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07 décembre 2023 – Homélie en la fête de saint Ambroise par Mgr Carlo Maria Viganò


« L’Église ne resplendit pas de sa propre lumière mais de celle du Christ »

Fulget Ecclesia non suo,  sed Christi lumine. [Ambr., Exaemeron, 4, 8.]

Sermon sur saint Ambroise inLettre Exsurge Domine n° 5 du 7 décembre 2023

– Ouverture d’un séminaire  en Italie inLettre Exsurge Domine n° 4 du 2 décembre 2023

« Aujourd’hui, cinquante ans après la fondation de la Fraternité de Mgr Marcel Lefebvre, nous pouvons reconnaître avec sérénité et équité que sa décision d’établir un Séminaire traditionnel qui assurerait de bons prêtres était non seulement légitime, mais nécessaire. »

Telles sont les paroles de saint Ambroise, dont nous célébrons aujourd’hui l’anniversaire de la Consécration épiscopale. Le 7 décembre 374, en effet, après avoir été acclamé Évêque de Milan quelques jours plus tôt par les habitants de la ville, le noble et riche avocat de Trèves, en Allemagne ; le fils du Gouverneur de la Gaule ; le fonctionnaire envoyé à l’âge de vingt-cinq ans comme Préfet du prétoire à Sirmium, en Pannonie ; le Gouverneur d’abord de la Province de Ligurie et d’Émilie, puis de Milan même, Ambroise, nouvellement baptisé, reçut l’Ordination sacrée. Nous ne célébrons donc pas son dies natalis, mais la date de son cursus honorum ecclésiastique fulgurant. L’estimé fonctionnaire romain, dont tout le monde admirait l’éloquence et l’élégance de style, appartenait à la Gens Aurelia, une famille romaine d’origine plébéienne devenue importante à l’époque impériale. Son vrai nom, Aurelio Ambrogio, rend manifeste sa romanité.

Riche mais détaché de l’argent : aussitôt après son Baptême, Ambroise fit don de ses biens aux pauvres et de ses terres à l’Église.

Honnête et d’une vie austère : avant même d’embrasser la Foi, Ambroise était admiré et respecté par la noblesse et le peuple pour ses vertus. Assoiffé de Vérité, il était un ardent défenseur de l’orthodoxie catholique contre les hérésies, en premier lieu l’arianisme, où puise l’hérésie néo-moderniste rampante. Intolérant envers le paganisme, auquel il s’opposa et qu’il combattit avec courage en tant que chrétien et comme évêque, tenant tête aux politiciens, aux nobles, aux fonctionnaires impériaux et même aux empereurs d’Orient et d’Occident. Il fut le conseiller et le guide spirituel d’Augustin d’Hippone, qui se convertit à la foi grâce à la sage pédagogie de saint Ambroise et à l’excellence de l’érudition qu’ils partageaient tous les deux.

Tout cela est ce qu’il y a de plus éloigné du modèle de l’évêque moderne, conciliaire et synodal. Qui doit être fluide – comme l’a rappelé récemment le préfet du défunt Saint-Office, Tucho Fernández, lorsqu’il a pris possession du titre cardinalice – à savoir, qu’il doit, comme l’eau, prendre la forme du récipient qui la reçoit : une perle de sagesse bouddhique qui cache derrière une comparaison suggestive la nature informe et courtisane de ceux qui pensent à plaire à l’interlocuteur et non à défendre une Vérité à laquelle eux-mêmes ne croient pas.

Imaginez de quelle fluidité, de quelle inclusivité a fait preuve saint Ambroise lorsqu’il écrivit dans une lettre à l’Empereur Valentinien : « De même que tous les hommes qui sont sous la juridiction romaine sont à votre service, puisque vous êtes prince et empereur du monde, de même vous êtes vous-mêmes au service de Dieu et de la sainte Foi. Car le salut ne peut être certain que si chacun adore sincèrement le vrai Dieu, c’est-à-dire le Dieu des Chrétiens, par qui toutes choses sont gouvernées. Il est le seul vrai Dieu qui doit être adoré dans l’intériorité de l’esprit ; ‘Les dieux païens’, comme le dit l’Écriture, ‘sont des démons’ » (Epistula 72, 1). Et il le fit pour contester la demande de Marc Aurèle Symmaque de restaurer la statue de la Victoire, enlevée par le Sénat romain en 382 sur ordre de l’Empereur Gratien. Mais que demandait Symmaque, de si différent de ce que les dirigeants et les prélats d’aujourd’hui propagent ? Écoutez : « Demandons la paix pour les dieux de la patrie… Nous devons reconnaître que toutes les sectes ont un seul fondement. Tout le monde contemple les mêmes étoiles, un seul ciel nous est commun, un seul univers nous entoure. Qu’importe si chacun cherche la vérité à sa manière ? Il n’y a pas de chemin unique pour atteindre un si grand mystère ». Dans ces paroles, inspirées par cette fausse conception de la liberté qui met le Dieu vivant et vrai sur le même plan que les dieux faux et menteurs, nous trouvons le même fléau du libéralisme moderne, qui a pénétré dans l’Église avec la Déclaration conciliaire Dignitatis Humanæ, avec le Panthéon d’Assise, avec la Déclaration d’Abou Dhabi. Aux questions de Symmaque, Ambroise répondit : « Cette vérité que vous ne connaissez pas, nous l’avons apprise directement de Dieu ! » 

Un épisode similaire eut lieu en 386, avec la promulgation de la loi qui autorisait les hérétiques à posséder et à restaurer les édifices religieux et qui imposait la mort à ceux qui ne la respectaient pas. Ce furent les années qui suivirent l’apostasie de Julien et sa tentative de restaurer le paganisme, avec la complicité des Ariens. Saint Ambroise n’hésita pas à élever sa voix avec autorité et, en tant qu’Évêque du Diocèse, il refusa d’accorder ne serait-ce qu’une seule église aux hérétiques. Lorsque l’armée impériale assiégea la basilique où se réfugièrent Ambroise et les Catholiques milanais, il résista courageusement aux abus, sans abdiquer son rôle et sans marchander sur les principes. C’est à cette occasion qu’il a pu enseigner aux fidèles, pendant les longues heures des jours de siège, les hymnes qu’il composa et qui font encore partie de la liturgie ambrosienne et romaine. Parce que saint Ambroise, ne l’oublions pas, a codifié la liturgie qui tire son nom de lui.

Saint Ambroise arriva à la plenitudo Sacerdotii sans y être préparé : sept jours plus tôt, il n’avait même pas imaginé qu’il pourrait être appelé à diriger le Diocèse de Milan, un important carrefour politique, économique et culturel de l’Empire.

Mais son manque de formation sacerdotale a été pour lui une aiguillon pour l’étude de l’Écriture Sainte et des Pères de l’Église, entre autres saint Athanase et saint Basile le Grand. En ces temps de confusion et de persécution, de nombreux jeunes appelés par le Seigneur à Le servir dans leur vocation cléricale ou religieuse se trouvent dans une situation similaire. Eux aussi sont appelés à haute voix par les fidèles, privés des Sacrements et de la Messe par soixante ans de révolution conciliaire, comme ils l’étaient alors par des décennies d’Arianisme. Eux non plus n’ont pas la formation adéquate, ni le temps et les moyens de la réaliser dans une structure canoniquement protégée. Et pourtant, ils répondent à cet appel, avec générosité et confiance dans l’aide de Dieu qui les appelle : comment rester inertes face à cette situation tout à fait extraordinaire et unique ? Quel Pasteur, je me le demande, utiliserait les normes de l’Église, valables pour des temps ordinaires et conçues pour une institution saine dans tous ses organes de gouvernement, comme excuse pour se dispenser du devoir d’évangéliser et de sanctifier les âmes ?

Aujourd’hui, cinquante ans après la fondation de la Fraternité de Mgr Marcel Lefebvre, nous pouvons reconnaître avec sérénité et équité que sa décision d’établir un Séminaire traditionnel qui assurerait de bons prêtres était non seulement légitime, mais nécessaire.

Ceux qui s’y sont opposés à l’époque par des menaces, des représailles et des sanctions canoniques ont montré qu’ils étaient alignés sur ceux qui, aujourd’hui, ne cachent pas leur aversion non seulement pour la Liturgie tridentine, mais pour tout ce qui est catholique, apostolique et romain. Mais cinquante ans plus tard, il semble que l’Italie ne mérite pas un Séminaire qui n’exige pas de ses clercs qu’ils acceptent Vatican II et la liturgie réformée.

C’est pourquoi, comme cela a déjà été annoncé le 2 décembre dernier, l’Association Exsurge Domine a décidé d’affecter les structures de l’Ermitage [Eremo della Palanzana] en cours de restauration et de construction à la réalisation du Collegium Traditionis, où la formation sacerdotale traditionnelle peut être dispensée aux jeunes vocations.

Le feu dont saint Ambroise a été embrasé le 7 décembre il y a 1649 ans, est le même que celui qui brûle dans le cœur de tant de jeunes. Donnons-leur la possibilité de devenir de saints prêtres, et nous aurons la certitude d’avoir jeté les bases de la reconstruction de la société chrétienne de demain.

Saint Ambroise, contrairement à la futile bien-pensance conciliaire et synodale, savait être violent : non pas violent contre son prochain, mais contre ses propres défauts, ses penchants mauvais, ses tentations. Il fut violent, comme l’est celui qui conquiert la gloire éternelle : « Le Royaume des cieux souffre la violence, et les violents s’en emparent » (Mt 11, 12). Une sainte violence faite de discipline, de mortification, de jeûne, de prière, de ministère infatigable, de détachement total des biens matériels pour aider les pauvres et les nécessiteux. Et en cela nous trouvons en lui le même tempérament que d’autres grands Saints tels qu’Hilaire de Poitiers, Irénée de Lyon, Isidore de Séville, ou saint Charles Borromée.

Cette violence évangélique se traduit par la douceur envers le prochain, en rétablissant l’ordre divin que le péché a brisé.

Pour cette raison, nous comprenons le caractère d’un saint qui ne peut tolérer le paganisme et l’hérésie et qui n’épargne pas les homélies, les discours, les lettres, les œuvres apologétiques et théologiques pour les éradiquer. Seuls ceux qui sont dévorés par le zèle pour la maison de l’Éternel, comme le dit le Psaume 69, ne trouvent pas la paix tant qu’ils n’ont pas ramené les dernières brebis au bercail. Il n’y a que ceux qui sont enflammés de l’amour de Dieu qui réagissent avec vigueur et passion, de toutes leurs fibres, en voyant tant d’âmes destinées au Ciel se damner à jamais. Seuls ceux qui se laissent illuminer par le soleil éclatant de la Vérité veulent appeler à la même lumière divine ceux qui marchent dans les ténèbres.

En 1339, lors de la célèbre bataille de Parabiago qui décréta la remise du pouvoir de la ville aux Visconti, saint Ambroise apparut sur un coursier blanc, un étrier à la main, terrorisant les mercenaires suisses et allemands qui s’apprêtaient à vaincre les Milanais. C’est alors que le Saint fut proclamé défenseur de la ville.

Dans d’autres circonstances, comme à Cortina en 1412, la Sainte Vierge intervint pour aider le peuple catholique assiégé, se montrant à cheval, l’épée dégainée à la main. Ces irruptions miraculeuses de l’éternité de Dieu dans la vie quotidienne des hommes dérangent la Hiérarchie actuelle, qui déteste toute manifestation de virilité chrétienne et préfère les vils compromis, sinon la complicité abjecte avec les méchants. Mais l’Église ne peut pas être à l’image du monde, parce que, selon les paroles de saint Ambroise, Fulget Ecclesia non suo, sed Christi lumine : l’Église ne brille pas de sa propre lumière, mais de la lumière du Christ. Si elle ne brille pas de la lumière du Christ, elle n’est pas l’Église.

Nous avons beaucoup d’ennemis qui se profilent à l’horizon, et sur plusieurs fronts. Si nous n’osons pas espérer voir saint Ambroise apparaître à cheval, nous pouvons néanmoins prier le Seigneur pour que, par son exemple et par son intercession, il nous accorde de saints pasteurs pour défendre la Vigne contre le sanglier qui la dévaste (Ps 80, 13). Ainsi soit-il.

+ Carlo Maria Viganò, Archevêque

7 décembre 2023, Ordinatio S.cti Ambrosii  Pontificis Mediolanensis, Doctoris et Patroni princip. Civitatis et Diœcesis 

© Traduction de F. de Villasmundo pour MPI relue et corrigée par Mgr Viganò

Fabien Laurent

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