Il s’approcha, banda ses blessures, y versant de l’huile et du vin ; puis il le mit sur sa propre monture, le conduisit dans une hôtellerie et prit soin de lui. Lc 10, 34
Le thème traité par ce Congrès – Roma Pain Days – est certainement un domaine propre à la recherche scientifique, et plus encore au traitement de la douleur par les médecins.
Mais les progrès auxquels peuvent conduire la science et l’art de la médecine ne doivent jamais ignorer cette composante spirituelle qui, avec le corps physique, fait de nous des hommes doués d’une âme immortelle : cette vision, qui appartient à la civilisation occidentale et a été traitée par Aristote, concerne non seulement le patient, mais aussi le médecin.
D’une part, en effet, les soins administrés aux malades – et les thérapies pour le soulagement de la douleur, dont vous vous occupez – doivent tenir compte du fait que leur efficacité sur le corps est liée aux soins à administrer à l’esprit. Vous savez bien, par expérience directe, combien l’état d’esprit du patient est décisif pour faire face à tant de maladies ; et inversement, vous avez vu vous-mêmes les dommages très graves qui ont été causés à tant de personnes hospitalisées pendant la soi-disant pandémie et laissées seules, sans possibilité de voir des proches, privées même du confort d’un prêtre.
D’autre part, le médecin est lui-même composé de corps et d’âme, et en tant que tel, il est juste et louable qu’il puisse exercer ce ministère de charité non pas « in corpore vili », mais en voyant dans le patient, avec un regard surnaturel, ce prochain guéri par le Samaritain de la parabole évangélique, voyant en lui Notre Seigneur souffrant, qui, au jour du jugement, vous rappellera le bien que vous Lui avez fait, chaque fois que vous l’avez fait à vos frères, à vos patients.
Notre Seigneur, qui est le Médecin de l’âme, vous demande de ne pas penser seulement au patient, mais aussi à vous-mêmes ; Il ne veut pas de vous seulement un engagement envers sa santé et une parole de réconfort ou d’avertissement qui puisse toucher son cœur. Il veut qu’avec le malade vous vous soigniez et vous vous guérissiez vous-mêmes, parce que Dieu aime le médecin pas moins que le malade, et Il veut sauver les deux et les avoir avec Lui dans l’éternité bienheureuse.
Le cynisme du monde contemporain en est venu à transformer même la santé publique en une opportunité de profit, et par conséquent à réduire les médecins à d’insignifiants exécuteurs de protocoles et compilateurs de formulaires et de statistiques. Mais pour atteindre cet objectif, il a d’abord imposé une vision matérialiste du patient, à traiter comme l’« usager » d’un service, à considérer comme un numéro, un poste budgétaire.
Cela a transformé les hôpitaux en entreprises, pour lesquelles souvent – et je le dis avec horreur, surtout après les nombreux rapports de tant de témoins – les thérapies sont évaluées sur la base de leur coût (ou du profit qui en découle) avant même leur efficacité ou les effets qu’elles auront sur le patient. Ajoutez à cela les considérables conflits d’intérêts de plusieurs de vos collègues, qui reçoivent des subventions des compagnies pharmaceutiques pour prescrire des protocoles donnés et administrer les médicaments produits par leur sponsor.
La suppression d’une vision religieuse de la vie humaine – et par conséquent de la maladie et de la mort – a conduit à la persuasion de pouvoir abuser des médicaments anesthésiques ou analgésiques, en les adoptant jusqu’à provoquer la mort du patient, comme cela s’est produit presque partout – de l’aveu même du Président de l’Association des généralistes – pendant l’urgence pandémique pour les cas de ventilation forcée. Dans le traitement de la douleur, généralement associée à des pathologies graves, il peut arriver que les personnes qui vous sont confiées s’approchent de la mort. Elles se trouvent au moment le plus crucial et le plus terrible de leur existence, au bord de l’éternité. Et c’est à ce moment qu’un malade a le plus besoin d’assistance spirituelle : être visité par un prêtre qui l’aide à bien se confesser, qui lui administre le saint Viatique, qui lui donne l’Onction pour affronter le combat sur le point de la mort. Eh bien, c’est à vous – et votre conscience en est chargée – de faire en sorte que, même dans le soulagement de la douleur, votre patient ait néanmoins la possibilité d’avoir une pause de lucidité pour se préparer à rencontrer le Seigneur. Ne privez personne de cette opportunité, le laissant dans l’inconscience induite par les médicaments dans le seul but de ne pas le faire souffrir : pensez que d’autres souffrances, éternelles et beaucoup plus grandes, pourraient attendre une âme qui meurt dans le péché mortel.
Je comprends que cela puisse sembler presque une provocation de le rappeler dans cette assemblée, mais il y a des gens pour qui la douleur n’est pas un non-sens à effacer, mais un instrument de Grâce, si elle est offerte à Dieu en union avec la Passion rédemptrice de Notre-Seigneur. Pour le Chrétien, en effet, la mort, la maladie, le travail de l’accouchement constituent la punition du péché originel, mais ils peuvent devenir une occasion de réparer ses propres fautes et celles d’autrui. La douleur, qui est si répugnante à la mentalité de l’homme contemporain, nous ramène avec force devant la réalité transcendante de la Croix, donnant la possibilité même à ceux qui sont confinés à un lit en soins intensifs de coopérer spirituellement pour le bien commun. Pensez aux paroles de saint Paul : Je complète dans mon corps ce qui manque aux souffrances du Christ, pour le bien de son corps qui est l’Église (Col 1, 24). La vie de tant de Saints, ainsi que l’assistance aux malades et à ceux qui souffrent, nous montre des exemples héroïques de cette immolation, devant laquelle l’orgueil matérialiste du monde moderne se détourne, parce qu’il est incapable de comprendre. Pourtant, vécue avec un regard transcendant, la douleur peut devenir une prière puissante qui s’élève vers Dieu ; précisément au moment où elle est acceptée par amour de Notre-Seigneur et du prochain, elle devient moins lourde et moins épuisante à supporter. Pour ces raisons, le soulagement de la souffrance – moralement licite s’il ne parvient pas à priver définitivement l’individu de ses facultés – doit prendre en compte et respecter la décision de ceux qui choisissent d’offrir cette douleur, même partiellement.
C’est vrai : vous êtes médecins. Vous savez que la vôtre est une mission, une vocation, même si l’OMS, les multinationales, le Forum Économique Mondial et toutes les myriades d’organismes internationaux tentent de vous enrégimenter sous de contrôles stricts qui bouleversent et corrompent l’autonomie et la liberté qui rendent la figure du médecin unique et irremplaçable.
Mais précisément parce qu’aujourd’hui vous assistez à des changements radicaux que vous auriez jugés impensables et déraisonnables jusqu’à il y a trois ans ; précisément parce que la maladie est un commerce lucratif que les multinationales pharmaceutiques n’ont guère intérêt à réduire, il est essentiel qu’il existe des médecins capables de défendre leur identité et leur dignité contre cette déviation dangereuse. N’oubliez pas que vous aussi, vous risquez un jour de tomber malade et de vous retrouver dans la même situation que ceux que vous soignez aujourd’hui. Priez afin de trouver des médecins consciencieux qui honorent le Serment d’Hippocrate, et qu’en leur absence ce ne soit pas un algorithme ou une prétendue « intelligence artificielle » qui décide de vous conduire à l’exitus – comme on dit dans la novlangue – n’étant pas rémunérateurs ou considéré comme un fardeau pour le Système de santé. Dieu vous garde de ces personnages cyniques et dépourvus de morale qui, alors que vous êtes sur le point de rendre le dernier souffle, regardent votre dossier sur l’iPad sans daigner vous regarder. L’horreur de tant d’inhumanité – croyez-moi – se comprend quand on est de l’autre côté, et trop tard on regrette un sourire manqué, un contact humain, un rayon de cette lumière divine qui se manifeste encore quelque part dans ce monde décadent et apostat.
Je manquerais à mon devoir de Pasteur si je ne vous rappelais pas que les préceptes de la Morale naturelle et chrétienne restent valables partout et à tout moment : ils doivent être la base des principes fondamentaux de la déontologie médicale.
Faites donc en sorte que ceux qui se confient à vos soins puissent le faire avec sérénité, dans l’assurance de ne pas trouver en vous des exécuteurs de protocoles ou des marchands de drogues, mais des personnes animées par le désir de se sanctifier ; oui, se sanctifier, car c’est justement ce que le Seigneur demande à chacun de nous, et ce pour quoi Il a versé son sang sur la Croix. Vous comporter comme Jésus Lui-même le ferait, voyant Jésus dans vos patients.
A vous et aux personnes qui vous sont confiées de tout cœur je donne ma Bénédiction.
+ Carlo Maria Viganò, Archevêque
15 juin 2023, Saint Jean-Baptiste de la Salle, Confesseur
© Traduction de F. de Villasmundo pour MPI relue et corrigée par Mgr Viganò
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