Alors que le gouvernement de Boris Johnson collectionne les ennuis et les ratés, entre les affaires de corruption politique et les scandales de lobbying qui touchent le parti conservateur, les fêtes organisées en décembre 2020 pendant une période de confinement strict liée à la pandémie de coronavirus, les traces de cocaïnes trouvées dans les couloirs et les toilettes, dont celles du premier ministre, du parlement britannique à Westminster, les feux de la rampe se tournent vers Julian Assange.

La possible extradition du fondateur de Wikileaks vient d’être actée par la justice britannique. La Haute Cour de justice de Londres a annulé le refus en première instance de l’extradition d’Assange. Dans un jugement en appel rendu vendredi 10 décembre, elle a annulé la décision prise en début d’année dans laquelle un magistrat de première instance refusait l’extradition du lanceur d’alerte. Cette décision était notamment motivée par la santé mentale fragile de Julian Assange, et le risque de suicide que faisait peser sur lui une extradition vers les Etats-Unis. En appel, le tribunal a été convaincu par les garanties apportées par le gouvernement américain.

« Ce dernier, écrit un journal du soir, avait notamment assuré au cours de l’été à la cour que s’il devait être extradé, Julian Assange ne serait pas soumis à des « mesures administratives spéciales » – des conditions de détention particulièrement sévères –, qu’il ne serait pas détenu dans la prison de très haute sécurité de Florence, au Colorado, qu’il recevrait des soins psychologiques adaptés à son état et que s’il devait être condamné, il pourrait demander à purger sa peine en Australie, son pays natal. Des arguments qui avaient été fortement critiqués par les avocats et les soutiens de l’Australien. 

Dans leur jugement, les juges de la Haute Cour expliquent à l’inverse que ces garanties permettaient, selon eux, de réellement limiter les risques que fait peser l’extradition sur l’état de santé de Julian Assange. Et que si elle en avait eu connaissance, la juge ayant rendu la décision en première instance ne se serait pas opposée à l’extradition. Or, la question de la santé mentale de l’Australien est le seul point sur lequel cette dernière avait donné raison à l’équipe d’Assange. Les juges de la Haute Cour ont donc ordonné que le dossier soit renvoyé en première instance, avec pour consigne de transmettre la demande d’extradition au gouvernement britannique, l’ultime étape avant l’extradition proprement dite. »

La fiancée de Julian Assange a dénoncé une « grave erreur judiciaire » et une décision « dangereuse ». « Une cour britannique envoie le journalisme d’investigation dans l’obscurité et poursuit la torture d’Assange. Le combat continue », a pour sa part réagi le rédacteur en chef de WikiLeaks, Kristinn Hrafnsson.

« C’est une immense déception, car si elle avait été positive, cette décision aurait pu mettre un terme au calvaire de Julian Assange. Il ne faut pas perdre de vue que c’est un dossier essentiellement politique », a affirmé auprès du Monde son avocat français, Antoine Vey, qui espère que son client pourra être mis en liberté sous caution.

Plusieurs ONG ont également sévèrement critiqué la décision de la justice britannique. « Une parodie de justice » a tancé Nils Muižnieks, directeur Europe d’Amnesty International : « La Haute Cour a choisi d’accepter les garanties diplomatiques profondément erronées données par les Etats-Unis. (…) Ces assurances ne valent pas le papier sur lequel elles sont écrites. L’inculpation du gouvernement américain constitue une grave menace pour la liberté de la presse, tant aux Etats-Unis qu’à l’étranger. »

Christophe Deloire, secrétaire général de Reporters sans frontières a pour quant à lui dénoncé une décision « historique pour toutes les mauvaises raisons », estimant que « Julian Assange a été pris pour cible en raison de ses contributions au journalisme » et que cette décision avait des « implications dangereuses pour l’avenir de la liberté de la presse dans le monde ».

Julian Assange est recherché aux États-Unis pour son rôle dans la publication d’une quantité massive de documents militaires et gouvernementaux confidentiels et secrets en 2010. En 2019, il a été inculpé de 17 chefs d’accusation, dont la violation de la loi sur l’espionnage et des allégations selon lesquelles il aurait travaillé avec l’analyste du renseignement de l’armée et la dénonciatrice Chelsea Manning. Son extradition vers les États-Unis a été bloquée par un juge britannique en janvier, et il reste dans une prison britannique sans possibilité de libération sous caution. S’il est reconnu coupable, il risque de passer 175 ans dans une prison américaine.

Actuellement toujours incarcéré en Grande-Bretagne, Assange aurait subi un AVC en octobre selon ce que rapporte sa fiancée au journal britannique Mail on Sunday. Le frère du prisonnier, Gabriel Shipton s’est dit de son côté « très inquiet de ce qui pèse au-dessus de la tête de Julian et qui ne fait qu’augmenter la pression ». « Nous vivons dans la crainte qu’il ne tienne pas ou qu’il meure carrément durant ce processus » judiciaire d’extradition, a-t-il déclaré.

Comme pour Edward Snowden, autre lanceur d’alerte américain réfugié aujourd’hui en Russie, la France ainsi que l’Union Européenne, si libérales avec toute la misère du monde qui frappe à leur porte avec l’excuse d’être persécutée en son pays, ont refusé l’asile politique à Julian Assange. Leur libéralité bienveillante est à géométrie variable…

Francesca de Villasmundo

          

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