Le titre de cette chronique n’emprunte rien au roman du grec Chistos Chryssopoulos, bien qu’il soit question, dans celui-ci, du suicide concomitant mais non collectif, dans une même bourgade des Etats Unis, de quatorze adolescents ahuris et désemparés, une nuit de mars 1951. Rien de réel dans ce récit. Juste de la littérature dont il ne convient pas de relever l’écriture. Or le nihilisme de l’auteur décrit une génération telle qu’il la pense et, parce qu’il ne peut en être qu’ainsi, se frotte à « l’essence même de la mort » à travers le souffle éteint de ses personnages.

Si, depuis la chute originelle, la mort est le sanctuaire des idées et des philosophies les plus meurtrières, elle n’est comprise et replacée dans sa juste perspective que par le catholique dont la vie terrestre passe par la mort pour atteindre la vie éternelle.

Pour l’Eglise, en effet, la mort n’est que passage. Elle est la Pâque de l’âme humaine qui s’élance vers le Divin Maître, aspirée par Lui, et dont la croix est l’axe nécessaire vers son lieu de purgatoire puis son lieu de béatitude. La mort est douloureuse, certes ; elle est souffrance car elle nous sépare. Or cette séparation est provisoire. Car Dieu, en NSJC, qui a résolument vaincu la mort par la croix, a vaincu la séparation de la mort pour la délivrer d’elle-même. Point de séparation en Dieu. Il est unique dans son Unité, et nous unit à elle. Il délivre.

Pour le païen, l’apostat ou l’athée ; pour le nihiliste, l’agnostique ou le révolté, la mort est le terme définitif d’une vie qui ne cesse d’être absurde et dont il devient alors nécessaire de conclure le chapitre. Point d’unité en lui. Point de recherche d’unité. Il ne vit que séparé, et séparé de tout, de tous et de Dieu. La mort est son seul horizon, effroyable car indépassable. La fin de son être. Les plus intelligents d’entre eux songent à s’immortaliser au ciel des idées du monde, dans le sillage d’une littérature nauséeuse, sur un fauteuil de l’Académie Française, quai de Conti, ou sous une stèle du Panthéon, en haut de la rue Soufflot.

Or ce sont ces intelligents-là qui gouvernent nos sociétés. Ces intelligents-là qui séparent ce qui doit rester uni, qui tuent ce qui doit vivre, qui sanctionnent ce qui doit rayonner, qui assèchent ce qui doit fleurir, qui asservissent ceux qu’ils doivent servir. Ces intelligents-là font la guerre au faible, le réduisent au silence par l’amende et le radar. Ils pervertissent l’enfance et lui abîment les yeux en la plaçant sous les projecteurs de la laideur, du vice ou du lucre. Ils apostrophent l’adulte en de vaines harangues républicaines. La mort est l’axe de leurs discours en vue d’un monde meilleur. Paradoxe, dialectique, oxymore… ce que l’on voudra. Leurs aruspices annoncent la mort de la planète ? Qu’à cela ne tienne : pour que la planète ne meure, il faut que la civilisation meure, que la religion catholique meure, que la patrie meure, que la nation meure, que l’homme meure. Demandez à Macron (France), Merkel (Allemagne), May (Grande Bretagne), Rutte (Pays-Bas), Sturgeon (Ecosse) ou Junker (Président de la Commission Européenne), s’ils ont des enfants et ce qu’ils en pensent. Demandez à ceux qui conduisent le monde sans gilets jaunes, s’ils ont seulement leur permis de conduire. Demandez-leurs le nombre de taxes dont ils sont les auteurs. Demandez-leurs ces lois qu’ils font voter et dont ils prennent le soin de s’exonérer. Faire voter des textes pour les autres, ériger des normes pour les autres, se garantir des soins, des revenus et des logements aux frais des autres, cela ils savent le faire et tiennent les meilleurs experts pour s’en assurer. L’athée ou l’agnostique parle franchement en trompant celui auquel il s’adresse. Il est le maître des mots doux et de la trahison par les mots doux. Tout en lui est faux. Qu’importe le vrai, après tout, quand la mort vient l’interrompre. Qu’importe le mensonge quand le silence de la tombe vient l’engloutir.

Si, selon le sceptique Montaigne, « philosopher c’est apprendre à mourir » (Essais, I, 19), pour le catholique, vivre c’est se préparer à mourir l’âme en paix.

Pour nos dirigeants libertins, en revanche, et qui font là profession d’athéisme, conduire le monde c’est le faire mourir peu à peu, avant soi, en prenant soin de mourir le dernier. Ils se veulent les maîtres de leur destin et les maîtres du monde mais qu’ils prennent garde à la tentation du vide : on ne se moque pas de Dieu, car s’Il a vaincu la mort pour ceux qui l’aiment et le servent, Il la maintient douloureusement éternelle pour ceux qui Le nient. La mort n’arrête pas tout, du moins elle ne s’arrête pas à elle-même !

Gilles Colroy

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