« Si vivre est persévérer dans son être, les Canadiens-français ont besoin de savoir quel est leur être national, et comment, à travers l’histoire, il s’est formé…. Il n’est de synthèses historiques que de provisoires. Ceux-là seuls qui ignorent tout du métier d’historien, croient à l’histoire définitive. »
Lionel Groulx
J’ai longtemps souscrit à la narration que l’Église s’était compromise avec les Anglais et, de ce fait, nous avait trahis. C’était avant que j’entreprenne la lecture de notre histoire à partir de la grille géopolitique. Depuis, je suis arrivé à une autre conclusion à partir d’une question qui permet de départager l’essentiel de l’accessoire quand on aborde notre histoire. Qu’est-ce qui fut NÉCESSAIRE pour que notre nation française en Amérique survive au vent contraire de l’Histoire ?
Le rôle de l’Église comme institution politique dans notre histoire
De 1608 à 1759, grâce au rôle moteur de l’Église, la nation naissante prend son essor pour atteindre une masse critique qui va lui permettre de ne pas être anéantie par la victoire britannique contre la France sur notre territoire. La première conséquence de la défaite française, c’est le démantèlement des institutions politiques et de l’appareil de l’État naissant (Nouvelle-France), et la rupture du lien avec la France, ce que consacrent le Traité de Paris et La Proclamation royale en 1763. Que reste-t-il alors comme assise pour conserver notre cohésion de nation française face à un Empire qui veut nous assimiler ? L’Église de Rome et ses institutions.
Elle interviendra comme contrepartie de la couronne britannique dans l’Acte de Québec de 1774 (consenti parce que les Anglais ne disposaient pas d’un rapport de force si favorable face à un peuple qui avait atteint une masse critique et qui pouvait se joindre à la révolution qui menaçait au Sud). C’est cette institution millénaire experte dans ses capacités de structurer les sociétés – ce qu’elle fit d’ailleurs en Europe – qui avait joué un rôle si déterminant dans les premiers élans de notre nation.
En effet, à partir de l’Acte d’Union de 1840, l’Église va se mettre à jouer un rôle « cardinal » et assumer elle-même les missions patriotiques essentielles au développement de notre nation : peupler et mettre en valeur le territoire ! L’Église fut de 1840 à 1960 l’armature de la construction de notre État.
C’est sur les assises de cette Église et ses institutions que vont reposer nos espoirs réels (géopolitique) de conserver notre cohésion nationale (la langue et la foi ) tout en assurant notre développement. Ainsi, le fameux « modèle québécois » découle directement de la Doctrine sociale de l’Église. Elle s’est si bien acquittée de sa mission historique que, suite à ses 400 ans de contributions [[ Histoire de l’Église catholique au Québec de 1608 à 1970 (Éditions Fides) Durant cette période, l’Église a rempli 2 missions temporelles et une mission intemporelle : l’union organique entre l’Église et l’État…(p.15), l’Église le corps social le mieux constitué (p.17).]], de gains de potentialité par la contrainte (discipline sociale), cette nation va passer de la puissance à l’acte en 1960, un saut périlleux pour les « Abitants » vers l’État promis par Lionel Groulx en 1937 « Notre État français nous le voulons, nous l’aurons», et apparu de facto en 1960. Ce sera la Révolution tranquille.
Maîtres chez nous…
Mais pas tout à fait. Très vite les acteurs politiques vont faire le constat que ce demi-État annexé et réduit dans ses capacités d’agir n’offre pas toutes les garanties pour assurer la pérennité et la plénitude de notre nation. La quête de l’État souverain commence. Son élan sera brisé en 1980 et 1995.
Depuis, depuis nous sommes dans le reflux de l’histoire. Plus grave encore, le contrôle de notre demi-État nous échappe, et il est tourné contre nous depuis 2003, soit depuis la prise du pouvoir par le Parti Libéral, devenu par le choix de sa base électorale le parti de ceux qui se sentent davantage Canadiens que Québécois.
Pour une première fois depuis 1759, la nation est en danger réel. Ce qu’il faut constater c’est que notre demi-État semble sur le point de faillir là où l’Église avait réussi, c’est-à-dire sur l’essentiel : la progression et la cohésion de notre nation.
Mis à part les anecdotes et les faux choix (l’appel de joindre la Révolution américaine, la révolte des Patriotes de 1837 alors que le rapport de force ne nous était pas favorable), l’Église de Rome, comme institution politique, a joué un rôle historique déterminant dans l’ existence même de notre nation.
Simple constat géopolitique :
Non, l’Église ne nous a pas trahis. Au contraire, elle nous a sauvés !
Le pourrait-elle encore ?
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