Le drame du monde catholique, et sa crise existentielle, qui se concrétise par l’absence d’un magistère infaillible depuis la débandade de Vatican II, par la relativisation de la doctrine en tous domaines, par la multiplicité des opinions théologales et morales, orthodoxes et hétérodoxes mises sur le même plan, sur tous les sujets essentiels de la vie d’un catholique, ressort encore plus cruellement en ces temps de « pandémie » de covid-19.  

Le problème de la réception des vaccins anti-covid liés à lignées cellulaires de bébés avortés se pose en effet à un grand nombre de catholiques, mais pas seulement, à travers le monde. Malheureusement, les réponses apportées par la hiérarchie épiscopale sont multiples, contradictoires, opposées, ce qui crée encore plus de confusion et laisse les catholiques « perplexes ».

Sans hésitation, nous osons écrire que du temps de Pie XII, un tel problème de conscience ne se serait tout simplement pas posé aux catholiques : la puissante voix morale de l’Eglise catholique aurait eu assez de poids pour empêcher toute recherche, publique et connue tout au moins, sur des cellules de fœtus avortés volontairement, et pour interdire la commercialisation de vaccins dérivés dans les pays de civilisation catholique.

Mais ce temps n’est plus celui de Notre Temps conciliaire, relativiste, post-moderne, et où règne en maître la « culture du choix ». Les pauvres catholiques qui veulent encore faire la volonté de Dieu se retrouvent ainsi pris entre de multiples avis divergents émanant des plus hautes autorités ecclésiales.

Ainsi d’un côté le Vatican bergoglien, ultra-progressiste, naturaliste au possible, à travers une note de la Congrégation pour la Doctrine de la Foi, publiée le 17 décembre dernier, déclare qu’il est « moralement acceptable d’utiliser des vaccins anti-covid-19 qui ont utilisé des lignées cellulaires de fœtus avortés dans leur processus de recherche et de production », dans le cas de la pandémie de covid-19 actuelle, en spécifiant que « l’utilisation de tels vaccins ne signifie pas une coopération formelle en matière d’avortement dont dérivent les cellules avec lesquelles les vaccins ont été produits ».

Cette position est celle défendue pareillement par la congrégation traditionnelle qu’est la Fraternité Sacerdotale Saint-Pie-X qui publie un long article de l’abbé Sélégny sur la question sur son site d’informations FSSPX News.

La Conférence épiscopale d’Angleterre et du Pays de Galles a publié une déclaration allant dans le même sens de soutien à l’utilisation de vaccins contre le covid-19. : « Chacun de nous a le devoir de protéger les autres contre l’infection avec son danger de maladie grave et, pour certains, de mort. Un vaccin est le moyen le plus efficace d’y parvenir à moins que l’on ne décide de s’auto-isoler », indique le communiqué. « Dans la pandémie de Covid-19, nous jugeons que cette raison grave existe et qu’on ne pèche pas en recevant le vaccin. » Les évêques concluent qu’il existe une « distance morale » suffisante entre l’administration du vaccin et l’« acte illicite initial ». Cependant, et il faut noter cela, ils n’exhortent finalement pas les gens à se faire vacciner et conseillent plutôt à chaque catholique de « s’éduquer et de décider quoi faire ». Ce qui en somme est la reconnaissance de la fragilité doctrinale de leur position positive en faveur des vaccins liés aux lignées cellulaires de fœtus avortés.

De l’autre côté, soutenant l’immoralité de l’usage de ces vaccins liés à l’avortement, se trouvent d’éminents évêques conservateurs et également des conférences épiscopales. C’est dire la difficulté de trancher la question.

Tout d’abord Mgr Schneider et quatre autres prélats mitrés ont publié, le 11 décembre dernier, une longue Déclaration contre les vaccins fabriqués à partir de cellules dérivées de fœtus humains avortés qui concluait sur « l’illicéité morale de l’utilisation de tels vaccins fabriqués à partir de tissus de bébés avortés ».

Les ont précédé les Conférences des évêques des Etats-Unis et du Canada, deux pays pourtant où l’Eglise conciliaire est grandement pénétrée de libéralisme et de progressisme. Pourtant, sur cette question vaccinale, les prélats états-uniens et canadiens ne sont pas si prompts à accepter et à répéter la position de leur gouvernement respectif selon laquelle les vaccins sont le seul espoir.

Sciencemag rapporte que les membres de la Conférence américaine des évêques catholiques et de 20 autres organisations religieuses, médicales et politiques qui s’opposent à l’avortement ont écrit à Stephen Hahn, commissaire de la Food and Drug Administration (FDA) des États-Unis, en avril. « Il est extrêmement important que les Américains aient accès à un vaccin produit de manière éthique : aucun Américain ne devrait être obligé de choisir entre être vacciné contre ce virus potentiellement mortel et violer sa conscience», ont-ils déclaré. « Heureusement, d’autres vaccins [COVID-19]… utilisent des lignées cellulaires non liées à des procédures et des méthodes contraires à l’éthique. »

Les évêques canadiens ont été encore plus francs. L’archevêque de Winnipeg Richard Gagnon est président de la Conférence des évêques catholiques du Canada. Avec 17 autres groupes religieux, médicaux et politiques anti-avortement, il a rédigé et adressé une lettre datée du 21 mai dernier au premier ministre Justin Trudeau, dans laquelle il est écrit :

« Nous exhortons votre gouvernement à financer le développement de vaccins qui ne créent pas de dilemme éthique pour de nombreux Canadiens. La fabrication de vaccins à l’aide de ces lignées cellulaires humaines contaminées sur le plan éthique démontre un profond manque de respect pour la dignité de la personne humaine. »

Pour éclairer le débat, précisons que pour le vaccin AstraZeneca/Oxford qui utilise la ligne cellulaire fœtale humaine dénommée HEK-293, qui est une ligne cellulaire rénale largement utilisée dans la recherche et l’industrie provenant d’un fœtus avorté vers 1972, le site Web de vérification autoproclamé fullfact.org déclare : « Il n’y a pas de cellules fœtales dans le vaccin AstraZeneca Covid-19 » avant de citer pourtant le « Vaccine Knowledge Project » de l’Université d’Oxford :

« Certains virus, comme la varicelle, se développent beaucoup mieux dans les cellules humaines. Après leur croissance, les virus sont purifiés plusieurs fois pour éliminer le matériel de culture cellulaire. Cela rend peu probable [c’est la rédaction de MPI qui souligne] que du matériel humain reste dans le vaccin final. »

Il est donc « peu probable » mais pas impossible que du matériel humain issu de bébés avortés reste dans le vaccin. Et quoi qu’il en soit, le fait que des cellules humaines issues d’un bébé avorté aient été utilisées dans le processus de fabrication n’est pas contesté.

Laissons la parole de fin à un protestant anglais qui conclut ce débat ainsi :

« Il se peut que certains membres de la communauté chrétienne soient d’accord avec les évêques catholiques britanniques sur le fait qu’il y a une nécessité et que depuis les avortements originaux dans le passé de nombreuses autres étapes ont eu lieu et que donc aucun dilemme moral ne subsiste. Je ne suis pas parmi eux. Bien que je sois un protestant, je m’engage derrière Mgr Gagnon.

« Peut-être, si vous avez plus de quatre-vingts ans, ou si vous avez un déficit immunitaire ou une maladie préexistante, ou si vous êtes obèse, vous devrez peut-être prendre une décision difficile.

« Si vous n’êtes pas l’un de ceux-là, ou si vous êtes et que vous êtes également pro-vie par conviction, alors ne le [le vaccin, ndlr] prenez pas. Vous n’en avez pas besoin. »

« De plus, rappelle-t-il, jusqu’à ce que la période d’essai normale de deux ans se soit écoulée pour discerner les effets sur le lot actuel de cobayes humains, vous ne savez tout simplement pas ce que cela vous fera. »

Francesca de Villasmundo

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