en jour, comme nous le disions, par la contemplation incessante, l’amour croissant, l’imitation persévérante, et parfaite à la fin, de son Créateur et Sauveur. Combien il importe donc que nous laissions en nous libre expansion à la lumière surnaturelle de la foi, qu’aucun de nos actes, aucune pensée, aucun repli de nos cœurs n’échappe à son influence, à sa direction souveraine ! Dans les âmes fidèles, l’Esprit Paraclet fait sur ce point des prodiges ; l’épanouissement non contrarié des dons supérieurs de Sagesse et d’Intelligence arrive, dans les saints, à faire prédominer tellement la divine lumière, qu’auprès d’elle pour eux l’éclat du soleil est sans force. Quelquefois même l’Esprit dépasse, dans sa liberté toute-puissante, le développement régulier de ces dons communs à tous : l’âme, entraînée dans des régions supérieures aux voies ordinaires de la vie chrétienne, se voit plongée dans l’inscrutable abîme de la Sagesse ; elle s’y unit avec délices aux rayons qui descendent des sommets éternels, et, dans leur calme et radieuse simplicité embrassant tout, elle sent qu’elle possède le secret de toutes choses. En de certains moments, soulevée plus haut encore, bien au-dessus de la région des sens et du domaine de la raison, par-delà tout intelligible, ainsi que s’exprime Denys l’Aréopagite, elle arrive à toucher de son aile éperdue le sommet même où réside dans son essence la lumière incréée, le faîte trois fois saint d’où elle s’échappe, pour se jouer jusqu’aux dernières limites de la création, par mille détours et mille traductions de sa divine splendeur. C’est alors qu’agissant miséricordieusement avec l’âme impuissante encore à porter directement sa gloire, l’éternelle Trinité l’enveloppe de ces ténèbres mystérieuses qu’ont signalées les Saints au point le plus élevé des ascensions mystiques : ténèbres augustes, retraite dernière de la Divinité pour les mortels, obscurité plus pénétrante que la lumière, nuit sacrée au silence éloquent ; sanctuaire où l’adoration absorbe l’âme, d’où sont bannies également la vision et la science, et dans lequel cependant l’intelligence et l’amour, agissant de concert par un mode ineffable, prennent possession des plus sublimes mystères de la théologie dans la simplicité, l’absolu et l’immuable qui les caractérisent en Dieu ! Sans doute, de telles faveurs ne sont connues que d’un petit nombre ; et la vertu la mieux établie, la fidélité la plus méritante ne donnent à personne le droit d’y prétendre. La perfection d’ailleurs n’y est point attachée. La foi qui dirige le juste suffit à lui faire apprécier la vie extérieure des sens pour ce qu’elle est, misérable et obscure ; et c’est facilement qu’avec le secours de la grâce ordinaire, il vit tout entier dans cette retraite intime de l’âme où il sait, sur la parole de son Dieu, que réside la Trinité sainte. Son cœur est un ciel où, caché en Dieu avec le Christ à qui vont toutes ses pensées, il donne sans cesse au Bien-Aimé la seule preuve d’amour qui ne trompe pas, la seule qu’ait réclamée le Seigneur : l’observation des commandements. C’est sans impatience et sans trouble, malgré ses désirs et l’ardeur de son espérance, qu’il attend cette révélation suprême du Christ sa vie qui le fera, au dernier jour, apparaître lui-même avec l’Homme-Dieu dans la gloire ; car sans le voir il sait qu’il l’aime, parce que sans le voir il croit en lui. Le développement toujours croissant des vertus dont il donne le spectacle au monde, montre mieux la puissance de la foi que ne peuvent faire les manifestations merveilleuses dont nous parlions, et dans lesquelles l’âme, domptée passivement, se trouve à peine libre de refuser l’amour. Aussi n’est-ce pas sans motif et sans lien que le récit de notre Évangile passe immédiatement, des premières lignes que nous avons commentées, à la promulgation nouvelle du grand commandement qui renferme toute la Loi et les Prophètes. C’est appuyé sur les données sublimes de la foi, éclairé par elle, que l’homme peut et doit, ici-bas, aimer le Seigneur son Dieu de tout son cœur, de toute son âme, de toutes ses forces et de tout son esprit, et le prochain comme lui-même. L’Église, dans l’Homélie qu’elle propose aujourd’hui comme de coutume à ses fils sur le texte sacré, n’étend pas son interprétation au-delà de l’interrogation du docteur de la loi : c’est assez faire voir que, dans sa pensée, la dernière partie de l’Évangile, quoique plus longue de beaucoup, n’est que la conclusion pratique de la première, selon cette parole de l’Apôtre : La foi opère par la charité. Et en effet la parabole du bon Samaritain, qui, par ailleurs, se prête à tant d’applications du plus haut symbolisme, n’est amenée, dans le sens littéral, sur les lèvres du Sauveur que pour détruire péremptoirement les restrictions apportées par les Juifs au grand précepte de l’amour. Si toute perfection est renfermée dans l’amour, si sans lui nulle vertu ne produit de fruit pour le ciel, l’amour n’est vrai qu’autant qu’il s’étend au prochain ; et c’est même surtout dans ce dernier sens, remarque saint Paul, que l’amour accomplit toute la loi, qu’il en est la plénitude. Car c’est le prochain qu’ont en vue directement la plupart des préceptes du Décalogue, et la charité envers Dieu n’est complète, elle aussi, qu’en aimant avec Dieu ce qu’il aime, ce qu’il a fait à son image. En sorte que l’Apôtre, ne distinguant même pas, comme le fait l’Évangile, entre les deux préceptes de l’amour, ose bien dire : « Toute la loi est contenue dans cette seule parole : Vous aimerez votre prochain comme vous-même ». Mais plus est grande l’importance d’un tel amour, plus l’est aussi la nécessité de ne pas se méprendre sur la signification et l’étendue de ce terme de prochain. Les Juifs n’y comprenaient que ceux de leur race, suivant en cela les mœurs des nations païennes pour qui l’étranger n’était qu’un ennemi. Mais voici qu’interpellé par un représentant de cette loi diminuée, le Verbe divin, auteur de la loi, la rétablit dans sa plénitude. Il ne s’entoure point de nouveau pour cela des tonnerres et des flammes du Sinaï. Homme conversant avec les hommes, il leur révèle sous une forme accessible à tous la portée du précepte éternel qui conduit à la vie. Dans une similitude, où plusieurs ont vu le récit d’un fait réel connu de ceux à qui s’adressait le Sauveur, Jésus met en scène un homme sorti de la ville sainte et un Samaritain, de tous ces étrangers ennemis dont il était question tout à l’heure le plus méprisé et le plus odieux pour un habitant de Jérusalem. Et cependant, de l’aveu du docteur qui l’interroge, comme sans nul doute de tous ceux qui l’entendent, le prochain, pour l’infortuné tombé entre les mains des voleurs, c’est ici beaucoup moins le prêtre ou le lévite de sa race, que l’étranger Samaritain qui, oubliant leurs rancunes nationales devant sa misère, ne voit en lui qu’un homme son semblable. C’était bien dire que nulle exception ne pouvait prévaloir contre la loi souveraine de l’amour, ici-bas comme au ciel ; et Jésus fut compris. L’Offertoire est tiré du passage de l’Exode où Moïse est représenté luttant contre Dieu pour sauver son peuple après l’érection du veau d’or, et triomphant de la colère du Très-Haut. Il peut arriver que ce Dimanche tombe le jour même ou près du jour auquel l’Église fait mémoire du chef hébreu, dans son Martyrologe (4 septembre) ; et c’est, d’après Honorius d’Autun, la raison de la mention réitérée faite aujourd’hui de ce glorieux législateur d’Israël. La Secrète prie le Seigneur d’agréer les offrandes du Sacrifice, qui doivent nous mériter l’indulgence et rendre gloire à son Nom. De même qu’il y a huit jours, l’Antienne de la Communion fait une allusion évidente au temps des moissons et de la vendange. Le pain, le vin et l’huile ne sont pas seulement les soutiens de notre vie matérielle ; ils sont aussi la matière des sacrements les plus augustes ; leur louange ne saurait être mieux à sa place, dans la bouche de l’homme, qu’au sortir du banquet sacré. La vie qui nous vient des sacrés Mystères trouve en eux, par le dégagement toujours plus accentué des restes du mal qui avait causé notre mort, sa perfection et sa défense. C’est ce qu’exprime la prière de l’Église dans la Postcommunion.

Saint Bernard, Abbé et Docteur de l'Église, vingt août
Glorieux à la fois par sa vie, sa science et ses miracles, il a été déclaré et confirmé docteur de l’église universelle par le souverain pontife Pie VIII.

Sanctoral 

Saint Bernard, Abbé et Docteur de l’Église

Bernard naquit à Fontaine, en Bourgogne, d’une noble famille. Dans sa jeunesse, il fut, à cause de sa grande beauté, vivement sollicité par des femmes, mais aucune ne réussit à ébranler sa résolution de garder la chasteté. Pour fuir ces tentations du diable, il prit, à l’âge de vingt-deux ans, le parti d’entrer à Cîteaux, berceau de l’Ordre de ce nom, qui florissait alors par une grande sainteté. Ayant ou connaissance du projet de Bernard, ses frères mirent tous leurs efforts à l’en détourner ; mais, dans cette lutte, il fut le plus éloquent et le plus heureux ; car il les amena si bien, eux et d’autres, à sa manière de voir, que trente jeunes gens reçurent avec lui l’habit religieux. Devenu moine, il s’adonna tellement au jeûne, que chaque fois qu’il prenait son repas, il semblait endurer un supplice. Merveilleusement appliqué aux veilles et aux oraisons prolongées, voué à la pratique de la pauvreté chrétienne, il menait sur terre une vie presque céleste, étrangère aux sollicitudes et aux désirs des choses périssables. En lui brillaient l’humilité, la miséricorde, la douceur ; il était si attaché à la contemplation, qu’il semblait ne se servir de ses sens que pour les devoirs de la piété, en quoi cependant il se comportait avec la plus louable prudence. Pendant qu’il s’appliquait à ces exercices, il refusa successivement les évêchés de Gênes, de Milan, et plusieurs autres qui lui furent offerts, se déclarant indigne de l’honneur d’une telle dignité. Élu Abbé de Clairvaux, il construisit en beaucoup de lieux des monastères où se maintinrent longtemps la règle et la discipline du fondateur. Le monastère des Saints Vincent et Anastase à Rome ayant été restauré par le Pape Innocent II, Bernard y établit comme Abbé le religieux qui, plus tard, devint souverain Pontife sous le nom d’Eugène III. C’est à ce Pape qu’il adressa son livre De la Considération. Bernard a écrit beaucoup d’autres ouvrages, dans lesquels se montre une doctrine inspirée par la grâce divine plutôt qu’acquise par l’étude. Sa grande réputation de vertu le fit appeler par les plus grands princes pour trancher leurs différends ; il dut aussi aller souvent en Italie pour régler les affaires de l’Église. Le souverain Pontife Innocent II eut en lui un aide précieux, tant pour mettre un terme au schisme suscité par Pierre de Léon, que dans ses légations près de l’empereur d’Allemagne, d’Henri, roi d’Angleterre, et du concile de Pisé. Enfin, à l’âge de soixante-trois ans, il s’endormit dans le Seigneur. Des miracles le glorifièrent et Alexandre III le mit au rang des Saints. Le souverain Pontife Pie VIII, de l’avis de la Congrégation des Rites, déclara saint Bernard Docteur de l’Église universelle, et ordonna en même temps qu’on dirait, le jour de sa fête, l’Office et la Messe des Docteurs. Il concéda aussi à perpétuité des indulgences plénières annuelles à tous ceux qui visiteraient ce jour-là les églises des Cisterciens.

Martyrologe

Au territoire de Langres, la mise au tombeau de saint Bernard, premier Abbé de Clairvaux. Glorieux à la fois par sa vie, sa science et ses miracles, il a été déclaré et confirmé docteur de l’église universelle par le souverain pontife Pie VIII.

Au mont Senario, en Toscane, l’anniversaire de saint Manetto confesseur, l’un des sept fondateurs de l’Ordre des Servites de la bienheureuse Vierge Marie: il expira en récitant des hymnes en son honneur. Sa fête et celle de ses compagnons se célèbre la veille des ides de février (12 février).

En Judée, le saint prophète. Samuel, dont les ossements sacrés, (au rapport de saint Jérôme), furent transportés à Constantinople et placés près de l’Hebdome, par les soins de l’empereur Arcade.

En Chypre, saint Lucius sénateur. Témoin de la constance de l’évêque de Cyrène Théodore, au moment où il était martyrisé, il se convertit à la foi du Christ, et y attira aussi le préfet Dignien. Il alla ensuite à Chypre avec ce dernier et, voyant que d’autres chrétiens y étaient couronnés pour avoir confessé le Seigneur, il se présenta de lui-même, fut décapité, et mérita de recevoir comme eux la couronne du martyre.

En Thrace, trente-sept bienheureux martyrs, que, pour la foi du Christ, le préfet Apellien fit jeter dans une fournaise ardente, après leur avoir fait couper les mains et les pieds.

Dans la même région, les saints martyrs Sévère et Memnon centurion, qui endurèrent le même supplice et entrèrent victorieux dans le ciel.

A Rome, l’anniversaire du bienheureux Pie X, Pape et Confesseur, défenseur invaincu de l’intégrité de la foi et de la liberté de l’église; il s’est distingué par un admirable zèle pour la diffusion de la religion.

Sa fête est célébrée le 3 des nones de septembre.

A Cordoue, en Espagne, les saints moines martyrs Léovigilde et Christophe. Durant la persécution des Arabes, ils furent jetés en prison pour la défense de la foi chrétienne, et bientôt après, décapités puis brûlés, ils obtinrent la palme du martyre.

Dans l’île de Noirmoutier, saint Philibert abbé.

A Rome, le bienheureux Porphyre. Homme de Dieu, il enseigna au saint martyr Agapit les principes de la foi et la doctrine du Christ.

Dans la place forte de Chinon, en Gaule, saint Mesme confesseur, qui fut disciple du bienheureux évêque Martin.

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