A la vielle de poser l’acte le plus prudent de son épiscopat, le sacre le 30 juin 1988 de 4 évêques pour la sauvegarde de la Tradition catholique, Mgr Lefebvre, l’évêque qui résista à l’esprit novateur du concile Vatican II afin de ne pas collaborer « à l’auto-démolition de l’Eglise », au cours d’un entretien fit ce triste constat pour expliquer son geste :

« C’est la foi elle-même qui est en jeu. Je sens que l’Église « conciliaire » change et met en péril le centre de la foi catholique. (…) Accepter la liberté religieuse, l’œcuménisme, les réformes conciliaires, signifierait pour moi contribuer à l’œuvre d’« auto-démolition » de l’Église. En conscience, cela ne m’est pas possible. Le libéralisme du Pape détruit de l’intérieur la foi catholique. (…)  La foi est l’enseignement de l’Église au cours des siècles, conformément à l’enseignement des Apôtres. »

Quelques 30 ans plus tard, le cataclysme inauguré par Vatican II, « cette troisième guerre mondiale » comme le qualifiait ce même évêque, ne cesse de faire des ravages, de « mettre en péril la foi catholique » et le salut des âmes en changeant la doctrine pour mieux « s’ouvrir » au monde. Cette orientation pastorale anthropocentrique donnée par Vatican II s’adapte au fil du temps aux mœurs et modes du monde contemporain.

Aujourd’hui, la mode étant à l’arc-en-ciel, la doctrine conciliaire se pare de ses milles couleurs par le biais de théologiens mondains. La doctrine catholique traditionnelle sur le péché d’homosexualité, ces clercs post-modernes et post-Concile la rejettent doctement. Parmi eux, il en est un, prêtre de son état depuis 1991, professeur de théologie morale au Séminaire du diocèse de Milan et à la Faculté de Théologie Morale de l’Italie du Nord, don Aristide Fumagalli, qui non seulement la refuse mais enseigne tout le contraire à ses élèves, en majorité des séminaristes.

Son cours sur la Morale spéciale pour l’année 2019-20 à la Faculté de Théologie Morale de l’Italie du Nord qui s’intitule explicitement Amour homosexuel et foi chrétienne, consistera à traiter, « par l’écoute de l’expérience homosexuelle », « les différentes interprétations des sciences humaines afin de parvenir à une compréhension le plus possible prudente et globale », pour ainsi en recourant « à l’enseignement traditionnel de l’Eglise » « clarifier combien ce dernier interfère effectivement et combien en revanche il ne perçoit pas adéquatement l’actuelle expérience homosexuelle de personnes croyantes ». Ainsi, continue la présentation du cours, cela permettra le dialogue, et « à la suite d’une nouvelle interprétation et évaluation chrétienne de l’amour homosexuel, on  veillera à indiquer les critères moraux qui doivent orienter la vie amoureuse des personnes homosexuelles afin qu’elle-aussi corresponde au commandement nouveau de l’amour du Christ ».

Ces lignes sont plus que suffisantes pour comprendre le changement substantiel opéré par rapport à la doctrine concernant cette question morale. Déjà appeler « amour » la pulsion homosexuelle est une erreur qui sert à absoudre cette dernière, qui oserait être contre « l’amour » ? Ensuite étudier combien « l’enseignement traditionnel de l’Eglise interfère effectivement et ne perçoit pas adéquatement l’actuelle expérience homosexuelle de personnes croyantes » renverse les rôles : ce n’est plus l’enseignement traditionnel qui fait la norme mais l’expérience homosexuelle qui dicte la doctrine. Et pour terminer, l’idée qu’il faut veiller à indiquer « les critères moraux de la vie amoureuse des personnes homosexuelles » signifie donc que la relation contre-nature n’est plus immorale mais contient sa propre moralité et peut correspondre « au nouveau commandement de l’amour du Christ ».

Voici donc le nouvel enseignement, accrédité par l’évêque de Milan, non-sanctionné par le Vatican et le pape François, que reçoivent des futurs prêtres conciliaires. Que dérisoires, et hypocrites, en deviennent les lamentations de la hiérarchie officielle devant le mur des nombreux scandales liés aux pratiques contre-nature en son sein !

Tel est le nouveau paradigme arc-en-ciel de la post-moderne Eglise conciliaire : il n’y a plus de principes catholiques absolus transcendants le temps et l’espace, tous les enseignements antérieurs au concile Vatican II doivent être jugés à la lumière de l’existence et de l’expérience, qui deviennent ainsi co-producteurs de la doctrine.

Le concile Vatican II a ouvert la voie à un « aggiornamento » de la doctrine qui ne connaît pas de freins, c’est une révolution moderniste sans fin qui roule sa bosse  sur le chemin de  « la religion du progrès indéfini », ce progrès n’étant que le nom donné à la décadence de la vertu… Le poète Charles Baudelaire l’avait compris : 

« Il est encore une erreur fort à la mode, de laquelle je veux me garder comme de l’enfer. — Je veux parler de l’idée du progrès. Ce fanal obscur, invention du philosophisme actuel, breveté sans garantie de la Nature ou de la Divinité, cette lanterne moderne jette des ténèbres sur tous les objets de la connaissance ; la liberté s’évanouit, le châtiment disparaît. Qui veut y voir clair dans l’histoire doit avant tout éteindre ce fanal perfide. Cette idée grotesque, qui a fleuri sur le terrain pourri de la fatuité moderne, a déchargé chacun de son devoir, délivré toute âme de sa responsabilité, dégagé la volonté de tous les liens que lui imposait l’amour du beau : et les races amoindries, si cette navrante folie dure longtemps, s’endormiront sur l’oreiller de la fatalité dans le sommeil radoteur de la décrépitude. Cette infatuation est le diagnostic d’une décadence déjà trop visible.

Demandez à tout bon Français qui lit tous les jours son journal dans son estaminet ce qu’il entend par progrès, il répondra que c’est la vapeur, l’électricité et l’éclairage au gaz, miracles inconnus aux Romains, et que ces découvertes témoignent pleinement de notre supériorité sur les anciens ; tant il s’est fait de ténèbres dans ce malheureux cerveau et tant les choses de l’ordre matériel et de l’ordre spirituel s’y sont si bizarrement confondues ! Le pauvre homme est tellement américanisé par ses philosophes zoocrates et industriels qu’il a perdu la notion des différences qui caractérisent les phénomènes du monde physique et du monde moral, du naturel et du surnaturel.

Si une nation entend aujourd’hui la question morale dans un sens plus délicat qu’on ne l’entendait dans le siècle précédent, il y a progrès ; cela est clair. Si un artiste produit cette année une œuvre qui témoigne de plus de savoir ou de force imaginative qu’il n’en a montré l’année dernière, il est certain qu’il a progressé. Si les denrées sont aujourd’hui de meilleure qualité et à meilleur marché qu’elles n’étaient hier, c’est dans l’ordre matériel un progrès incontestable. Mais où est, je vous prie, la garantie du progrès pour le lendemain ? Car les disciples des philosophes de la vapeur et des allumettes chimiques l’entendent ainsi : le progrès ne leur apparaît que sous la forme d’une série indéfinie. Où est cette garantie ? Elle n’existe, dis-je, que dans votre crédulité et votre fatuité.

Je laisse de côté la question de savoir si, délicatisant l’humanité en proportion des jouissances nouvelles qu’il lui apporte, le progrès indéfini ne serait pas sa plus ingénieuse et sa plus cruelle torture ; si, procédant par une opiniâtre négation de lui-même, il ne serait pas un mode de suicide incessamment renouvelé, et si, enfermé dans le cercle de feu de la logique divine, il ne ressemblerait pas au scorpion qui se perce lui-même avec sa terrible queue, cet éternel desideratum qui fait son éternel désespoir ?

Charles Baudelaire, Curiosités esthétiques, Exposition universelle, 1855″

Francesca de Villasmundo


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